Article mis à jour le 3 mars 2025 à 12:31
Dans les Pyrénées-Orientales et sur quatre autres chantiers territoriaux, le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) va mener une campagne d’envergure afin d’identifier les zones les plus favorables à la présence de gisements profonds. Un projet lancé en février 2025 et financé dans le cadre de France 2030 par l’ANR (Agence nationale de la recherche).
Lithium, cuivre, nickel, tungstène… autant de substances minières répertoriées dans le sous-sol de notre département, comme en Cerdagne. Ainsi qu’à l’ouest du massif central, dans la zone Morvan-Brévenne, les Vosges, les Cévennes ou le Sillon Nord de la Guyane.
Les Pyrénées-Orientales passés au crible
« L’idée de cette étude est de coupler plusieurs méthodes non invasives (géophysique aéroportée, prélèvements de sédiments et d’eau pour analyses géochimiques), afin d’identifier de potentielles concentrations d’une cinquantaine d’éléments d’intérêt », nous explique le BRGM, qui précise que toutes ces régions ne seront pas investiguées en même temps. À noter qu’aucun forage n’est prévu pour mener cette étude.
Fin 2021, le BRGM publiait déjà plusieurs cartes des substances minières répertoriées dans le sous-sol en France métropolitaine. Un travail de fourmi, qui synthétise les ressources estimées, les productions passées ainsi que le contexte géologique associé aux gîtes et gisements métropolitains de 24 substances, dont le tungstène, le cobalt, le lithium, le cuivre, l’étain, le titane, le nickel, l’argent ou l’or…
Si le lithium, l’un des métaux rares les plus convoités du début du siècle, pourrait être présent dans les Pyrénées-Orientales, le département ne fait pas partie des six sites à « ressources estimées suffisantes », pointés par le BRGM. Parmi ces derniers, le site de « Beauvoir », dans l’Allier, compterait 375 000 tonnes de lithium supposées ou celui de « Tréguennec », en Bretagne, abriterait 64 680 tonnes du métal tant convoité. Le lithium entre en effet dans la composition des batteries rechargeables utilisées dans les smartphones ou pour les voitures électriques.
Le BRGM mène un vaste inventaire du potentiel géologique
Enfouis dans les abîmes de notre département, il existe peut-être un potentiel plus important pour d’autres métaux, comme le tungstène. On pourrait par exemple en retrouver non-loin du sommet du Costabonne, situé entre Prats-de-Mollo-la-Preste et Setcases. Mais « la connaissance actuelle doit être considérablement approfondie », nuance le BRGM.
Historiquement, la France a été un important producteur de tungstène jusqu’en 1986. Au total, 27 240 tonnes de ce métal auraient été produites en France, entre 1812 et 1986. Le bureau note une production record de 1 400 tonnes en 1986. La mine de Salau, en Ariège, a été la dernière à exploiter le minerai, utilisé pour l’automobile, l’aéronautique et l’armement.
Afin d’actualiser la connaissance du potentiel géologique national en métaux « stratégiques », le BRGM va mener un vaste inventaire sur une partie du territoire métropolitain et ultramarin. Ce programme, d’un montant de 53 millions d’euros et d’une durée prévisionnelle de cinq ans, permettra d’identifier les zones d’intérêt pour une cinquantaine d’éléments ciblés. Il s’agit de mettre à jour le précédent inventaire, réalisé entre 1970 et 1995, aujourd’hui obsolète.
« Ce programme vise à améliorer notre connaissance du sous-sol national pour identifier les zones susceptibles de contenir des ressources minérales d’intérêt, qui pourront ensuite faire l’objet d’études d’exploration minière plus approfondies, dans le cadre de permis exclusif de recherche (PER) », peut-on lire sur le site du bureau de recherches géologiques et minières. Cet inventaire des ressources minérales a donc pour objectif de « renforcer la résilience de notre économie, tout en soutenant sa ré-industrialisation. »
Cet hélicoptère qui décode les entrailles de la Terre
Actualiser l’inventaire des ressources minérales nécessite de nombreuses expertises. D’après le BRGM, des travaux sont d’ores et déjà en cours pour réaliser l’analyse d’échantillons historiques et la mise en cohérence de plusieurs bases de données.
« Par ailleurs, de grandes études géophysiques aéroportées seront lancées avec les méthodes les plus modernes pour recueillir des données indirectes sur la nature des structures géologiques du sous-sol et des fluides qui les traversent, depuis la proche surface jusqu’à plus de mille mètres de profondeur », nous dévoile le BRGM. Ces programmes d’étude menés par hélicoptère ou par avion bénéficieront de l’expérience acquise ces dernières années dans le Massif central et les Vosges.
Pour collecter des informations sur les sols du massif vosgien, le BRGM avait lancé un programme utilisant un hélicoptère auquel est suspendue une boucle électromagnétique. À la manière d’une radio, cet appareil analyse les entrailles de la Terre. « La géophysique aéroportée est une technique non invasive et très efficace. Elle couvre de larges surfaces, même celles qui sont difficiles d’accès par l’Homme, comme les forêts et les montagnes. Pour couvrir autant de distance en prospectant à pied, il faudrait des années, pour des coûts bien plus importants, et certaines zones resteraient inaccessibles », expliquait sur X, le BRGM en septembre dernier.
En parallèle, des prélèvements de sédiments provenant des cours d’eau seront effectués pour réaliser des analyses géochimiques panoramiques, afin de compléter la connaissance géologique existante. L’ensemble de ces informations devront ensuite être interprétées de manière croisée pour identifier des secteurs propices à l’existence de corps minéralisés d’intérêt. Pour ce faire, un appel à innovation sera lancé afin de mobiliser les entreprises capables d’apporter des solutions numériques, pour optimiser l’interprétation des données notamment à partir d’intelligence artificielle, annonce le BRGM.
Une course mondiale aux minerais stratégiques
Dans les années 70, la France a mené un inventaire de ses ressources minières, régulièrement mis à jour jusqu’au début des années 90. À l’époque, seulement 22 substances, qui correspondaient aux priorités de l’époque, y étaient répertoriées. « De nombreux autres éléments, considérés aujourd’hui comme « critiques et stratégiques » (lithium, tantale, césium, gallium, germanium, hafnium…), n’ont pas été recherchés, et les capacités analytiques de l’époque ne permettaient pas une détection très fine des teneurs dans la roche », affirme le bureau.
Les techniques « d’auscultation géophysique aéroportée » n’existaient pas, rendant l’exploration du sous-sol impossible. Selon le BRGM, ce nouvel inventaire ouvre donc la voie à une couverture plus large et plus profonde des territoires étudiés et à une détection affinée des substances. Elles devront notamment permettre d’identifier des gisements « cachés sous couverture », jamais explorés dans le passé, ou des extensions en profondeur de gisements déjà connus, conclut le BRGM.
En tant que service géologique national, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) est l’établissement public de référence dans les applications des sciences de la Terre pour gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol.
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