Article mis à jour le 23 mai 2024 à 22:19
La fermeture des pharmacies, annoncée ce jeudi 30 mai 2024, se précise dans les Pyrénées-Orientales. L’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO) avait lancé un avis de grève le 18 avril dernier. Au cœur des revendications des professionnels de santé : pénuries de médicaments, dérégulation de la pharmacie et difficultés économiques. © Photo d’illustration
Après la mise en place d’une pétition auprès des patients et une première grève des gardes durant le week-end de la Pentecôte, le syndicat appelle officiellement à une journée de mobilisation. Dans la profession, cela ne s’était pas vu depuis 2014.
Les pharmaciens font bloc contre la vente de médicaments en ligne
« Le jeudi 30 mai sera une journée fondamentale pour convaincre les pouvoirs publics et l’Assurance Maladie », assure l’USPO, qui compte sur l’engagement des pharmacies. Le syndicat pointe du doigt la vente de médicaments sur des plateformes en ligne. Un projet porté par le député Marc Ferracci (Renaissance), qui travaille sur la déréglementation des pharmacies. En clair, c’est la possibilité de vendre des médicaments en grande surface et sur internet qui pourrait être étudiée. Dans un maillage territorial déjà largement impacté par les déserts médicaux, les professionnels s’inquiètent pour l’avenir de leur pharmacie.
« Le projet de loi Ferracci pourrait comme en Suisse autoriser la vente de médicaments remboursés sur Internet, ce qui signerait la mort d’une grande partie des pharmacies, notamment les officines de quartier et rurales », souligne Cécile, pharmacienne à Perpignan.
Selon le syndicat, les négociations conventionnelles avec l’Assurance Maladie ne seraient pas à la hauteur des services apportés, les pénuries de médicaments ne s’améliorent pas et le projet de loi à court terme sur l’ouverture de plateforme et de dérégulation de l’officine est toujours dans les cartons. « Les patients sont déjà pleinement impactés par les pénuries de médicaments, et la dégradation de l’accès aux soins s’accentuera si leur pharmacie est amenée à fermer. (…) La création de déserts pharmaceutiques aurait des conséquences désastreuses pour la santé de la population ! Nous l’avons prouvé pendant la crise sanitaire, nous sommes des professionnels de santé au plus près de la population », renchérit l’USPO.
« Les pharmaciens et les infirmières, toujours logés à la même enseigne »
Dans un contexte d’inflation record, la pharmacie d’officine est la seule profession à ne pas avoir bénéficié d’une revalorisation économique de l’assurance maladie. « Ils allouent à la médecine générale un budget de 1,6 milliard d’euros en passant la consultation médicale de 25 à 30 euros, alors que nos honoraires à la délivrance de chaque ordonnance vont être augmentés de 0,05 euro, soit 123 millions pour les pharmaciens », déplore Cécile.
Pour cette professionnelle de santé, les nouvelles missions attribuées aux pharmaciens, telles que la vaccination, ne sont pas assez rémunérées. « Un pharmacien ou un infirmier va toucher a minima 7,50 euros pour un vaccin, là où un médecin touchera 25 euros. » Lorsque c’est le pharmacien qui est prescripteur d’un vaccin DTCP (diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite), du Papillomavirus, ou encore de l’Hépatite B, la rémunération ne dépasse pas les 9,60 euros, malgré l’entière responsabilité de l’acte et la recherche des vaccinations antérieures.
« Que dire de la remise des tests de détection des cancers colorectaux qui nous prennent en moyenne 12 minutes d’explications et de questionnaire-patient, rémunérée à trois euros, deux euros de plus si le patient réalise son test. » Le problème est le même pour les tests TROD angine, rémunérés six euros si le test est positif ou prescrit ou sept euros s’il est négatif. « Qui travaille en France pour ce prix-là si ce n’est les pharmaciens et les infirmières qui sont toujours logés à la même enseigne ? »
« La seule boussole des pharmacies sera le profit, au détriment de la santé »
« On nous rétorque que la profession s’est enrichie durant les années Covid grâce aux tests, vaccins et masques. Certes notre trésorerie n’avait jamais été aussi haute mais qu’en reste-t-il ? », s’interroge Cécile, qui rappelle que beaucoup de pharmacies ne pouvaient pas pratiquer les tests antigéniques et vaccins, par manque de local dédié. Selon la pharmacienne, l’État a profité de cette période pour baisser grandement les prix des médicaments remboursés. Celle-ci mentionne le Clopidogrel, utilisé pour éviter la formation de caillots sanguins, qui est passé de 26 euros à 7,36 euros.
Pour Cécile, la baisse du prix des médicaments est la variable d’ajustement régulière des dépenses de santé, à l’origine des pénuries. « Les industriels se tournent vers d’autres pays plus offrants. Si le monopole pharmaceutique tombe aux mains de financiers et notamment aux fonds de pension, la seule boussole des pharmacies sera le profit, au détriment de la santé, de l’écoute et des conseils aux patients », regrette-t-elle.
La pénurie des médicaments est dans la ligne de mire du syndicat : « Les carences sont toujours aussi nombreuses », argue l’USPO. Malgré la nouvelle feuille de route annoncée en février dernier par la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, la disponibilité des médicaments ne semble pas garantie. « Les patients n’ont pas accès à leur traitement et les pharmaciens passent près de 12h par semaine en moyenne pour trouver des solutions alternatives. Le Gouvernement doit accélérer pour renforcer la transparence des données et obliger les laboratoires à libérer les stocks. »
Les pharmaciens se mobilisent pour plus de reconnaissance
Durant la période Covid, la pharmacie de Cécile était sur le pont 65h par semaine. La titulaire se considère comme « une bouée de sauvetage » pour de nombreux patients ne trouvant plus aucun médecin.
« Comme la plupart des pharmacies de quartier nous sommes restés à effectif constant, en gérant les arrêts maladie de chacun. Toute l’équipe en est sortie rincée, mais avec la sensation d’avoir été ceux sur qui on avait pu compter et sûrs de la reconnaissance de notre rôle de premier contact du public avec les professionnels de santé. Apparemment, il n’en est rien et nous sommes donc décidés à nous battre », tonne la pharmacienne, qui compte fermer son officine le 30 mai prochain.
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