« On l’a promis, on l’a fait ». Marc-Antoine Vial et Hassan Khaloufi viennent de créer Maison Soleil à Perpignan. L’idée est d’accompagner les talents artistiques et de les porter vers la professionnalisation. Photo d’ouverture : Marc Antoine Vial et Hassan Khaloufi © Nacer Hamadi
« Il y a un manque sur le territoire » explique Hassan Khaloufi, directeur de Maison Soleil. Expert en cultures urbaines, programmateur musical et intervenant en médiation culturelle, il rêve de faire émerger des pépites dans une ville pourtant bien loin de Paris.
« Nous allons avoir de la pratique amateur et l’idée est de repérer des talents parmi ces gens. » explique-t-il. « On croit beaucoup aux quartiers, j’en suis issu. »
Croiser les artistes ayant fait carrière et des jeunes issues de la « pratique amateur » pourrait faire émerger des nouvelles connexions.
Un lieu de vie pour déclencher des rencontres dans la nébuleuse artistique locale
Au coeur du projet, la création d’un lieu de vie où tout ce petit monde pourra se côtoyer. « Un peu comme Darwin à Bordeaux, la Place à Paris… »
Le tout avec le défi, et non des moindres, d’éviter l’entre-soi. Au-delà du travail sur le quartier Marc-Antoine et Hassan souhaitent amener la ruralité dans leurs projets. « Il y a un manque de culture urbaine dans le monde rural. » L’emplacement du futur local devrait être déterminé prochainement.
Côté partenaires, Maison Soleil commence à bien s’entourer, y compris à l’international. « Je reviens d’Algérie. Juste avant, on était au Sénégal, on a tissé un partenariat avec Impact Sénégal qui monte un festival autour des JOJ de 2026 (NDLR : Jeux Olympiques de la Jeunesse). On travaille aussi avec le Festival International des Sports Extrêmes, qui a récupéré le breaking. Sur la musique, on bosse avec les Déferlantes… »
« On se définit sur la qualité, le sur-mesure »
Maison Soleil pourrait aussi produire un peu d’évènementiel. L’association veut surtout aborder la musique au sens très large. « J’ai une formation rap, hip-hop. Et dans le hip-hop, tu échantillonnes, tu récupères ce qui existe et tu transformes, tu croises les styles. » Marc-Antoine Vial, qui se qualifie d’homme d’affaires, amène de son côté le monde de l’électro, dont il est producteur. « On se définit sur la qualité, le sur-mesure. » Ils déplorent une crainte du grand public à intégrer les ateliers existants dans les quartiers.
« Il y a des mecs qui adorent faire du hip-hop ou des cours de chants mais comme c’est un truc de quartier, ils se l’interdisent. Il faut une connexion des deux mondes. »
Projets disruptifs, autonomes, quitte à ne fonctionner d’abord que sur fonds privés, le modèle cherche à vivre de mécénat et d’évènementiel. « Il y a déjà des talents dont on s’occupe. On a accompagné Enock pour se présenter au Tremplin Rose, on l’aide à se structurer. » Mission, arriver à professionnaliser un artiste et lui faire obtenir son statut d’intermittent.
« Skow, un artiste avec lequel je bosse énormément, a signé chez Booba. Il est maintenant autonome. C’était un gamin qui traînait dans le quartier, qui galérait pour avoir du travail et n’avait pas l’âge pour le RSA. Aujourd’hui, il a une vie de famille. »
Même chose pour MaGuelon, lui aussi issu du quartier et cherchant à se professionnaliser. « Maintenant il enregistre en studio, il crée un livre… »
De Saint-Jacques à Science-Po Paris, sans jamais lâcher la musique
Malgré elle, l’association Maison Soleil a vu son nom cité dans la polémique autour de la course de canards en plastique organisée pour le centre commercial Auchan et prévue dans la Basse avant d’être annulée. Elle était bénéficiaire des fonds récoltés, pour « déployer des ateliers de pratiques artistiques dans les quartiers auprès de personnes défavorisées qui n’ont pas accès à la culture. »
Hassan, 40 ans, est issu du quartier Saint-Jacques. « J’ai eu la particularité d’aller dans les écoles où mes camarades de quartier n’allaient pas. Je suis allé à Jean Massé, Arago, je me suis retrouvé à faire du russe. Un Arabe qui parle russe ! D’un côté, j’avais ce monde du quartier et de l’autre mes potes du lycée, et j’avais cette capacité d’adaptation. »
Il fréquente longtemps la Casa Musicale. Après une escapade à Sciences-Po Paris, Hassan revient à Perpignan et reprend la musique, sort un album. « Le fait de m’être occupé de moi m’a permis un relationnel assez costaud pour m’occuper des autres. »
« Il y a un délaissement des gens des quartiers à Perpignan »
Projets avec le Département et la direction de la jeunesse à Perpignan, tout est dans les starting-blocks. Parmi les ateliers, une ouverture aux enfants et aux initiations. « Il y aura du baby-break pour les tout-petits, on commence à trois ans. Éveil rythmique, corporel, tout ça. »
Toutes les actions serviront de pépinière pour repérer les talents et les accompagner. « Il faut être sur le terrain. Il y a un délaissement des gens des quartiers à Perpignan. Ici on est trop sur des rails et on attend que ça passe. Mais qu’est-ce qu’on aime Perpignan ! » Maison Soleil entend être en adéquation avec son temps, avec des ateliers de graffitis mêlés à l’intelligence artificielle et à la 3D. Dans les cartons, Maison Soleil prévoit aussi un travail sur du mapping, ou encore sur l’humour et le théâtre, y compris avec le jeune public.
Les cultures hispaniques et gitanes seront aussi mises en avant. « On a été appelé pour travailler avec un artiste gitan. Il y a aussi une artiste andalouse qui est incroyable en flamenco. »
Le décollage est imminent. Une initiative à suivre de près.
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