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Plongée dans le quotidien des sauveteurs de la SNSM Saint-Cyprien, héros discrets de la mer

SNSM Saint-Cyprien intérieur de la vedette

Voilà plus d’un demi-siècle que les stations SNSM de la côte catalane veillent sur les plaisanciers. Made in Perpignan a rencontré les bénévoles de la station de Saint-Cyprien qui bravent les vagues pour sauver les marins en difficulté. Photos © SNSM Saint-Cyprien

À quelques pas de la vedette orange qui mouille au port de Saint-Cyprien, au-dessus d’un hangar et d’une machine à glace, se niche un local discret. C’est l’une des cinq stations SNSM des Pyrénées-Orientales avec Cerbère, Port-Vendres, Canet-en-Roussillon et Le Barcarès. Les 5 sauveteurs d’astreinte, sur 24 bénévoles au total, s’y préparent avant les interventions, de nuit comme de jour. Et ils s’y préparent vite.

Après un appel d’un requérant au numéro d’urgence 196 ou par le canal 16 des VHF, le CROSS Med* oriente vers la SNSM. L’équipage de cinq personnes a 20 minutes pour appareiller. Autant dire que les bénévoles d’astreinte ne doivent pas habiter trop loin.

« Quand ça déclenche à 1h30 du matin il y a une petite montée d’adrénaline »

Beaucoup n’ont pas un passé de marin, ils sont simplement motivés par l’envie de secourir et se sont imprégnés des manœuvres à travers une série de formations. C’est tout un univers d’imprévu qui se déroule devant eux, avec une trentaine de sauvetages par saison. « Quand ça déclenche à 1h30 de matin il y a une petite montée d’adrénaline. »

Une grande partie des interventions est composée de pannes d’embarcation. « Sauver la personne, c’est gratuit, au même titre que les pompiers » explique l’un des bénévoles. « A partir du moment où on prend en remorque un bateau, c’est payant. » En moyenne 650 euros de l’heure.

« Il y a des plaisanciers qui oublient de faire le plein et sont en panne de gazoil… » Sans compter les oublis de matériel avec des navigants, heureusement rares, qui n’ont ni ancre ni assez de gilets de sauvetage pour tous.

« Jeter le mouillage » ne signifie pas s’en débarrasser…

Il arrive également que des navires s’échouent. « Quand il y a du vent du sud-est, on ramasse les bateaux sur la plage. » La communication demeure essentielle avec certains plaisanciers inexpérimentés. Nos sauveteurs choisissent les termes avec soin depuis qu’un requérant a littéralement abandonné du matériel à la mer alors qu’il s’agissait de s’ancrer. « Quand on l’a retrouvé il avait dérivé beaucoup plus loin » explique Jean-Pierre Bouzan, vice-président de la station. « Il nous a dit : ‘mais vous m’avez dit de jeter le mouillage.’ Il avait jeté tout le matériel à la mer sans rien attacher ! »

Sans oublier les fausses alertes avec des fusées de détresse tirées par jeu. Ou encore cet homme probablement alcoolisé qui tarde à se signaler parce qu’il pensait, en pleine mer, que le gyrophare de la vedette était un camion de pompiers…

« On ne connaît pas le niveau de compétence de la personne en face. Ce qui nous amène parfois à détacher l’annexe, c’est-à-dire qu’on envoie un semi-rigide avec deux nageurs à bord pour monter sur le bateau du requérant. »

En cinq secondes, l’eau qui monte des chevilles jusqu’à l’épaule

Parmi les manœuvres les plus délicates, il y a la récupération d’homme à la mer. Le plus souvent avec des vagues importantes qui rendent les recherches difficiles. Pour la nuit, c’est au projecteur et à la caméra thermique. « On met deux vigies, car le patron qui est en train de piloter ne voit pas toujours ce qui se passe. »

Il faut ensuite gérer le risque d’hypothermie, les blessures et surtout l’effet de panique quand on voit le bateau s’éloigner. « On n’a pas une vie éternelle dans l’eau… »

La sécurité des sauveteurs eux-mêmes est à gérer. Jean-Marc, chef de pont, se souvient d’avoir manqué se faire piéger dans un bateau avec une voie d’eau. « J’avais de l’eau aux chevilles. En cinq secondes l’eau était à l’épaule. En dix secondes le bateau s’est enfoncé d’un coup, j’ai juste eu le temps de prendre un requérant, de l’éjecter avec moi. Une personne de la gendarmerie a éjecté l’autre. »

La Méditerranée plus traître qu’on l’imagine

L’intervention la plus facile peut tourner à la catastrophe. « Pour moi quelqu’un qui n’a pas peur c’est une tête brûlée, il peut mettre en danger l’équipage. » explique le chef de pont. « Il y a toujours un peu de stress, mais il faut que ce soit positif. » Les sauveteurs évoquent ce jet-ski pris en remorque par une autre station pour une panne moteur, mais qui explose au redémarrage et brûle un des équipiers. « N’importe quoi peut être dangereux en mer. » Contrairement aux idées reçues, la Méditerranée peut être déchaînée avec des vagues plus resserrées que dans l’Atlantique. « On est secoués plus souvent qu’autre chose… »

SNSM Saint-Cyprien

Des évènements traumatisants ont marqué la mémoire collective des sauveteurs de Saint-Cyprien. Le crash de l’Airbus en 2008, au large de Canet-en-Roussillon, sur lequel ils se sont rendus et ont retrouvé les corps. Ou cette jeune fille, il y a quelques années, qui se tenait sans gilet sur la pointe avant d’un petit bateau avant de tomber à l’eau à cause d’une vague, de passer sous la coque puis se faire hacher par l’hélice.

Un besoin de bénévoles

La SNSM accomplit d’autres missions, comme la dispersion de cendres en mer, la formation auprès d’étudiants et scolaires, ou la surveillance d’évènements en mer de type régate. Elle vit à 80 % de dons, complétés par un peu de subventions. La gestion du budget est un casse-tête, quand on sait que la vedette coûte 900 000 euros, avec une remise en état tous les dix ans facturée au moins 400 000 euros. Avec une moyenne d’âge assez élevée et beaucoup de canotiers retraités, les stations sont toujours à la recherche de nouveaux bénévoles à former et disposant d’un peu de temps pour les astreintes. Avis aux amateurs, qui trouveront contacts et infos sur les pages Facebook de la SNSM.

Témoignage de Béatrice : « J’avais envie d’aider les autres »

Voilà trois mois que Béatrice, quarante ans et animatrice périscolaire, est aspirante canotière à la SNSM de Saint-Cyprien. « J’avais envie d’aider les autres. » Déjà formatrice à la Fédération Nationale des Métiers de la Natation et du Sport, et tout en poursuivant son rêve de devenir pompier volontaire, elle entend parler de la SNSM par un ami. C’est un déclic. « Je n’avais jamais navigué avant d’entrer ici. Depuis samedi je suis en astreinte et j’attends que ça sonne ! Il me tarde de faire des interventions. » Pour la jeune femme c’est devenu évident, son avenir est dans le sauvetage.

Le saviez-vous ? Le sauvetage en mer est une longue histoire de bénévolat

C’est la population civile et les pêcheurs du littoral qui aidaient les naufragés au Moyen-Âge et jusqu’au XIXe siècle. On retrouve ainsi le récit du sauvetage du navire marchand le Saint-Michel à Canet-en-Roussillon le 16 janvier 1787. Des habitants de la commune ont rapatrié l’équipage avec une chaloupe récupérée sur l’étang et portée au travers des dunes.

En 1825, alors que les bains en mer se démocratisent, une première station de sauvetage « la Société Humaine de Boulogne » est fondée par des Français et des Britanniques. La SHB fera des émules en France et les bénévoles ajouteront à la baignade les avaries en mer, de plus en plus fréquentes avec l’essor de la plaisance. Les différentes stations fusionneront en 1967 pour donner la SNSM.

*CROSS Med : Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de la Méditerranée

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Philippe Becker