Article mis à jour le 21 juillet 2023 à 20:13
Après le dépôt de gerbe sur le monument aux morts et l’hommage aux disparus d’Algérie le 5 juillet, c’est un autre message fort que le nouveau maire de Perpignan, Louis Aliot, entendait faire passer. Sa première conférence de presse de la mandature se tenait ce lundi à la résidence Les Oiseaux dans le quartier du Vernet.
De triste notoriété, cette résidence est l’un des symboles perpignanais d’une défaillance étatique face au trafic de drogues et aux dégradations répétées ; une situation dénoncée sans succès par nombre d’habitants depuis 2015 auprès des responsables publics (préfecture, procureur de la République, mairie, députés…).
Peu avant l’heure de la conférence de presse, un dispositif policier conséquent se déploie sur les lieux. Police nationale, équipage de la brigade anti-criminalité, police municipale ; tous s’affairent à traquer des dealers en fuite. Puis arrive le nouveau maire de Perpignan, applaudi par une partie des riverains et des adjoints. Durant une heure, Louis Aliot entend les doléances des propriétaires, des habitants des résidences voisines et du collectif des Oiseaux créé en 2018.
Dans cette résidence composée de 150 logements répartis sur 13 bâtiments, certains propriétaires aux revenus modestes ne parviennent plus à assumer les charges ; sans compter le coût des travaux de sécurisation et les nombreuses dégradations à réparer. Conséquence, ce lieu de vie se dépeuple de ses propriétaires au profit de locataires moins soucieux de leur environnement : des cages d’escalier délabrées aux caves vandalisées en passant par les appartements squattés par les revendeurs de drogues.
Les solutions de Louis Aliot : rachat et démolition de bâtiments, présence policière, mise en cause médiatique, plainte contre l’État…
Pour l’ancien député Rassemblement National, « les citoyens qui vivent ici n’en peuvent plus et cela depuis déjà longtemps ». Louis Aliot, qui a remporté l’élection face à l’ancien maire Les Républicains Jean-Marc Pujol, s’interroge : « Qu’est-ce qui a été fait ici ? Je vais poser la question aux services et je le rendrai publique ».
Pour répondre aux demandes d’actions concrètes en matière de sécurité dans la résidence des Oiseaux, mais au-delà, dans la ville de Perpignan, Louis Aliot entend mettre en place « un petit conseil de sécurité municipal. Y siégeront, des professionnels de la sécurité, un criminologue, des gens de la gendarmerie, de la police ». Selon le maire, ce conseil devrait être opérationnel dès le mois de septembre pour mettre en place « un plan d’éradication de la voyoucratie de Perpignan ». Et d’insister : « si l’État ne fait pas son travail, nous devons le faire à sa place ».
Pour le cas précis de la résidence des oiseaux, Louis Aliot entend répondre rapidement aux demandes faites par le collectif. « Oui, il faudra que la mairie rachète les bâtiments aux propriétaires […]. Mais il est aussi possible de faire rentrer dans le domaine public les allées et jardins de la résidence pour y installer des caméras de vidéosurveillance ».
Louis Aliot compte mettre en cause la responsabilité de l’État
Sur la situation particulière de la résidence des Oiseaux, le maire évoque la « non-assistance à personne en danger » pour justifier une mise en cause devant les tribunaux de l’État. « Le Préfet est le représentant de l’État. Et si l’État n’assume pas ses responsabilités, il faut qu’il soit mis en cause devant des juges. Parce qu’il menace la paix civile et l’intégrité physique des habitants de ce quartier par son inaction ».
Le nouveau maire de Perpignan entend également utiliser la tribune médiatique en interpellant directement le nouveau premier Ministre Jean Castex. « Vous savez tous les premiers ministres se sont occupés un peu mieux de leur territoire… ».
Interrogé sur la difficulté que pourrait représenter son appartenance au Rassemblement National, Louis Aliot rétorque : « Mon étiquette ne compte pas. Ce qui compte, ce sont les habitants, les citoyens. C’est pour eux qu’il doit travailler et pas pour moi. Parce que si le jeu, c’est d’emmerder le maire de Perpignan parce qu’il n’est pas du même bord politique, alors il n’y a plus ni République ni démocratie ! ».
Louis Aliot revient également sur la campagne municipale et sur le second tour ; notamment sur le désistement des deux candidats en faveur d’un front républicain. « Le premier des fronts républicains, ils auraient mieux fait de le mettre en place ici. Durant cette élection, tout le monde s’est gargarisé des dangers de la République ; mais le vrai danger de la République, il est là ! Le reste, ce sont des fantasmes, ça n’existe pas ».
Quelles sont les demandes du Collectif des Oiseaux ?
- Une aide de l’État aux copropriétaires du bâtiment 1 de la Résidence Les Oiseaux ; « en suspendant sans condition les dettes auprès des organismes prêteurs le temps qu’une solution pérenne soit trouvée ».
- Un soutien de la ville de Perpignan, la Communauté Urbaine, le Conseil Général et l’État pour qu’ils « aident les copropriétaires du bâtiment 1 à réaliser les travaux de réfection des appartements et des communs ; ou proposent une compensation financière à la hauteur des dettes et/ou des dommages subis ».
- Un soutien pour les travaux,mais aussi une compensation financière pour la perte de valeur des biens ; et ce pour les résidences Les Oiseaux, Desnoyés, Hérédia. Mais aussi une aide pour réaliser des travaux de réfection des parties communes des bâtiments dégradés.
- Un point de police fixe.
- Les espaces verts et les allées de la Résidence des Oiseaux doivent selon le collectif « être classés dans le domaine public pour que des aménagements soient entrepris afin d’assurer la sécurité des résidents et d’améliorer leur quotidien ».
- Le collectif de propriétaires souhaite une concertation entre tous les acteurs. Pour « que l’humain soit à nouveau au centre des priorités des services de l’État et des autorités locales. Que la lutte contre le trafic de stupéfiants à l’origine des désordres continue ; et même s’intensifie jusqu’à son éradication. Mais que parallèlement des solutions soient proposées aux victimes de ces désordres ».
- Mais aussi que « des investissements publics favorisant l’emploi, la sécurité et le « vivre ensemble » soient réalisés par l’ensemble des acteurs publics ».
« Ils installent un canapé dans la rue sous la caméra de vidéosurveillance et ils trafiquent au vu et au su de tous »
Pour un des policiers présents, la difficulté vient du trafic de drogues et de la manne financière en jeu. Les désordres viennent des mineurs qui dealent sur place ; mais le trafic de drogue va bien au-delà de la résidence des Oiseaux. Et malgré les arrestations qui se multiplient, les personnes incarcérées sont aussitôt remplacées sur le terrain. La problématique est identique à Saint-Jacques, quartier historique de Perpignan.
Pour certains résidents du quartier, il y a une réelle crainte. À l’image de cette dame d’une cinquantaine d’années qui n’ose plus faire aller au centre commercial de proximité. « Je ne me sens pas en sécurité pour aller à pied faire mes courses en plein jour ; alors la nuit, c’est impensable ». Pour cette autre dame un peu plus âgée, tout est lié à l’éducation. « Pourquoi jettent-ils les choses par terre ? Leurs parents ne leur ont donc pas appris qu’il y a des poubelles ? Il faut les obliger à élever leurs enfants à la française ». Louis Aliot rétorque, « vous savez, c’est plus une question d’autorité que de communauté ou de pays d’origine ».
Les témoignages sont légion ; et le confinement ou le couvre-feu durant la crise sanitaire liée au Covid-19 n’ont guère découragé le commerce.
« Le 14 avril 2020, les dealers continuent à squatter le bâtiment 11. Ils arrivent à avoir des clients de jour comme de nuit malgré le confinement en vigueur. Il est 10h50, un client vient de faire ses achats en toute quiétude, et repart tranquillement comme si de rien n’était. Dix minutes après, un deuxième vient comme le premier faire ses emplettes. Il faudrait vraiment que ce cirque s’arrête et que ces gens soient poursuivis et que la justice fasse son travail. »
Parmi les témoignages compilés par le collectif, le dernier date du 5 juin
« Malgré la présence d’une caméra à l’angle de la rue Hérédia et rue des Oiseaux dont on se demande si elle fonctionne vraiment, malgré la venue à chaque appel de la police municipale, les dealers se positionnent plusieurs fois par jour sur le muret construit sur notre espace pour nos containers au « fameux » angle rue Hérédia, rue des Oiseaux. Nous voilà à nouveau confrontés à un problème de sécurité qui va nous obliger à trouver une solution en faisant des travaux ; et donc en engageant une nouvelle fois des frais qui viendront s’ajouter ceux déjà entrepris au fil des intrusions de ces individus : vigiles, portail, grillage renforcé, fermeture de passage dont les dépenses sont entièrement à notre charge alors qu’elles nous sont imposées à cause de la carence de l’État ».
Des déplacements de police sans aucun effet. Louis Aliot résume la situation : « Là on est là et ils ne sont pas là. On s’en va, ils vont être de nouveau là ».
« Il est à noter que le mercredi 3 juin après-midi, nous avons eu droit à une « descente » de police avec voitures et cars de CRS. Déploiement dans tout le secteur, jusque dans nos espaces verts. Certes, les dealers ont disparu pour être de retour, en nombre, dès 19h30 sur notre « fameux » muret.Jeudi 4 juin, à nouveau, cars de CRS dans l’après-midi. Les dealers hurlent pour donner l’alerte et disparaissent. Jusqu’à quand ? À 21h, l’un d’entre eux fait déjà le guet à l’endroit habituel. Cela fait 2 ans que nous vivons cette situation. Si certains disent que rien n’a bougé, d’autres, beaucoup plus nombreux, disent que la situation a empiré. Et tous se sentent abandonnés. »
Résidence des Oiseaux : Les habitants alertent les autorités depuis 2015
Alerte après alerte, le collectif et les habitants sont consternés par le peu de retour des autorités et l’état de délabrement du quartier. Des rues totalement abandonnées, « la saleté et la végétation ont envahi les trottoirs ». Le porte-parole du collectif rappelle que les habitants sont excédés de constater que les autorités n’ont pas pris conscience de l’urgence d’agir malgré les nombreux témoignages tous adressés à l’ensemble des parties prenantes du dossier.
Images d’illustration prise durant le couvre-feu à Perpignan.
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