Près de Prades, dans les Pyrénées-Orientales, le parc animalier de Casteil existe depuis 40 ans. Sur une zone de 25 hectares arborée du Conflent, 300 animaux originaires des cinq continents évoluent 365 jours par an. Au-delà de la visite, il est aussi possible de dormir dans la cabane des loups. Une expérience que nous avons voulu tester pour vous.
Ce 30 octobre 2024 est une des journées les plus pluvieuses de l’année dans un département qui vit une situation de sécheresse endémique. A priori, ce n’était pas la date idéale pour venir entre sœurs observer la vie des loups d’Europe. Et pourtant… Récit d’une nuit dans la cabane des loups et échange avec le responsable du parc animalier de Casteil.
Cinq loups nous observent de l’autre côté de la vitre
Mercredi à 14h, nous voilà parties pour Casteil, près de Prades. Après une journée particulièrement pluvieuse la veille, la météo annonçait des éclaircies pour notre séjour en pleine nature. Mais la météo est parfois changeante, et à notre arrivée à l’entrée du parc, les ondées étaient de retour. Il nous fallait donc aborder la montée pour accéder à la cabane des loups sous une pluie fine, mais continue. Après vingt minutes d’ascension, les cinq loups d’Europe nous avaient déjà repérées depuis un long moment. En effet, d’origines hispaniques, nos voix sont loin d’être discrètes. Dès l’ouverture de la porte, nous sommes saisies par ces yeux perçants qui nous observent depuis leur promontoire.
Nous voilà confortablement installées dans notre logement, nos regards irrémédiablement attirés par le spectacle derrière la vitre panoramique. César, le mâle dominant, et ses acolytes ont les yeux mi-clos, gênés par la pluie. Malgré le couvert que leur offre les chênes verts, ils s’ébrouent régulièrement pour évacuer l’eau de leur épais pelage. Né durant l’été 2024, le plus jeune des loups est le plus agité. Les autres sont la plupart du temps allongés sur la terre humide. À la tête de la meute, César, né en 2016, est le plus âgé. En plus du mâle alpha, la seule femelle est née en 2018. Avec le louveteau de 2024, deux autres mâles nés en 2019 et 2021, complètent le groupe.
Leurs comportements respectifs esquissent leur rôle au sein de la meute. Le plus jeune incline les oreilles en signe de soumission, il est aussi le plus curieux de notre présence. De l’autre côté de la vitre, ils nous identifient parfaitement. Et particulièrement à la tombée de la nuit, quand la lumière des ampoules transforme notre abri en spectacle pour la famille de loups. De traqueuses de réactions lupines, nous nous transformons, pour la nuit, en proie potentielle pour cet animal sauvage qui au garrot peut mesurer jusqu’à 90 centimètres, et peser 40 kg pour les mâles.
La nuit noire et sans lune invisibilise à nos yeux César et ses congénères. Débute alors de longues discussions sur la place de chacun dans la société ou la distance prise entre l’être humain et la nature. Bref, nous refaisons le monde, en oubliant presque que nous sommes observées et écoutées.
Dans la nuit, les loups hurlent et se bagarrent
Au moment de se coucher et où les sons humains se tarissent, les voix du parc prennent le dessus. Au loin, nous entendons les lions rugir dans la nuit noire. Quand nos paupières se font lourdes, l’étrange sensation d’être observées nous envahit. Et nous avons hâte que le jour se lève à nouveau pour retrouver la vue sur la tanière de nos loups. Le livret mis à disposition des voyageurs prévient, » il arrive que les loups se bagarrent et hurlent. Il s’agit d’un comportement normal, » nous voilà prévenues !
Mais quand vers deux heures du matin, les grognements, les hurlements et les jappements des cinq loups d’Europe répondent aux rugissements des lions, cela surprend. Nous tentons en vain de coller nos téléphones à la vitre pour apercevoir la meute, mais la nuit reste noire et nous entendons les loups, sans les voir. Il nous faudra être patientes, faire confiance à notre ouïe, en attendant de recouvrer la vue.
Au petit matin, la lumière revient peu à peu et nous redécouvrons César et les siens. Ils semblent agités, à l’affût, en attente. Un petit panier dans la cabane porte l’inscription : « dans la nature les loups peuvent consommer des fruits, vous pouvez leur lancer ces pommes. » Nous prenons donc l’initiative de lancer une première pomme qui roule sur le terrain en pente. Immédiatement, un animal se lance à la poursuite de la boule jaune, puis s’en délecte en la croquant, puis chacun des cinq loups déguste son petit-déjeuner.
Tout à coup, au loin, les loups blancs appellent. Et nos loups se préparent, se regroupent, s’installent et un premier se met en position. Assis, il lève sa gueule vers le ciel, et hurle, « Aoooouuuuuu ». Immédiatement suivi par ses compagnons qui l’imitent dans un hurlement sonore et puissant. Aboiements, hurlements, jappements, se multiplient, résonnent dans la montagne et provoquent en nous des frissons. Durant trois minutes, comme les loups solitaires des Pyrénées-Orientales, les loups d’Europe de Casteil ont repris le dessus, ils sont redevenus les maîtres du Conflent.
Chaque jour, il faut deux heures pour nourrir tous les animaux du parc de Casteil
Tout a commencé il y a 40 ans. À la tête d’une auberge restaurant, à Casteil, Juliette et Dominique Cases se voient confier une jeune lionne de trois mois par un particulier qui ne pouvait plus s’en occuper. « Mon père a toujours été passionné d’animaux », nous confie Jérôme. En 2019, il a repris la succession de son père, avec son épouse Édith, et leurs enfants Mathieu et Manon.
« Mon père avait des chevaux, des daims, mais rien d’exceptionnel. Et puis, un jour, en plein été, un monsieur est arrivé au restaurant avec une lionne dans son coffre. Il l’avait dans son appartement, et ne savait plus quoi en faire. Ensuite mon père a récupéré des animaux de plusieurs cirques et structures en difficulté. Au début, on avait 1500 m2, et aujourd’hui , il y a 25 hectares ouverts au public, » indique Jérôme, fier de l’aventure familiale.
Avec l’aide d’un soigneur, la famille gère désormais le parc. 365 jours par an, il faut nourrir les 300 animaux de 30 espèces différentes. Chaque jour, il faut environ deux heures pour faire le tour de tous les enclos, vérifier que tous les animaux sont bien là et en bonne santé. Idem pour nettoyer les espaces, et réparer les clôtures endommagées. Les mêmes gestes recommencent le jour suivant, et ainsi de suite tous les jours de l’année.
Le parc de Casteil étudie les pistes de développement
Le parc de Casteil, tout comme Ecozonia ou la Réserve de Sigean, est membre de la fédération française des parcs zoologiques. À ce titre, Jérôme Cases réalise des échanges d’animaux pour, entre autres, favoriser la préservation des espèces et éviter la consanguinité lors des reproductions.
Tous les ans, voire un an sur deux, les loups, les lynx, mais aussi les daims, les isards, les wallabies ou les singes font des petits, précise Jérôme. Il faut ensuite les transporter vers d’autres parcs. Mais aussi accueillir les nouveaux, ceux qui sont parfois saisis par la justice chez des particuliers. « Nous avons récupéré un singe saisi dans un appartement à Paris. Les deux femelles qui l’accompagnent ont été récupérées par l’association Tonga Terre d’accueil à Marseille. Elles étaient attachées à un poteau dans la rue. »
Au-delà des prises en charge, cette dernière association anticipe la loi de 2021 dite ‘Bien-être animal’. Une loi qui vise à mettre fin à l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques itinérants dont l’application est prévue pour décembre 2028. Selon Tonga Terre d’accueil, à cette date, il faudra trouver une place pour les 400 à 500 félins présents dans les cirques en France.
« Un chiffre très vague, puisque des naissances continuent à se produire dans les cirques itinérants alors que la reproduction des animaux sauvages y est interdite depuis décembre 2023, fustige Tonga Terre d’accueil. Jérôme aussi cherche à anticiper pour prendre sa part des accueils à venir.
« Nous avons acquis récemment une dizaine d’hectares de terrain. Mais il va falloir prévoir les études de faisabilité et d’impact. Et surtout trouver comment financer les installations. Car finalement, ce n’est pas parce que nous allons rajouter un couple de tigres que nous aurons plus de monde, s’inquiète Jérôme. Autre piste à l’étude, la construction d’une deuxième cabane à loups. En effet, la cabane à loup rencontre un franc succès, tous les créneaux trouvent preneurs. Mais attention pour préserver l’intimité des loups, et notamment durant la saison des amours, les Cases n’ouvrent la cabane que d’avril à fin octobre.
Pour rappel, le parc est ouvert toute l’année, sauf en janvier. Et reçoit 30 000 visiteurs par an, un chiffre en hausse se félicite le responsable.
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