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Pénurie d’enseignants à Perpignan : Le métier suscite-t-il encore des vocations ?

Pénurie d'enseignants à Perpignan : Le métier suscite-t-il encore des vocations ?

Article mis à jour le 21 décembre 2024 à 13:07

En juillet dernier, l’éducation nationale publiait le résultat des concours d’enseignants 2024. Si selon les chiffres fournis par le ministère le rendement s’améliore, les inscriptions aux concours ne font toujours pas le plein.

Cette année, le taux de postes pourvus pour le second degré se situe à 88,3 %, contre 86,3 % en 2023. Une petite marge de progression pour la profession qui souffre ces dernières années d’un manque d’attractivité. Témoignage de Marine*, jeune enseignante stagiaire et d’Isabel Sanchez, co-secrétaire départementale au SNES FSU 66.

Les enseignants contractuels, une réponse à la crise du recrutement

D’après Isabel Sanchez, les Pyrénées-Orientales n’échappent pas à la pénurie d’enseignants, « c’est un problème récurrent, on manque surtout de professeurs en mathématiques », confirme-t-elle. Les jeunes diplômés s’orienteraient plutôt vers une carrière d’ingénieur, aux revenus beaucoup plus confortables. La pénurie repose en partie sur une baisse d’attractivité du métier. En cause, le climat social anxiogène qui entoure la profession, la revalorisation des salaires jugée insuffisante et la procédure d’affectation des stagiaires du second degré. « Beaucoup de personnes préfèrent ne pas passer le concours, car elles craignent de partir dans des zones en manque de professeurs comme à Paris. » 

En effet, afin de pourvoir tous les postes sur le territoire français, les enseignants sont soumis à un « mouvement déconcentré ». « Lorsque vous passez un concours, la première année, vous êtes pratiquement sûr de rester dans l’académie de votre choix. Suite à la validation de cette année de stage, vous êtes mutés en fonction de vos points (attribués selon l’ancienneté, la situation personnelle et familiale).

Cette année, le ministère a anticipé le recrutement d’enseignants contractuels, notamment pour certaines disciplines du second degré, afin de couvrir l’ensemble des besoins pour l’année scolaire 2024-2025. Selon une enquête du syndicat SNES-FSU, il manquerait au moins un professeur dans 48% des collèges et lycées. Ces contractuels, moins formés par rapport aux titulaires, assurent des remplacements de durée variable ou prennent en charge un poste vacant pour toute l’année scolaire. Les conditions de diplôme pour être recruté sont fixées à bac +3  dans les disciplines d’enseignement général, ou bac +2 assorti d’une expérience professionnelle pour les disciplines d’enseignement professionnel.

Selon l’Éducation nationale, 35 000 contractuels exerceraient aujourd’hui sur le territoire, représentant 6,5 à 8% des effectifs dans le second degré. Ces enseignants peuvent être titularisés au bout de cinq ans, sans avoir à passer par la case concours. « S’ils sont moins formés, les enseignants contractuels ont un salaire moins élevé et ne sont pas très bien considérés par l’administration », prévient Isabel Sanchez.

Comment le métier d’enseignant évolue-t-il ?

Autre point noir de la crise, la dégradation des conditions de travail. Après trente années dans l’éducation nationale, la professeure d’espagnol constate l’insatisfaction grandir au sein du corps enseignant.  « Je travaille en lycée, vous avez 36 élèves par classe, vous ne pouvez pas travailler comme vous le souhaiteriez. Vous manquez de temps et de moyens », résume la syndicaliste. 

Pour les professeurs, les heures supplémentaires s’accumulent et les remplaçants se font attendre. « Les chefs d’établissement et le rectorat préfèrent répartir des heures supplémentaires plutôt que d’ouvrir des postes », souligne Isabel Sanchez, qui constate une hausse de la souffrance au travail. L’enseignante a passé une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. « Aujourd’hui, il y a moins d’écoute de la part de l’administration et les professeurs se sentent isolés. Il y a eu beaucoup de démissions, beaucoup de stagiaires qui ne terminent même pas leur année parce qu’ils trouvent que le métier est devenu très compliqué. »

Pour Marine, ce métier est devenu une vocation

Le contexte actuel n’aura pas découragé Marine*, jeune enseignante stagiaire qui exerce en région parisienne. Originaire des Pyrénées-Orientales, elle vient de décrocher son CAPES pour devenir professeur d’anglais au sein de l’académie de Créteil. « Après un bac général, je suis partie en licence de langue et civilisation étrangère avec parcours anglais. Ensuite, j’ai passé le master MEEF (Master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) pendant deux ans. »

Marine a obtenu son CAPES du premier coup. « À l’issue de mon année de stage, je serai inspectée et je deviendrai enseignante titulaire », sourit la jeune femme. Si pour Marine ce métier n’était pas une vocation au départ, il l’est devenu aujourd’hui. « Au début je n’avais pas prévu de devenir enseignante. J’ai commencé à donner des cours particuliers et je me suis dit pourquoi ne pas en faire mon métier. »

« C’est vrai qu’on nous propose des heures supplémentaires, mais elles sont quand même très bien payées. En général, c’est même quelque chose que certains professeurs recherchent. À la fin du mois cela fait une différence importante sur le salaire », note l’enseignante. « Pour les remplaçants, c’est un vrai problème, il y en a qui ne viennent plus du jour au lendemain. Notamment les personnes qui sont envoyées dans des établissements difficiles. » 

« Nous ne sommes pas là pour avoir des classes parfaites »

Si Marine nous confirme que le recrutement des enseignants s’est assoupli ces dernières années, la jeune femme trouve du positif dans la réforme du CAPES (Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré). « La précédente version du diplôme était beaucoup plus centrée sur la connaissance en littérature et en grammaire. Aujourd’hui, il est davantage professionnalisant, avec un renforcement en didactique (utilisation des techniques et méthodes d’enseignement propres à chaque discipline) », assure Marine. « On est plus à même de comprendre comment construire le cours et comment favoriser l’apprentissage des élèves, ce qui est notre cœur de métier. »

Malgré son jeune âge, l’enseignante n’a eu aucun mal à s’imposer face à ses élèves. Avant d’obtenir son diplôme, Marine avait effectué de nombreux stages à Perpignan. « J’ai enseigné au collège Jean-Moulin et je me suis régalée ! Forcément, ça bouge un peu plus dans certaines classes mais c’est aussi ça qui me plaît dans ce métier », révèle la jeune femme. « Nous ne sommes pas là pour avoir des classes parfaites. On s’adapte à la personnalité de chaque élève. Le but, c’est de les faire avancer. » 

Selon Marine, le rôle de l’enseignant dépasse la transmission d’un savoir ou d’une matière. « Nous avons aussi le rôle d’éducateur. Quand l‘enseignant doit dire quelque chose à un élève, il prend un peu plus de pincettes. Notamment quand il doit appeler un parent pour lui parler du comportement de son enfant. On ne sait pas comment le parent va réagir. Avant, nous avions la certitude que le parent allait être d’accord avec nous. Si l’enfant n’a pas été sage, pourquoi est-ce qu’on irait raconter le contraire ? » 

Aujourd’hui, la Catalane s’épanouit dans une région Parisienne dont on lui avait dépeint un noir tableau. « Forcément, il y a des établissements qui sont un peu plus difficiles que d’autres, mais comme partout », reconnaît-elle. « Le plus dur quand on est muté dans une autre région, c’est de devoir quitter sa famille et ses repères », assure Marine, qui espère rejoindre l’académie de Montpellier lorsqu’elle aura atteint le cumul de points nécessaires. En attendant, la jeune femme semble avoir trouvé sa voie. 

*prénom d’emprunt

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Célia Lespinasse