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Perpignan : Le procès contre le journal l’Empaillé reporté sur demande de l’avocat du directeur de la police municipale

Perpignan : Le procès contre le journal l’Empaillé reporté sur demande de l’avocat du directeur de la police municipale

Ce 16 octobre devait se tenir au tribunal de Perpignan, le procès du journal L’Empaillé, accusé par Philippe Rouch, directeur de la police municipale, d’injure publique. Pour rappel, le premier flic de Perpignan contestait l’usage du mot « caïd » utilisé dans un article paru en 2023.

Si les soutiens du journal indépendant étaient déjà prêts à manifester devant le tribunal, ils ont dû reporter leur mobilisation à une date ultérieure. En effet, le juge a décidé d’accepter la demande de renvoi de l’audience, sollicitée par l’avocat de Philippe Rouch.

L’équipe du journal commentait ainsi ce report : « Nous ne serons donc pas entendus au tribunal ce jeudi 16 octobre. Cette procédure nous coûte en temps et en énergie, mais nous ne baissons pas les bras. »

Un mot au centre de la procédure : « caïd »

À l’origine de cette affaire, un article intitulé « Purge sur la ville », publié en octobre 2023 dans le journal L’Empaillé. Une enquête fouillée revenant sur la gestion municipale de Louis Aliot à Perpignan, entre politique sécuritaire, références idéologiques et stratégie de communication. Dans une section dédiée à la politique de sécurité locale, le journal qualifie Philippe Rouch, directeur général de la police municipale, de « caïd de la police nationale parisienne », évoquant, notamment, des opérations de saisie de drogue médiatisées.

Ce mot a suffi à déclencher une plainte pour injure publique, visant le directeur de la publication, Simon Grysole, alias Émile Progeault. Pour le plaignant, l’expression porterait atteinte à son honneur et à sa réputation. De son côté, la défense plaide la relaxe pure et simple. L’avocat de la défense, Octave Nitkowski, invoque le droit à l’information, le caractère critique de l’article et la liberté d’expression dans le cadre d’un média satirique et engagé.

Pour rappel, en février 2025, le tribunal de Perpignan avait eu à juger une affaire similaire. À l’époque, le maire de Perpignan, Louis Aliot avait porté plainte en diffamation contre le média Blast le souffle de l’info. Celui qui est aussi vice-président du Rassemblement national entendait « défendre l’honneur » de la police municipale de Perpignan. Dans un article intitulé « Contrôles au faciès, interpellations violentes, menaces : À Perpignan, la sale besogne de la  »milice municipale » de Louis Aliot. », les forces de l’ordre municipales étaient qualifiées, entre autres, de « milice ». Le 4 avril, les juges avaient débouté le premier magistrat de la ville de ses velléités à l’encontre du pureplayer.

Pour L’Empaillé, la procédure vise à intimider une presse critique 

Dans le paysage médiatique régional, cette procédure judiciaire est loin d’être perçue comme anodine. À travers des tracts et appels à rassemblement, les soutiens du journal dénoncent une « stratégie d’intimidation » et une « judiciarisation du débat public ». L’affiche de mobilisation pour le 16 octobre mentionne : « La mairie RN de Perpignan met L’Empaillé au tribunal », dénonçant ce qu’elle présente comme une instrumentalisation du droit contre la critique journalistique.

De leur côté, les journalistes de L’Empaillé rappellent qu’il s’agit de leur première convocation devant la justice depuis la création du média en 2016. Pour eux, l’enjeu dépasse la simple querelle sémantique. « La peine, c’est la procédure elle-même », explique Yann Bureller, membre du journal, dans un article de soutien. Perte de temps, coût financier, épuisement psychologique : la plainte agit comme un « bâillon judiciaire », utilisé contre une rédaction modeste, reposant sur une petite équipe et un financement militant.

L’article incriminé décrit longuement le climat de tension politique depuis la victoire de Louis Aliot en 2020, avec entre autres la restructuration des services municipaux, ou des coupes budgétaires dans certaines associations. Le journaliste cite plusieurs sources pour appuyer son propos, et notamment l’enquête du média Blast.

L’Empaillé se définit comme un média « antifasciste », « écologiste » et « critique du pouvoir »

Fondé en Aveyron, L’Empaillé est diffusé dans tout le Sud-Ouest. Selon l’avocat, le journal assume une ligne éditoriale qui peut déranger. Le spécialiste du droit de la presse affirme que les propos ne constituent nullement une diffamation, ni même d’atteinte à l’honneur : « Le terme ‘caïd’ n’a rien d’injurieux dans le contexte de l’article, c’est une critique politique d’une fonction publique exercée de manière très visible ».

La défense rappelle également le rôle fondamental de la presse dans une démocratie : interroger le pouvoir, analyser ses choix, rendre visible ce qui se trame derrière les décisions publiques. Dans cette optique, L’Empaillé s’inscrit dans la tradition de la presse libre, engagée et souvent exposée aux retours de bâton.

Le renvoi de l’audience du 16 octobre a été décidé à la demande de l’avocat de Philippe Rouch, Maître Raymond Escalé. Pour le moment, le tribunal de Perpignan n’a encore communiqué aucune date pour la tenue de la nouvelle audience. En attendant, la mobilisation en soutien au journal reste vive.

Plusieurs collectifs, syndicats et médias indépendants se sont engagés aux côtés de L’Empaillé, dénonçant une « tentative d’intimidation judiciaire » et réaffirmant l’importance de préserver un journalisme indépendant dans les territoires.

À Perpignan, les procès en diffamation ou injure publique ne font pas recette

Si dans le cas de L’Empaillé, le plaignant est le directeur de la PM, l’avocat est le même que lors des procédures perdues dans les affaires impliquant Blast ou la militante Josie Boucher. Lors d’une manifestation en soutien aux réfugiés ukrainiens, la militante du Nouveau Parti Anticapitaliste avait tenu des propos rapportés le journal local. Louis Aliot les estimait injurieux et diffamatoires. Le maire RN de Perpignan avait perdu en première instance et en appel.

En 2025, la ville de Perpignan a plusieurs autres procédures pour diffamation en cours. C’est notamment le cas de Nasdas, influenceur en pause des réseaux, et son avocat Maître Maallaoui qui ont déposé plainte contre la ville et Charles Pons, premier adjoint de Louis Aliot.

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