À l’approche de Pâques, la question de la traçabilité du cacao redevient centrale. Face aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques de cette filière mondialisée, des scientifiques comme Evelyne, fondatrice de Trust in Isotopes, mobilisent une méthode inédite : l’analyse isotopique. Objectif : apporter une preuve scientifique de l’origine du cacao, au-delà des labels et des déclarations des producteurs. Photo © Etty Fidele / Unsplash
Sous le vernis du chocolat, une traçabilité pas toujours très transparente
Chaque année, près de 4,8 millions de tonnes de fèves sont produites à l’échelle mondiale, selon les données de l’Organisation internationale du cacao. Deux tiers de cette production proviennent d’Afrique de l’Ouest, en particulier de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Mais entre la récolte et la tablette, le parcours du cacao reste difficile à suivre. Et, pendant le weekend de Pâques, les français consomment environ 13 000 à 15 000 tonnes de chocolat, représentant près de 20 % des ventes annuelles de chocolat dans le pays.
« Les consommateurs cherchent à connaître l’origine du cacao qu’ils achètent, parce qu’ils veulent s’assurer qu’il a été produit dans des conditions décentes », explique Evelyne, fondatrice de Trust in Isotopes. Selon elle, la question de la traçabilité est tout aussi stratégique pour les acheteurs industriels : « D’un pays à l’autre, la qualité et donc le prix varient. Et avec l’inflation actuelle sur le marché du cacao – les prix ont atteint un niveau record en 2024 – les acheteurs ont tout intérêt à vérifier l’origine pour maîtriser leurs coûts. »
Le cacao s’échange en effet aujourd’hui à plus de 10 000 dollars la tonne sur les marchés, un prix qui a doublé en un an, dû notamment aux mauvaises récoltes en Afrique de l’Ouest et à la spéculation.
L’isotopie, une empreinte invisible mais fiable
Sur le terrain, les audits restent complexes. Vérifier manuellement l’origine de chaque lot de fèves s’apparente à un parcours du combattant. C’est là qu’intervient la méthode développée par Evelyne : l’analyse isotopique. « Un isotope, c’est une version d’un atome, comme le carbone 14 que vous connaissez peut-être. Mais ici, on utilise ceux de l’oxygène et de l’hydrogène, qui ne sont pas radioactifs. »
L’idée : chaque région du monde a une « signature » isotopique spécifique, liée à l’eau de pluie absorbée par les plantes. « L’eau en France n’a pas la même composition isotopique que celle de la Colombie ou de la Côte d’Ivoire. Or, cette signature est enregistrée par la plante au moment de sa croissance ». En analysant en laboratoire les fèves, Trust in Isotopes peut déterminer leur origine géographique avec précision.
Une garantie complémentaire aux labels
Cette méthode ne remplace pas les labels. Elle s’y ajoute. C’est même tout l’enjeu pour Evelyne : renforcer la crédibilité des certifications existantes. « L’idée est de collaborer avec les labels pour que l’analyse isotopique soit intégrée à leurs cahiers des charges. Un label qui repose uniquement sur des factures et quelques audits sur place ne suffit plus. »
Des labels comme Fairtrade, Rainforest Alliance, Bio européen – ou Transparence Cacao, dont se revendique le chocolatier local Cémoi – se sont multipliés ces dernières années. Mais leur crédibilité reste parfois contestée : certains audits sont jugés trop espacés, d’autres dépendants d’organismes privés peu transparents. L’analyse isotopique, elle, s’appuie sur des données physico-chimiques difficilement falsifiables.
Un début prometteur dans le secteur du chocolat
Trust in Isotopes a bénéficié de l’accompagnement de l’incubateur UPVD IN CUBE et la pépinière IMPACT à Perpignan. Depuis, les premiers échanges avec des acteurs de la filière cacao se montrent « encourageants », assure l’entrepreneuse d’origine normande. La jeune femme est déjà en contact avec un organisme certificateur qui y voit un complément aux audits de terrain. « Si on arrive à concrétiser avec un premier label d’importance, je m’imagine que les autres suivront ».
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