Article mis à jour le 8 septembre 2022 à 17:43
Ce 29 février, Perpignan était presque devenue une enclave sud catalane. Pas étonnant, vu que la population de la ville a doublé le temps d’un week-end ; les Catalans du nord voyant plus de 100.000 Catalans du sud franchir la frontière pour écouter leur « président légitime ». Le décalage était d’autant plus flagrant ce samedi que les grands médias français n’avaient d’yeux que pour le coronanavirus ; quand ce n’était pas le malaise provoqué par le César remis au réalisateur Roman Polanski.
Rien sur cet événement pourtant inédit depuis plus d’un siècle. Alors, le temps d’un week-end, hôteliers et restaurateurs du département se sont souvenus de regarder vers leurs voisins du sud ; plutôt que d’attendre que Paris daigne jeter un regard bienveillant sur les problématiques du territoire. Retour sur le périple perpignanais de Carles Puigdemont.
♦ Puigdemont dans la cathédrale du rugby à XV catalan
Fut-elle au nord des Pyrénées, la première séquence de ce retour en terre catalane de Carles Puigdemont fut à Aimé Giral. Le président du club de rugby à XV avait invité le leader indépendantiste à assister au match de l’USAP.
Entre selfies et sollicitations de la presse, Carles Puigdemont a découvert une brique à son nom sur le mur des légendes du stade. Les images de liesse et d’accolades ont immédiatement déferlé sur les réseaux sociaux ; l’eurodéputé ceint d’une écharpe aux couleurs sang et or.
Pour la petite histoire, l’USAP a remporté la rencontre, 57 à 12 face à Rouen. Et côté tribune, l’effet Carles Puigdemont a eu pour effet de booster le nombre de places vendues ; avec plus de 10.000 spectateurs. À l’issue du match, le traditionnel tour d’honneur des joueurs fut précédé par celui des politiques. François Rivière, Jean-Marc Pujol, maire de Perpignan, Hermeline Malherbe, présidente du Conseil Départemental entouraient Carles Puigdemont sur la pelouse du stade.
♦ L’ancien président de la Generalitat et les élus locaux
Le samedi matin, la séquence fut plus protocolaire. L’ancien président de la Generalitat de Catalogne et son successeur Quim Torra étaient attendus successivement à la Mairie de Perpignan et au Conseil Départemental ; le temps de remercier les élus et institutions pour leur soutien aux personnalités catalanes emprisonnées. Avec une grande prudence, Jean-Marc Pujol tout comme Hermeline Malherbe sont restés sur les terrains de la solidarité et de la liberté d’expression ; en évitant minutieusement le terrain glissant de l’indépendantisme catalan.
Jean-Marc Pujol est revenu sur le passé de terre d’accueil du département et de Perpignan ; ainsi que sur son passé personnel. « Nous faisons un geste simple et de solidarité. C’est ce que j’ai appris de mes parents et de mes grands-parents ».
L’ancien président catalan de déclarer : « Quand les Catalans ont eu besoin de solidarité, nous avons cherché une lumière au-delà de la noirceur de ceux qui nous ont persécutés durant des siècles .[…] Nous avons trouvé cette lumière à Perpignan. […] Nous sommes venus au Centre du Monde pour venir trouver la lumière de l’espérance pour le peuple Catalan ».
Quant à Quim Torra, le successeur de Carles Puigdemont à la tête du gouvernement catalan a mis l’accent sur le soutien du sénateur François Calvet, particulièrement ému ; et sur celui des maires qui les ont soutenus durant toutes ces années. « La dette que les Catalans du Sud ont envers les Catalans du nord est inestimable. Nous n’oublions jamais ce que vous avez fait pour nous ».
♦ La rock-star catalane et les candidats à l’élection municipale
La visite de Carles Puigdemont à Perpignan en plein cœur de la campagne des municipales n’a pas manqué de susciter l’intérêt des candidats. Par ordre chronologique, ce fut Jean-Marc Pujol (maire et candidat Les Républicains) qui proposa de mettre à disposition le parking du Parc des Expositions.
Puis le candidat de la majorité présidentielle, Romain Grau a indirectement mis en scène sa proximité avec Carles Puigdemont. Jordi Vera, responsable de Oui au Pays Catalan, a diffusé une photo de Romain Grau entouré de son équipe rapprochée et de l’ancien président Catalan à son domicile. Faisant ainsi d’une pierre deux coups, s’afficher avec la rock-star ; mais dans un cadre personnel pour ne pas interférer avec son rôle de député En Marche.
La candidate écologiste a profité de sa présence en tribune du match pour immortaliser le moment avec la star du week-end. Quant à Caroline Forgues et la liste Alternative 2020, ils ont choisi ce moment pour rappeler sur les allées Maillol leur « soutien à la libération des prisonniers politiques au Sud ».
Louis Aliot, député Rassemblement National et candidat sans étiquette à la mairie de Perpignan, a saisi l’opportunité pour dénoncer la banderole affichée quelques minutes lors de la rencontre à Aimé Giral. Ce dernier dénonçant « l’exploitation politicienne… évidente et indécente ». Les autres candidats aux élections municipales de Perpignan ne se sont pas exprimés sur le sujet.
♦ Un dispositif sans faille pour une affluence record à Perpignan
Perpignan n’avait plus vu une telle affluence depuis la révolte des vignerons de 1907. Des chiffres qui, de prime abord, auraient pu décourager les organisateurs ; voire pousser les autorités à interdire un tel déploiement. Il n’en fut rien. La réputation et le sérieux de ceux qui ont l’habitude d’organiser des manifestations comptant parfois 1 million de personnes semblent avoir convaincu.
Pas moins de 600 bus, près de 400 camping-cars, 250 motos et 12.000 voitures étaient attendus. Et malgré cet afflux de plus de 100.000 personnes, aucun incident notable n’est à déplorer. Les réseaux sociaux se sont également fait l’écho du comportement exemplaire de cette foule immense. Une foule qui comptait de nombreuses familles et personnes âgées. Des personnes qui malgré la route et le soleil ont patienté plusieurs heures debout sur le parking du Parc des Expositions.
L’indépendant faisait part, dans son édition du jour, d’une centaine de légers malaises ; malaises rapidement pris en charge par le dispositif sanitaire déployé.
Pour de nombreux témoins, il s’agit là « d’une leçon de civisme, de courtoisie et de respect des autres donnée à Perpignan, à l’Europe entière ». Bien loin des débordements et autres dégâts qui émaillent parfois les mobilisations en France.
♦ Un discours politique offensif sur fond de crise entre les partis indépendantistes
Il est le « président légitime » des Catalans favorables à l’indépendance. Pour rappel, Carles Puigdemont a été destitué de son mandat de président du gouvernement de Catalogne après le référendum d’autodétermination d’octobre 2017. Il est sous mandat d’arrêt espagnol au motif de sédition. Malgré cela, il a pu faire campagne depuis la Belgique et ainsi être élu député européen ; ce qui lui confère aujourd’hui l’immunité parlementaire.
En vue des prochaines élections en Catalogne, le discours se devait d’être combatif et revendicatif ; dans un contexte où le camp des indépendantistes Catalans se divise autour de la main tendue par le gouvernement de Pedro Sanchez. Une volonté donc de se démarquer des indépendantistes assis à la table des négociations avec le gouvernement espagnol.
Le leader indépendantiste lance à la foule : « En qualité de peuple qui veut fermement être libre et qui s’est mis en marche depuis des années, nous savons, et ils savent, que nous ne nous arrêterons pas ; ils ne nous arrêteront pas ! […] Une république catalane indépendante est le seul moyen de mettre fin à un régime monarchique né directement du franquisme. Un régime injuste et allergique à la catalanité. […]« .
Carles Puigdemont appelle à l’union pour remporter la victoire. « Le Consell pour la République est né pour nous permettre de gagner notre liberté. Préparons-nous, car nous avons encore beaucoup de travail, en coordonnant nos actions, pour combattre la répression de l’État espagnol. Nous devons nous préparer en refusant ce régime monarchique né du franquisme, et en refusant les négociations abusives de cet état répressif. Nous avons organisé et gagné un référendum parce que nous étions unis. La coordination et le travail en union nous conduiront à la victoire. Nous devons désormais nous préparer pour gagner la lutte définitive ».
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