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Près de Perpignan, du champ à l’assiette ils cultivent des fleurs comestibles

Près de Perpignan, du champ à l'assiette ils cultivent des fleurs comestibles

Article mis à jour le 5 juin 2024 à 11:13

À cheval entre Elne et Palau-del-Vidre, Lynda Petitjean nous fait visiter son exploitation de fleurs comestibles. Plus gros fournisseur de ce produit de niche dans le sud de la France, le Domaine des Herbiers est un petit coin de paradis entretenu par des producteurs passionnés.

Sous une dizaine de tunnels et en plein champ poussent des bégonias, alyssons, capucines et autres fleurs comestibles. À nos pieds, une explosion de couleurs, mais aussi, de saveurs surprenantes. En effet, les traiteurs et restaurateurs des Pyrénées-Orientales convoitent ces petites fleurs qui apportent une touche d’originalité dans nos assiettes. Focus sur cette production locale qui ne cesse de grandir.

Une production de fleurs comestibles qui a éclos il y a 20 ans

Tout commence en 2001, lorsque Thierry Bornarel installe sa production de coriandre à la Tour-Bas-Elne. Au fil des ans, le producteur étale un peu plus ses surfaces, avant de s’associer avec sa compagne. Si le couple commence à avoir sa petite clientèle, à l’arrivée des fêtes de Noël, leur stock de marchandises est au plus bas. « En 2006, nous avons acheté des serres à Palau-del-Vidre afin de compléter notre production et pour faire le tour du cadran. », souligne Lynda.

Progressivement, le couple se diversifie et se lance dans la production d’estragon et de basilic. « En 2013, nous avons eu l’opportunité de reprendre des serres à Elne. On avait une forte demande en menthe, donc et ce site nous a permis de développer la production. Voilà comment on arrive d’un premier salarié en 2003, à aujourd’hui, un peu plus de 40 CDI sur l’ensemble du groupe », sourit Lynda.

Lynda Petitjean et Matthieu Vidal

Tout droit venu du Canada, Matthieu Vidal est rentré aux Domaine des Herbiers avec une expérience en logistique. « Je ne connaissais rien aux herbes aromatiques. J’étais plus dans le monde de la mode, je m’occupais de la logistique de plusieurs magasins de chaussures. J’avais déjà un petit réseau de contacts sur Perpignan, ce qui m’a aidé à développer le côté restauration », explique celui qui s’occupe du suivi clientèle.

Aujourd’hui, le domaine des Herbiers fournit des grossistes comme Grand Frais et Métro et plusieurs restaurateurs de la plaine du Roussillon. On compte parmi leurs clients le traiteur Léo et Lizette ou l’italien Mistinguett. « Les fleurs, c’est un marché de niche avec des clients vraiment demandeurs », affirme Matthieu. Un produit « noble » dont l’ambassadeur de la parcelle fleurie est tombé amoureux.

Des fleurs convoitées pour leur beauté, mais aussi pour leur goût

Le Domaine des Herbiers compte trois sites de production, avec pour chacun sa spécialité. C’est à Palau-del-Vidre qu’une cinquantaine de variétés de fleurs comestibles sont cultivées, sur l’ensemble de l’année. « Nous créons nous-mêmes nos plants avec des graines bio », souligne Lynda. Nous entamons la visite d’un site de 7 à 8 hectares, composé d’une culture en plein champ, d’une culture sous serres, et d’une moitié de production en culture sous-bois.

Ces fleurs sont convoitées pour leur beauté autant que pour leur qualité gustative. La cueillette improvisée débute par la fleur de bégonia au goût acidulé, presque vinaigré. Puis vient la fleur d’alysson, à la palette de couleurs impressionnante, blanche, mauve ou violette. La brède mafane de Madagascar au goût puissant qui « électrise » la langue. « Ces fleurs ont un réel effet anesthésiant dans la bouche lorsqu’on les mange », s’amuse Lynda. En effet, il faut attendre quelques minutes pour se remettre de ses notes poivrées.

Marie travaille depuis un an sur cette parcelle destinée à la production de fleurs. La jeune femme désigne de petites fleurs blanches, il s’agit de fleurs d’ail originaires d’Afrique. Sans surprise, elles ont le même goût que la plante potagère, malgré leur toute petite taille. Mangées crues, les fleurs de bourrache ont, elles, un goût iodé. Pour conclure notre dégustation, Marie nous présente la sauge ananas, des fleurs d’un rouge éclatant renfermant un goût sucré et exotique.

Des fleurs uniques que s’arrachent les restaurateurs de la plaine du Roussillon

Sur cette parcelle, véritable laboratoire à ciel ouvert, Lynda et son équipe produisent des plantes uniques. « Nous répondons à la demande de nos clients qui cherchent des variétés qu’ils n’ont pas. Ou des herbes qui sont un petit peu difficiles à travailler chez d’autres producteurs », explique la propriétaire des lieux.

Par exemple, la diversification sur les menthes. « Nous avons des menthes chocolat et des menthes poivrées. Pareil sur les basilics, on a un basilic thaï, citron et pourpre. Nous diversifions aussi sur les fleurs, comme le pois papillon, qui est une jolie fleur bleue. Le lin rouge que l’on a décliné en trois ou quatre couleurs différentes. » Depuis deux ans, Matthieu note une demande croissante sur les fleurs comestibles. « Aujourd’hui, nous avons parmi nos clients plus d’une centaine de restaurants, de clubs de plage et même des bars qui nous prennent des fleurs pour décorer les cocktails. »

Des fleurs qui sont cueillies très tôt le matin pour ne pas abîmer le produit. « On ne fait pas de stock, afin de conserver une fraîcheur optimale », indique Lynda. « Elles sont récoltées directement en barquette, mises au froid et livrées dans la journée. » Pour ce qui est du prix, comptez environ trois euros pour une barquette de 15 à 30 fleurs, en fonction de leur taille. Une fois récoltées, les fleurs sont acheminées jusqu’à l’entrepôt situé à Elne, là-bas, où se trouve l’unité de préparation des commandes.

« On va mettre à disposition des fleurs toute l’année, mais nous avons plein de fleurs d’été que l’on ne peut pas produire en hiver, comme le pois papillon, le lin… Ou à l’inverse, la pensée ou les gueules-de-loup, des fleurs comestibles d’hiver, que Lynda et son équipe cultivent aussi en sous-bois afin d’amener les plantations le plus loin possible. « Nous essayons de jouer avec certaines variétés », souligne Lynda, qui exporte ses fleurs bien au-delà de Perpignan comme au grand marché de Corbas à Lyon ou à Rungis. « Nous sommes en train de mettre en place la certification Global GAP, afin de pouvoir livrer partout en Europe », atteste la cheffe d’entreprise, qui a déjà trouvé un client en Italie.

Une agriculture raisonnée et avant-gardiste dans les Pyrénées-Orientales

Depuis sa création, le Domaine des Herbiers tend à pratiquer une agriculture raisonnée et avant-gardiste. « Petit à petit, nous avons essayé des méthodes de plus en plus douces pour la culture. Si tous les sites du Domaine des Herbiers ne sont pas bio, l’équipe essaye de tendre vers cet horizon. « Nous sommes passés de 100% d’engrais chimique à 80% d’engrais bio« , se félicite Lynda, qui possède une certification qualité.

Bernard travaille dans l’entreprise depuis près de 20 ans. Ce passionné a initié de nombreuses méthodes innovantes et totalement naturelles, « c’est de la réflexion personnelle et de la recherche, la littérature n’est pas exempte de conseils », assure l’herboriste, qui s’inspire des méthodes de l’agroforesterie. « Ce mode d’exploitation agricole consiste a se réapproprier les cultures de l’ancien temps, comme la culture au milieu des haies. Nous avions des cerfeuils, qui en plein été souffraient énormément. Je me suis dit qu’il fallait faire des clairières sur cette parcelle, et on a cultivé au milieu, de sorte à avoir de l’ombre le matin et le soir. » Grâce à cette innovation, il est possible de poursuivre un peu plus la production sur l’année.

« Notre plus gros souci avec les herbes aromatiques, c’était le désherbage. Lorsque l’on met en place de grands semis de coriandre, de persil, c’est sur des hectares complets, donc au niveau de la maîtrise de la mauvaise herbe, c’est très compliqué », explique Lynda. Progressivement, les producteurs ont donc installé au sol des paillages issus de broyats de déchets végétaux.

Sur la culture en sous-bois, le plastique a été retiré. « On utilise du broyat et du compost, cela permet une meilleure rétention de l’eau », assure Bernard. Cette technique, qui a fait ses preuves, vise à limiter l’évaporation. Le broyat permet aussi de stopper la progression de la mauvaise herbe, ce qui permet d’économiser des heures de main-d’oeuvre en désherbage. « Les méthodes, on les apprend au fur et à mesure en expérimentant. Depuis 25 ans que l’on cultive, il n’y avait pas de référence dans la culture de plantes aromatiques. Nous avons dû créer nos propres méthodes. »

Des techniques innovantes pour économiser l’eau

Malgré la sécheresse intense qui sévit dans les Pyrénées-Orientales, les fleurs du Domaine des Herbiers ne semblent pas souffrir du manque d’eau. « L’année dernière, on a eu très peur », avoue Lynda. « Mais nous avions déjà mis au point des techniques pour économiser l’eau, donc la sécheresse ne nous a pas tant impacté. »

En plus du paillage qui évite l’évaporation, les plantes sont arrosées au goutte-à-goutte. « Ce qui permet d’apporter juste l’eau qu’il faut au pied de la racine. » Grâce au broyat, beaucoup de matière organique se greffe à la terre. « Cela contribue à apporter une meilleure rétention en eau dans les sols. » D’après Lynda, cette technique a permis de « gérer la crise. » Même si, l’herboriste ne cache pas sa joie de revoir la pluie ces derniers jours.

Des herboristes et horticulteurs qui veillent au grain

Afin de limiter la propagation des nuisibles sur ses cultures, l’équipe d’herboristes et d’horticulteurs utilisent des insectes auxiliaires. Le souci est une fleur qui attire les insectes et aide à lutter contre les ravageurs. Tout au long de notre visite, Marie nous présente le rôle de ces petits bêtes, qu’elle repère aisément au milieu des couleurs éclatantes.

D’un côté, la cicadelle, qui parasite de nombreuses plantes et se nourrit de la sève de végétaux, ou, le thrips, un minuscule papillon. « Ils causent des dommages esthétiques et peuvent nuire à la qualité des récoltes », assure-t-elle. Mais chenilles et pucerons n’ont qu’à bien se tenir puisque dans l’autre camp, le raphidie, la coccinelle ou les mini-guêpes se régalent de ces petits invertébrés et pucerons.

Marie cherche à favoriser la diversité des espèces sur les parcelles. « Afin de lutter contre certains insectes et les rongeurs, nous avons installé deux nichoirs à mésanges, des abris pour les chauves-souris, des refuges à hérissons. » En effet, les campagnols sont friands de certaines racines. Une chose est sûre, ces passionnés veillent au grain pour mettre à l’honneur les fleurs comestibles dans nos assiettes.

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Célia Lespinasse