Derrière certains aquariums, les chercheurs et chercheuses s’activent, l’œil rivé sur leur microscope. Élevage de corail, recherches pour booster son venin, ou élevage maîtrisé des méduses, Camille, Mickaël ou Fiona étudient le vivant au sein de l’aquarium Oniria de Canet-en-Roussillon.
Patrick Masanet, conservateur et directeur scientifique a tenu à montrer au grand public ces lieux de recherche. « Cette interface entre le public et les scientifiques est très importante. »
Après l’éveil des consciences en matière de connaissance du milieu aquatique, et les temps forts du nourrissage, cet article est le troisième de notre série : « Dans les coulisses de l’aquarium Oniria ».


À Oniria, la recherche pour en savoir plus sur le corail
Camille Vison, docteur en biologie marine étudie les éléments chimiques ou biologiques du milieu qui pourraient être nocifs, ou au contraire, favoriser l’implantation de la larve du corail. C’est là qu’une pause s’impose pour comprendre le mode de reproduction du corail. Patrick Masanet nous précise que les coraux présents à l’aquarium sont tous issus de souches de 1986, en clair aucun des individus de l’aquarium de Canet n’a été prélevé dans la nature.
L’aquariologiste qui a fait une partie de son parcours auprès du commandant Cousteau à Monaco est intarissable sur les coraux. « Dans la nature, s’il y a une tempête qui casse des coraux, le courant va transporter les fragments qui peuvent aller créer une colonie un peu plus loin. » Il s’agit de la reproduction par bouturage ou fragmentation. Mais en tant qu’animal, car oui, le corail est bien un animal, le corail a une reproduction sexuée, par la production de larves.
Camille Vison, docteur en biologie auprès du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (Criobe)
Dans son laboratoire Camille plonge ses mains dans un aquarium pour en sortir une plaque. « Chaque bouture est un individu qui chaque nuit va libérer des polypes. Mon travail est de comprendre comment la larve va ou non s’implanter. »
Au gré des courants, ces minuscules individus sont trimballés. Mais grâce à ses petits cils, la larve peut se déplacer pour trouver un lieu d’implantation plus favorable à sa transformation en polype et ensuite en corail. Le travail de Camille consiste à comprendre quels sont les facteurs qui vont favoriser cette implantation. « Les larves de corail ne se fixent pas au hasard. Elles sont influencées par des signaux chimiques émis par leur environnement. Le but est d’identifier une ou plusieurs molécules sympathiques. On pourra les implanter et rendre le lieu plus propice et ainsi aider à reconstituer le récif. »
Booster le venin du corail pour l’aider à lutter contre ses prédateurs
Si le réchauffement de l’eau des lagons de Polynésie a un effet délétère sur les coraux, l’activité humaine a également accéléré les invasions d’acanthasters. Ces étoiles de mer friandes de corail font des ravages dans les récifs. Jusque-là, si les chercheurs ont révélé que les attaques massives avaient lieu tous les 50 ou 60 ans, la fréquence des invasions s’accélère compromettant la survie du récif corallien. Selon les chercheurs, l’invasion d’étoiles de mer dans les lagons intervient tous les dix à douze ans. L’équilibre qui permettait aux deux espèces de perdurer est en danger à cause de l’activité humaine et notamment de la déforestation, de l’érosion qui charrient la terre dans les lagons et en modifient sa biochimie.
Patrick Masanet conservateur et directeur scientifique d’Oniria
Fiona Leroy, qui poursuit ses études en deuxième année de master, cherche à comprendre comment « booster » le venin du corail pour lui permettre de mieux se défendre face à ce prédateur. « L’étoile de mer recouvre le corail, sort son estomac – ça s’appelle la dévagination – puis elle envoie un mélange de sucs digestifs qui décompose entièrement le corail. Et hop, elle absorbe le tout », précise Fiona. La biologiste cherche à mettre en place un modèle qui pourrait être reproduit en milieu naturel.
« On travaille sur le venin pour comprendre comment le corail peut se défendre contre ces grandes étoiles de mer. Parce que quand elles ne sont pas trop nombreuses, les coraux parviennent à les repousser. L’idée est de stimuler la production de toxines pour que le corail puisse mieux se défendre. Et protéger les récifs en danger. »
Concrètement dans les bacs bleutés, les coraux sont mis en présence de petites étoiles de mer pour constater comment se passe l’attaque et comment le corail s’en prémunit.
La reproduction des méduses désormais contrôlée à Oniria
L’aquarium joue également un rôle clé dans l’élevage des méduses, et c’est Mickaël Manetti, soigneur et aquariologiste, qui suit très attentivement leur reproduction maîtrisée de A à Z par l’aquarium. Même si « c’est à la fois simple en théorie et un peu plus compliqué en pratique », confie le soigneur.
Avant d’être cet animal flottant au gré des courants et piquant parfois les vacanciers en été, la méduse vit sous forme de polype de 1 à 2 mm, fixé sur un support. À ce stade de sa vie, la méduse se reproduit de manière asexuée, chaque polype pouvant donner vie à un autre polype. Dans la nature, et quand les conditions sont favorables, chacun de ces polypes va produire une quinzaine d’éphyrules, ou larves de méduse.
« Cela ressemble à une petite étoile d’un millimètre de diamètre », montre Mickaël. « Si on veut avoir des méduses, je vais prendre cette petite plaque qui est aujourd’hui dans un aquarium à 24 degrés, et je vais la plonger dans une eau à 10 degrés. Cinq semaines exactement après ce choc thermique, les polypes vont donner ces petites éphyrules. »
Et en neuf mois, ces bébés méduses grandiront jusqu’à atteindre la taille d’une assiette. Elles sont ensuite installées dans un grand aquarium où leur ballet, agrémenté d’un jeu de lumières, devient hypnotique.
Mickaël nous rappelle les capacités exceptionnelles de l’animal. Si celles présentes à Oniria vivent environ deux ans, certaines espèces de méduses peuvent, selon leur environnement, régresser de leur forme adulte au stade de polype. Une capacité qui leur aurait permis de survivre depuis l’époque des dinosaures.
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