L’association Llum Endo* s’est installée à Perpignan pour accompagner les personnes atteintes d’endométriose, maladie gynécologique qui touche une femme sur 10. Des patientes isolées dans un département encore peu pourvu en spécialistes. Llum Endo veut renouer le lien entre malades et professionnels pour une meilleure prise en charge. Photo © Anna Margueritat / Hans Lucas
« Je me sens moins folle. » Après 8 ans d’errance, le diagnostic est tombé il y a quelques semaines pour Laurine : elle est atteinte d’endométriose. Cette maladie gynécologique chronique touche la couche de cellules tapissant la cavité de l’utérus. Des tissus semblables à la muqueuse utérine se développent en dehors de l’utérus. Aujourd’hui elle concernerait au moins une femme sur 10 selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
Après le diagnostic, la solitude
« Lors de ma première grossesse, on m’a diagnostiqué un kyste, ajoute la patiente de 30 ans. Ensuite j’ai eu des règles douloureuses. Puis le kyste était toujours là pour mon deuxième enfant, 6 ans plus tard. » C’est après cette deuxième grossesse qu’elle arrête la pilule pour poser un stérilet en cuivre. « Ça a réveillé 10 fois plus de douleurs. » Les symptômes de l’endométriose sont nombreux : infertilité, douleurs, fatigue extrême… et varient en fonction des patientes.
« Je me sentais très seule, reprend Laurine, les médecins ne me comprenaient pas. J’ai fait mes propres recherches et je suis tombée sur Llum Endo. ». L’association s’est créée il a quelques mois à Perpignan à l’initiative de Julie Duplessy, elle aussi atteinte de la maladie. Première association dans les Pyrénées-Orientales, Llum Endo veut être un repère. Combler le vide devant lequel se trouvent les patientes au moment du diagnostic.
« Je suis malade depuis 17 ans. On a commencé à en parler il y a 10 ans. Je me suis en quelque sorte autodiagnostiquée, mais les gynécologues ne connaissaient pas. Alors j’ai été projeté de médecins en médecins, de traitement en traitement. Je n’avais personne à qui parler, personne comme moi. »
« C’est dans votre tête » : l’incompréhension des soignants toujours forte face à l’endométriose
Pour le moment, les personnes malades peuvent se tourner vers un traitement hormonal pour atténuer les symptômes. En cas d’inefficacité, seule une opération peut tenter de retirer les lésions, sans garantir que de nouvelles ne se forment pas. L’intervention est très invasive et peut même laisser des séquelles. Julie Duplessy a testé 17 traitements, en vain. Aujourd’hui elle veut tenter l’opération mais est confrontée aux séquelles psychologiques qu’ont laissées les années d’errance derrière elles. « J’ai retardé mes soins. Il y a une sorte de psychose des médecins qui s’installe avec ce genre de maladie. »
« C’est dans votre tête », les patientes citent toutes la même phrase prononcée par les médecins avant le diagnostic, qui prend en moyenne 10 ans. Un héritage de la médecine qui a longtemps qualifié l’endométriose « d’hystérie ». Nadia, 64 ans, l’a vécu. « J’ai évité l’internement grâce à mon gynécologue qui pratiquait des opérations en défiant l’autorité médicale. » Malgré la reconnaissance récente de la maladie, la recherche doit rattraper des siècles de retard.
« On se tait, on avance, on ne se plaint pas »
Nadia a vu la recherche progresser. Elle qui a subi 8 opérations en 9 mois dans les années 80, suivi un traitement « comparable à une chimiothérapie ». « Aujourd’hui, on arrive à avoir des traitements plus vivables. » Pourtant ce qui ne change pas selon la sexagénaire, ce sont les réactions des soignants. « L’incompréhension des gens face à la douleur et la souffrance est assez grande. Pour l’endométriose d’autant plus parce que c’est une maladie de femmes. On se tait, on avance et on ne se plaint pas. »
Llum Endo veut restaurer les liens malmenés entre patientes et soignants. « Le fossé existe déjà. Il faut éviter le décrochage. Que les malades continuent le soin. » Elle espère sensibiliser davantage de professionnels pour que les malades puissent se soigner près de chez eux. Car aujourd’hui encore, dans les Pyrénées-Orientales, les structures spécialisées manquent, remarque-t-elle. C’est d’ailleurs pour cela que Morgane, 23 ans, a dû aller à Toulouse pour obtenir un diagnostic. À peine entrée dans la vingtaine, la jeune femme a dû dire au revoir à ses passions et ses activités. Aujourd’hui, elle se tourne vers Llum Endo pour reconstruire un quotidien avec la maladie.
« On se voit régresser. Est-ce que je vais pouvoir devenir maman ? Est-ce que je vais pouvoir juste à nouveau courir un jour, danser avec mes amis, sortir ? »
Alors qu’elle a parfois du mal à en parler avec ses proches, Llum Endo lui offre écoute et entraide. « On s’élève ensemble. » La jeune femme, ancienne testeuse de pneus, a dû arrêter de travailler à cause des douleurs. « Je cherche actuellement mais je prends des refus quand je précise que je suis malade. » Llum Endo veut accompagner les patientes pour leur permettre d’obtenir une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH). Complexe quand, comme dans le cas de Morgane, l’endométriose apparaît difficilement sur IRM. Elle attend toujours un diagnostic officiel qui lui permettrait de déposer son dossier.
L’endométriose coûte près de 10 000 euros par an
Car l’endométriose coûte. Perte d’un salaire, congés maladie non payés, traitements parfois non remboursés et suivi psychologique. À cela s’ajoutent une alimentation spécifique ou des rendez-vous chez des praticiens de “médecines alternatives” (ostéopathie, sophrologie, méditation). Selon la Fondation mondiale pour la recherche sur l’endométriose, la maladie coûte près de 10 000 euros de perte par an et par femme.
« Le combat de l’endométriose, c’est avant tout une lutte des mentalités », assure Nadia. Sensibilisation des entreprises, formation des soignants, accompagnement des aidants, les chantiers sont nombreux pour que le quotidien s’adapte aux patientes. Mais la sexagénaire est déterminée à rencontrer les malades plus jeunes au sein de Llum Endo. « L’omerta se brise. Je veux leur montrer qu’on s’en sort, que j’ai réussi à avoir un enfant. » Nadia sera présente à la course contre l’endométriose organisée par Llum Endo le 9 novembre, mais sur une chaise, à cause des « dégâts » laissés par la maladie.
*Llum Endo : Lumière Unité Mobilisation pour l’Endométriose 66
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