Article mis à jour le 13 décembre 2024 à 10:52
Ce jeudi 12 décembre 2024, le président de la FFB (Fédération française du bâtiment) d’Occitanie et ses 13 présidents départementaux étaient réunis pour une conférence de presse exceptionnelle. L’organisation professionnelle compte à ce jour 70 000 entreprises et 150 000 actifs. Recul de l’activité, baisse du chiffre d’affaires, défaillances des entreprises, emploi… autour de la table, les préoccupations sont nombreuses. En effet, la filière traverse une crise sans précédent.
Cette année, près de 27 000 logements neufs sont sortis de terre. Un chiffre qui ne cesse de régresser ces dernières années. À titre de comparaison, en moyenne, 42 000 logements étaient construits par an, entre 2013 et 2023. Et les projections pour 2025 ne montrent aucune inversion de tendance sur ce marché qui pèse pour 25 % de l’activité du secteur du bâtiment. « La situation est très grave », entame Frédéric Carré, président de la fédération du bâtiment d’Occitanie. « La production de logements neufs en Occitanie, comme en France, atteindra bientôt son point le plus bas depuis les années 1950. »
Le secteur du bâtiment traverse une crise sans précédent
Selon la FFB, il faudrait en moyenne construire 47 000 nouveaux logements par an en Occitanie. « Aujourd’hui, un million de Français sont mal logés », appuie Frédéric Carré. « Et nous avons 200 000 demandeurs de logements sociaux en attente. » D’après les dernières estimations, plus de 20 000 unités devraient faire défaut en 2024, avec une perspective de déficit aggravé en 2025.
De leur côté, les surfaces commerciales, bureaux et bâtiments publics, affichent aussi un net repli de moins 10%, en 2024. Une baisse liée à une « réduction des investissements des entreprises », et à « une prudence accrue des collectivités locales » qui anticipent sur des baisses de dotations de l’Etat sur leurs budgets, explique la FFB.
Et la rénovation énergétique est loin de compenser la baisse des constructions neuves, selon Frédéric Carré. « Nous attendions une hausse de 3% de l’activité de rénovation, on se limitera finalement à 1,5%. » En cause, le marché de la rénovation énergétique insuffisamment soutenu par l’État, selon l’entrepreneur.
Lancé en janvier 2020, le dispositif MaPrimeRenov’ est le principal mécanisme d’aides du secteur. En 2023, une enveloppe de 2,7 milliards d’euros d’aides a été versée aux professionnel. « On nous met des conditions tellement difficiles pour arriver à consommer ce budget, qu’on y touche même pas ! », s’insurge Frédéric Carré. La hausse des coûts des travaux et la difficulté d’accès à un artisan qualifié dissuaderaient également les ménages d’engager des chantiers.
10 000 emplois menacés en 2025 en Occitanie
Conséquence de la baisse des mises en chantier, les défaillances d’entreprises s’emballent. D’après Frédéric Carré, 10 000 emplois seraient menacés en Occitanie, courant 2025. Pour rappel, lorsqu’une entreprise est en défaillance, cela signifie qu’elle n’est plus en mesure de faire face à ses obligations financières.
D’ici fin 2024, les défaillances d’entreprises, au nombre de 1 300, auront progressé de plus de 30%, par rapport à la moyenne des 10 dernières années. « Nous avons perdu, sur les 18 derniers mois, 3 800 emplois en Occitanie. En 2025, si rien n’est fait, nous allons perdre 10 000 emplois de plus. Même le Covid et l’inflation des matières premières, n’ont pas eu un tel impact ! Les entreprises du bâtiment ont été résilientes tant qu’elles ont pu », alerte le président de la fédération. Cette année, le chiffre d’affaires du secteur a diminué de 6%.
Chaque année, 50 000 personnes viennent s’installer dans la région. « Le logement, ce n’est pas une niche fiscale. C’est au contraire un tremplin pour créer de l’emploi, de la richesse et permettre à chacun de se loger », affirme le président de la fédération.
Quatre mesures concrètes pour sortir du rouge
Pour sortir du rouge, la FFB exige l’application de quatre mesures immédiates sur le logement neuf. Premièrement, relancer l’accession à la propriété, en rétablissant un PTZ (prêt à taux zéro) universel, pour tous les territoires et tout type de construction. Et en supprimant les préconisations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui génèrent 20% des refus de crédit.
La deuxième mesure consiste à instaurer un régime universel d’investissement locatif privé. Ainsi, la création d’un statut « du bailleur privé », permettrait notamment un amortissement du bâti sur 50 ans (taux de 2 % par an), dans le neuf et dans l’existant, pour l’ensemble des logements locatifs privés. La FFB demande aussi l’arrêt du dispositif « Pinel » : éligibilité des promesses de ventes signées, avant le 31 décembre 2024. Pour rappel, ce dispositif ouvre droit à une réduction d’impôt sur le prix d’achat d’un logement mis en location, sous certaines conditions.
Enfin, la troisième mesure forte vise à faciliter les donations en ligne directe pour l’investissement dans le neuf. La FFB souhaite adopter une mesure « donations » en faveur de l’acquisition ou de la construction, avec un plafond d’exonération allant jusqu’à 100 000 euros. Le quatrième point consiste à relancer la construction de logements sociaux, en plafonnant la réduction de loyer de solidarité (RLS) à 1,1 milliard d’euros par an, en contrepartie d’engagements de production des bailleurs sociaux. À l’échelle de l’Occitanie, la mesure permettrait la construction de 650 logements locatifs sociaux additionnels sur une année.
Une chute brutale des ventes dans les Pyrénées-Orientales
« Dans les Pyrénées-Orientales, notre problématique, c’est le foncier », engage Laurent Maturana, président de la FFB des Pyrénées-Orientales. « Nous avons des zones inondables étendues sur quasiment toute la plaine du Roussillon. Derrière, on a la loi zéro artificialisation, et tout le contexte de sécheresse que l’on connaît. »
« La crise du logement neuf est aussi alimentée par des contraintes structurelles », confirme Maître Marilyse Sanchez-Conte, notaire à Laroque-des-Albères. « Les normes de construction toujours plus exigeantes et la raréfaction du foncier constructible, liée à la loi zéro artificialisation nette, compliquent et renchérissent la production de logements. » En effet, le prix des appartements neufs connaît une hausse de 19% et un prix au mètre carré médian de 4 500€.
Pour Maître Marilyse Sanchez-Conte, notaire à Laroque-des-Albères, «le constat est alarmant ». Entre 2023 et 2024, 300 appartements ont été vendus, contre 720 pour la période précédente, soit une baisse de 59%. Hormis les années fastes post-covid, le marché du neuf reste atone dans les Pyrénées-Orientales. Plusieurs points peuvent expliquer cette chute. Selon la notaire, la hausse des taux d’intérêt, la fin des dispositifs d’incitation fiscale, ou encore le manque de politique durable pour le logement sont plusieurs facteurs qui expliquent ce désintérêt des biens neufs.
Dans les Pyrénées-Orientales, la menace continue de planer sur certaines entreprises du BTP
En 2025, une incertitude demeure pour certaines entreprises du BTP. « Dans le département, nous avons peu de grosses entreprises qui déposent le bilan. Mais leur situation reste précaire, car elles vivent sur leurs fonds propres », prévient le président du tribunal de commerce. Aujourd’hui, le marché de l’immobilier neuf décline et les commandes publiques se font rares, selon Germain Moreno, président du tribunal de commerce de Perpignan.
En janvier 2024, l’entreprise catalane Fondeville, acteur majeur du BTP, était définitivement liquidée. Célèbre pour avoir construit plusieurs bâtiments emblématiques des Pyrénées-Orientales, comme le barrage de Vinça, le palais des congrès ou le Théâtre de l’Archipel à Perpignan, la liquidation a laissé sur le carreau 133 salariés.
« Nous sommes là avant tout pour accompagner les entreprises, il y a toujours des solutions. Et plus on décèle les difficultés en amont, plus il y a de chances de s’en sortir », assure Germain Moreno, qui se veut malgré tout rassurant sur la santé des entreprises catalanes.
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