Article mis à jour le 21 septembre 2024 à 11:49
Depuis le printemps 2023, la maternité suisse d’Elne est fermée. En cause des désordres structurels mettant en péril le bâtiment. Après le soutien de la fondation du patrimoine et l’appel à dons, ce 20 septembre 2024, Nicolas Garcia, maire de la commune dévoilait enfin le chiffrage des travaux nécessaires à la réhabilitation.
Six millions d’euros pour la rénovation totale de la maternité suisse d’Elne
Autour de la table ce vendredi matin, les élus ont la mine grave, le chiffrage estimé par les entrepreneurs du bâtiment est plus élevé que prévu. Mais bonne nouvelle, les fondations de la maternité ne sont pas en péril. Toujours en cours de validation par les services du ministère de la culture, l’enveloppe totale pour rénover la maternité s’élève à six millions d’euros.
Les travaux seront donc réalisés en deux tranches. Une première tranche dont le coût s’élève à deux millions d’euros doit permettre de sécuriser le bâti et refaire la toiture pour mettre le lieu hors d’eau. C’est seulement après cette première salve de travaux que ce lieu, qui accueille chaque année 40 à 45.000 visiteurs, pourra à nouveau recevoir du public. Nicolas Garcia confirme qu’il faudra plusieurs mois avant que cette première tranche soit achevée.
La seconde tranche d’une plus grande ampleur doit permettre de reprendre l’ensemble des planchers, refaire les huisseries, l’électricité, en bref, un très gros chantier. Parmi les éléments qui font grimper le devis : des planchers devenus trop lourds pour la structure. « Il faudra les faire tomber et les reconstruire. Le propriétaire privé qui l’avait rachetée avait voulu renforcer les planchers, mais il a mis trop de béton et de ferraille et les a rendus trop lourds pour le bâtiment », précise Nicolas Garcia.
« Quoi qu’il en coûte » pour sauver la maternité d’Elne, un « lieu sentinelle »
En 2013, le lieu était classé comme monument historique grâce aux événements qu’il a accueilli, plus que par son architecture. Nicolas Garcia, lui-même enfant de la Retirada, déclare : « C’est un enjeu de faire vivre, de partager et d’utiliser ce lieu et l’histoire qui s’y est déroulée. Nous devons éveiller les consciences, comme le voulait Élisabeth Eidenbenz (infirmière suisse) et son équipe. »
Pour le maire communiste d’Elne, la maternité est un lieu sentinelle, une référence. Nicolas Garcia de reprendre les paroles d’Élisabeth Eidenbenz, « les visiteurs et surtout les enfants doivent sortir de ce lieu différents. » Et le maire de la commune de revenir sur l’histoire de la maternité : « À un moment où l’ensemble des partis et l’opinion publique en Europe avaient capitulé, la France a accueilli ces 475 000 hommes, femmes et enfants de manière scandaleuse. Élisabeth a résisté à sa manière. Elle a fait en sorte de donner la vie à des gens que les tyrans voulaient supprimer, éliminer. »
Sous l’impulsion de l’enseignante et infirmière suisse, la maternité vit naître 597 enfants entre décembre 1939 et avril 1944. La directrice de la maternité a accueilli des femmes et des enfants d’une dizaine de nationalités différentes. La plupart subissaient de terribles conditions d’internement au sein des camps d’Argelès-sur-Mer, de Saint-Cyprien ou de Rivesaltes. À partir de juin 1942, la maternité est rattachée à la Croix-Rouge Suisse et doit se soumettre aux lois de Vichy. Mais, Élisabeth Eidenbenz refuse et poursuit l’accueil des réfugiés sans distinction de leur origine ou de leur religion.
La maternité suisse d’Elne, un lieu plébiscité par les Catalans du sud
Chaque année, les descendants des enfants sauvés à la maternité viennent en pèlerinage à Elne. Beaucoup ont choisi de transmettre leur histoire en donnant le nom de Elna ou Nael (anagramme de Elna pour les garçons) à leurs enfants. Et tous les deux ans, ces ambassadeurs de la maternité, de 16 ans à 1 mois, se réunissent dans cette commune des Pyrénées-Orientales pour célébrer et perpétuer cette mémoire.
Ce 20 septembre, à la veille de la réunion, deux couples de Catalans étaient dans les jardins de la maternité découvrant l’histoire de ce lieu et d’Elisabeth, reconnue « juste parmi les Nations », en 2002. Josep et Angeles étaient en route pour Avignon pour quelques jours. Ils ont décidé de faire un crochet par Elne. Le couple voulait voir ce lieu qui « fait partie de l’histoire ». Même si dans leur famille aucun enfant est né à Elne, ils ont été convaincus de s’y rendre après avoir visionné le film « La llum d’Elsa ».
La maternité suisse d’Elne en recherche de mécènes
Depuis sa fermeture au public, la fondation du patrimoine a inclus le lieu historique parmi ses bénéficiaires au loto du patrimoine. Une reconnaissance de l’importance de ce bâtiment, et de la nécessité de le préserver. La mairie de Elne a lancé la recherche de sponsors, donateurs, et autres mécènes. À ce jour, la fondation a déjà abondé de 300 000 euros et l’assureur Axa s’est engagé sur une enveloppe de 100 000 euros.
Plusieurs associations, des donateurs et la souscription publique ont déjà permis de lever 85 405 euros. Malgré ce très bel élan de générosité, le compte n’y est pas et même si la Generalitat devrait également apporter une somme qualifiée de « rondelette » par le maire, Nicolas Garcia et ses équipes recherchent activement des mécènes pour la première tranche, mais aussi et surtout pour la seconde de quatre millions d’euros.
Une fin de non-recevoir de la Croix-rouge et de la Suisse
Sollicités par les équipes en charge de chercher les mécènes, le gouvernement Suisse et la Croix-Rouge ont adressé un courrier avec une fin de non-recevoir. Nous avons reçu l’ambassadeur de Suisse qui était très ému lors de sa visite. Mais quelques jours après, nous avons un courrier nous indiquant que ni le gouvernement, ni la Croix-Rouge suisse ni l’internationale n’allaient nous soutenir. » Questionné sur les éventuelles motivations inscrites dans le courrier, le maire précise juste que « cela n’était pas dans leurs habitudes. » Et réaffirme son souhait de continuer à appeler le lieu, maternité suisse d’Elne.
Pourquoi la maternité suisse d’Elne nécessite de tels travaux ?
Le château d’En Bardou, construit en 1902 par Eugène Job, fut transformé en maternité par Elisabeth Eidenbenz durant la seconde guerre mondiale. Après sa fermeture, le lieu fut racheté par un particulier pour en faire sa résidence principale. Ce dernier tenta de consolider la structure, mais les infiltrations d’eau par la verrerie avaient fini par fragiliser une partie du bâtiment, et en 1997, les dégâts étaient insurmontables pour une aile qui fut entièrement détruite. Racheté en 2005 par la commune, le bâtiment a été classé historique en 2013. Depuis, Elne tente depuis de stabiliser l’ensemble et a réussi à limiter les dégâts sur les ailes du bâtiment. Mais en 2023, les affres du temps ne permettent plus de reporter les travaux d’ampleur.