Article mis à jour le 10 mars 2023 à 14:08
C’est dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine que Bruno Cali a eu carte blanche pour accompagner le lever du soleil sur le Mémorial de Rivesaltes. Un moment inoubliable, emprunt d’une émotion qui a saisi les plus de 180 personnes présentes malgré l’heure matinale et le froid saisissant et inhabituel en cette saison.
♦ Pepita León invitée de Cali
Cette fille de républicains espagnols, ancienne internée, se souvient encore de certains bruits serrent mon cœur, certaines odeurs me sont insupportables, ces traumatismes sont à jamais inscrits dans mon corps et dans mon esprit…». Celle qui est aujourd’hui Présidente de l’Amicale des anciens guérilleros espagnols en France n’a rien perdu de sa combativité. Elle témoignait le 8 mars 2009, journée de la femme, des conditions d’exil infligées particulièrement aux femmes suite à la guerre d’Espagne. « Il ne faut jamais oublier toute ces femmes républicaines espagnoles qui ont franchi la frontière espagnole en 1939. Elles ont étés dirigées vers les camps de concentration, d’Argelès, Saint Cyprien ou Rivesaltes ou ailleurs. Des camps faits de barbelés, de sable et de mer, et pas plus. On a commencé à surnommer ces femmes en exil « Las rojas » (les rouges). Je revendique moi-même cette couleur, qui me va très bien. Celles qui avaient tout perdu, qui ne comprenaient pas la langue, seulement le « Allez-Allez », avaient peur, froid, faim, angoisse, souffrance, rivières de larmes. Combien de souffrances en ce mois de février si rigoureux, point culminant des privations à commencer par celle de la liberté ! Comble d’humiliation pour les femmes, jeunes ou moins jeunes, peu importe pour les violeurs, qui violaient y compris devant les enfants… »
Pepita León a chanté la célèbre et triste chanson composée par un groupe de soldats républicains espagnols alors qu’ils franchissaient la frontière espagnole au moment de la Retirada en février 1939. La chanson de Bourg Madame : « Espagnols vous sortez de votre patrie après avoir lutté contre l’envahisseur… À toi Franco, vil assassin de femmes et enfants du peuple espagnol… Toi qui a ouvert les portes au fascisme, tu auras éternellement les portes de notre malédiction.. ».
♦ « Nous formions comme un bloc à l’écoute des mots dans la nuit »
Nathalie Leverrier, enseignante du collège St Exupéry a également assisté à ce lever de soleil. Cette enseignante est particulièrement investit dans l’histoire du mémorial. Son travail a permis de mettre en lumière le témoignage de Kristian Levien. Kristian a découvert son histoire en 2003 dans une valise. Celle d’un internement en 1941 dans le camp de Rivesaltes, une histoire que sa mère avait muré dans le silence et que Kristian a découvert dans une valise au décès de son oncle. Nathalie nous confiait qu’elle était venu ce matin à titre personnel mais que qu’elle travaille sur ce lieu de mémoire depuis plus de 20 ans. « Mon histoire est désormais imbriquée à ce lieu. J’ai ressenti un moment très fort quand j’ai entendu Cali chanter l’Affiche Rouge de Léo Ferrer qui interprète le texte de Louis Aragon. C’est un texte que j’ai traité avec mes élèves. À un moment, j’ai senti que nous étions comme un bloc, on ne sentait plus le froid, tous ensemble nous formions comme un bloc à l’écoute des mots dans la nuit. J’ai aussi ressenti l’absence à travers les fenêtres béantes, l’absence de tous ces gens qui sont passé par ces camps, et aussi celle de Monsieur Levien ».
♦ La carte blanche de Cali
Bruno Cali a été le 3ème artiste à avoir répondu présent pour les levers de soleil estival du Mémorial de Rivesaltes. Celui dont l’histoire personnelle est marquée par l’exil et les camps destinés aux réfugiés espagnols a choisi des chansons en l’honneur de son père, de sa grand-mère et de son grand-père (Giuseppe Caliciuri, était un Italien, enrôlé dans les Brigades internationales pour combattre Franco) : « Mon papa me racontait la vie de son père, et j’étais trop jeune pour comprendre. Par la suite, j’ai compris que mon grand père était un héros, et ma grand-mère que j’ai connu ne parlait pas beaucoup, elle ne m’avait pas raconté tout cela. C’est en leur honneur que j’ai choisi ces chansons, j’avais lu beaucoup de témoignages, mais je n’ai pas voulu m’enfoncer dans des choses très très dures, car on le sait… J’ai retenu des moments un peu plus joyeux….
Pour le chanteur engagé aux côtés de nombreuses associations et notamment Habitat et Citoyenneté qui accompagne les migrants et les réfugiés, « Il est important de venir ici avec les enfants et de parler du passé, pour que le futur soit meilleur. Il faut parler à la jeunesse même si l’histoire se répète. Pour moi, être là, c’est être le porte voix de gens qui ont vécu une tragédie, celle d’avoir dû fuir leur pays, comme les migrants aujourd’hui. J’ai eu des émotions très fortes, un moment de fébrilité en faisant cela en direct de ce camp, lieu de toutes ces tragédies, celle des républicains espagnols, des tziganes, des juifs… De tous ceux qui ont vécu les ténèbres et la vie atroce ».
♦ Les prochains temps forts du Mémorial
Le 28 septembre à 18h30, Tony Brauman, Président de Médecins Sans Frontières viendra dans le cadre des Nuits du Mémorial.
Le 16 novembre, c’est l’ancien footballeur et fondateur depuis 2008 de la Fondation Lilian Thuram pour l’éducation et contre le racisme qui sera l’invité de La Nuit du Mémorial.
Renseignements et réservations au 0468083970 ou par courriel
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