À la tête de l’atelier Arago depuis 20 ans, le maître artisan d’art, Philippe Gally, s’est récemment installé au cœur de la ville de Thuir.
Niché dans l’ancien musée de la chasse et de la nature, l’atelier du tapissier accueillera bientôt des stages de découverte et des formations professionnelles. Ce mardi 18 février 2025, l’artisan nous fait visiter son repaire.
« Je suis tombé amoureux, c’est un métier que je ferai toute ma vie »
Au quotidien, l’artisan restaure les sièges anciens ou contemporains, du canapé à la chaise en passant par la tête de lit. Il confectionne des rideaux, stores et tout élément de décor textiles. « Je suis tombé amoureux, c’est un métier que je ferai toute ma vie », nous confie le tapissier. Enfant, Philippe se prend de passion pour les antiquités, attisant ainsi son goût pour l’esthétique et la décoration.
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« J’ai commencé à me former à la tapisserie très tard, à 27 ans », se remémore l’artisan. À l’époque, Philippe entame un apprentissage à l’AFPA (Association pour la formation professionnelle des adultes). Sa rencontre avec un maître artisan toulousain a fait le reste… « J’ai appris auprès d’un passionné du métier et de la tradition », sourit Philippe.
Après trois ans de formation, il quittera la Ville Rose pour la Nouvelle-Zélande, où il parfait son savoir-faire. « C’est une île qui a longtemps été isolée. Là-bas, il y a des champions du raccourci qui m’ont appris à tout réparer », raconte Philippe, qui s’est imprégné du coup de main Néo-Zélandais. Depuis son retour en France, l’artisan range soigneusement ses outils dans une poche en cuir qu’il a rapportée de ce voyage.
Un ancien musée devenu atelier à Thuir
Dans le calme de son atelier, l’artisan poursuit une garniture en crin piqué sur un fauteuil Art Déco. Philippe s’applique à employer des matières naturelles et végétales : lin, crin, coton, chanvre… Sur la table du maître artisan, un ciseau à dégarnir, un maillet, un ramponneau et de petits clous constituent ses principaux outils. « La base du métier, on peut la faire sans rien, avec dix outils », assure l’artisan.
Au rez-de-chaussée de l’ancien musée, devenu atelier, on découvre le showroom où tous les tissus d’ameublement sont soigneusement exposés. Une explosion de couleurs, de motifs qui fusionnent, de matières nobles et de grands noms attirent l’œil : Lelièvre, Pierre Frey, Jean Paul Gaultier… Le prix du mètre oscille entre 100 et 400 euros, selon les modèles.
Au quotidien, Philippe réceptionne des sièges abîmés ou « très fatigués ». « On commence par les dégarnir, les mettre à blanc », décrit l’artisan, qui procède ensuite à l’ébénisterie. Le squelette du siège à nu, le bois aura peut-être besoin d’une remise en état. Après avoir ciré le meuble, Philippe réalise le guindage, autrement dit, la pose des ressorts. Le tapissier pose une toile sur le siège et vient y ajouter des « lacets » : points de ficelle assez lâches pour permettre d’y passer des poignées de crin végétal formées à la main. Après avoir sculpté le crin avec des piquages, le tapissier ajoute une dernière couche de crin animal. Puis, place la couverture du siège, avant de passer aux finitions.
Pour le rideau, c’est une autre affaire. Si la tête à œillets est la plus courante, connaissez-vous la tête à plis flamands, la tête à pli plat, la tête « vagues » ou à fronces ? Autant de propositions contemporaines ou classiques… Philippe travaille dans les règles de l’art avec une finition main. L’artisan a participé a des chantiers d’exception comme à Valmy où il a confectionné et posé des tentures murales. « J’ai également réalisé des rideaux et des sièges à la Villa Palauda », ajoute Philippe, qui compte parmi ses clients madame Violet, fondatrice de l’entreprise Byrrh.
À l’atelier, les commandes se bousculent, « je suis en train de faire des rideaux, il y a du siège… j’ai pas mal de demandes ! », se réjouit l’artisan, qui met un point d’honneur à livrer un travail visant le « zéro défaut ». Philippe œuvre sur des meubles de famille, qui se transmettent de génération en génération. Des meubles qui ont une valeur intrinsèque. « J’ai également des clients qui ont chiné un petit siège sympa et qui veulent lui donner un coup de peps ! », souligne l’artisan. Quoi qu’il en soit, la restauration est toujours authentique.
« La culture de l’artisanat tend à disparaître »
Lorsque Philippe s’est installé, le département comptait 45 tapissiers. Aujourd’hui, ils seraient moitié moins. « C’est un métier de contact, qui fonctionne beaucoup au bouche-à-oreille », nous explique l’artisan. Dans une société où la production de masse remplace peu à peu l’artisanat, Philippe se bat pour faire connaître la qualité de son travail. « La culture de l’artisanat tend à disparaître », déplore le tapissier. « Certaines personnes préfèrent acheter un fauteuil fabriqué en Chine, qui va leur coûter 300 à 500 euros. De mon côté, c’est le prix d’une couverture pour un siège Voltaire… »
Pour Philippe, transmettre son savoir-faire aux jeunes générations reste essentiel. L’artisan a enseigné la sellerie durant trois ans au lycée Rosa Luxemburg, à Canet-en-Roussillon. « J’étais enseignant lorsqu’il y a eu le Covid. J’ai vu qu’il y avait beaucoup de gens en quête de sens dans leur vie, qui souhaitaient revenir à des métiers manuels. » Philippe a l’idée de monter une école, un lieu pour favoriser l’émulation entre différents corps de métiers, dans le domaine de l’art.
Ce projet, qui lui tient à cœur, prend forme à Thuir. Avec le soutien de la municipalité, Philippe restaure de fond en comble l’ancien musée de la chasse et de la nature, à l’abandon depuis dix ans. « Il y avait des animaux empaillés partout… D’ailleurs, un ours trônait même dans mon bureau », plaisante l’artisan, qui nous fait la visite des lieux.
Les vestiges du musée ont laissé place à un espace de détente, plusieurs pièces de travail multimédia, un showroom, et bien sûr, l’atelier de Philippe. Le tapissier y organisera bientôt des stages « découverte » et des formations professionnelles. « J’ai passé la certification Qualiopi, ce projet a été un travail de longue haleine », nous avoue le tapissier. Un gage de qualité des prestations qui seront proposées par le formateur indépendant.
Des formations professionnelles et des stages découverte dans les Pyrénées-Orientales
L’inauguration de l’école devrait avoir lieu au mois de mai 2025, mais Philippe compte recevoir du public en amont, notamment lors d’ateliers découverte. « Je privilégie les petits groupes pour favoriser une bonne transmission du savoir », justifie Philippe, qui compte déjà trois participants.
Avis aux amateurs de décoration, en trois heures de temps, vous pourrez confectionner votre tabouret et repartir avec votre création. « Soit vous amenez le vôtre, soit vous choisissez parmi ceux que je chine », ajoute Philippe, qui nous désigne une rangée de petits sièges. Côté formations, des artisans pourront bientôt échanger leurs savoirs, se perfectionner ou apprendre de nouvelles techniques.
Philippe souhaite casser le tabou autour de la transmission. « Si on n’a pas l’amour du métier, si on n’est pas doué ou qu’on n’a pas de fibre artistique, on ne fait pas tapissier. » Aujourd’hui, les formations sont peu nombreuses et des passionnés n’hésitent pas à se former directement via des tutos sur les réseaux sociaux, avant d’ouvrir leur propre atelier. « Ça fait du mal à la profession », dénonce Philippe. « Beaucoup de personnes ne sont pas assez qualifiées pour être artisans. »
Philippe pratique un métier de précision. « Il faut livrer un fauteuil qui soit fini, parfait. Il faut que le meuble soit esthétiquement beau, solide et confortable », assure le passionné, qui ne pèche sur aucun domaine. Pour le tapissier, la satisfaction du client est sa plus grande fierté.
À l’occasion de la journée européenne des métiers d’art, l’atelier de Philippe ouvrira ses portes du samedi 5 au dimanche 6 avril 2025, sur rendez-vous, pour une démonstration de piquage traditionnel de garniture.
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