Article mis à jour le 6 juin 2025 à 17:10
Ces jeudi et vendredi 5 et 6 juin, devant la prison de Perpignan, les surveillants pénitentiaires étaient mobilisés. L’objectif, exprimer leur colère face à des conditions de travail intenables notamment en raison de la surpopulation carcérale endémique à Perpignan.
Avec un taux d’occupation moyen à 260 %, un manque de personnel chronique, et un sentiment de ne pas être entendus par la direction, la coupe est pleine et les surveillants à bout.
Le ras-le-bol du personnel pénitentiaire de Perpignan
Face à l’entrée principale de la prison, pneus et palettes laissent une fumée noire visible au loin. Dès le petit matin de ce vendredi 6 juin, le syndicat Force Ouvrière (FO) avait réuni ses forces pour bloquer le changement d’équipe. La gestion de la prison est devenue « intenable » aux yeux des surveillants. La veille, c’est le syndicat Ufap-Unsa qui disait « stop au mépris » et notamment de leur direction.
La suppression d’un lit dans une des salles de repos des surveillants a été « l’élément déclencheur » de la mobilisation. Gérald Taillefer, secrétaire local FO nous confie : « À demi-mot, on a été accusé de dormir pendant les veilles de nuit, et d’être la cause des incidents qu’il y a dans les prisons ».
Mais cette décision de la direction est loin d’être la seule cause du mécontentement des agents. Pêle-mêle, les syndicats dénoncent « un déficit de personnel », « une surpopulation record » , « la multiplication des violences envers les personnels » ou « l’infestation des punaises de lit ». N’en jetez plus la coupe est pleine, et les surveillants lassés par l’inaction des pouvoirs publics.
À Perpignan, 810 détenus pour 493 places
Construite en 1987, la prison de Perpignan fait actuellement l’objet d’un grand plan de rénovation qui consiste à installer des douches dans chacune des cellules. Les travaux qui devaient être engagés en 2024 peinent à avancer compte tenu de la surpopulation. « Perpignan, exception honteuse en Occitanie : Nous sommes le seul grand établissement de la région sans douche en cellule », dénonce Pierre Grousset secrétaire départemental Ufap-Unsa.
Selon Gérard Taillefer, « les travaux de mise en place des douches demandent six à sept cellules constamment libres”, configuration impossible du fait de la surpopulation. « Donc là, actuellement, on n’a que deux cellules pour les douches. Ça avance très peu. » Avec ironie, le syndicaliste lance, « Rivesaltes (nouveau centre pénitentiaire prévu à Perpignan) va ouvrir en 2028, nous, on n’aura pas terminé les douches ! »
Si la maison d’arrêt pour les femmes compte 28 cellules, début juin, 75 détenues y sont incarcérées, soit une suroccupation de 264%. Un triste nouveau record, dénoncent les syndicats. Du côté des hommes, la situation est tout aussi grave. La maison d’arrêt prévue pour 132 hommes, compte 357 détenus condamnés à des courtes peines ou en attente de procès, soit une surpopulation de 270%. Gérard Taillefer évoque également la saturation des 333 cellules du centre de détention (CD), pour les peines longues et les jugements définitifs. Au mépris de l’article L.2213-3 du code pénitentiaire, 45 cellules sont doublées.
Mais comment en est-on arrivé là ?
La surpopulation carcérale est un problème également au niveau national, dont le centre de Perpignan est le point d’orgue. La densité moyenne en France est de 133%, début mai, il y avait 83 681 détenus pour 62 358 places. Un chiffre en hausse de 30% depuis 2021. Selon les analyses, le palier de 85 000 devrait être franchi dès 2025. Ce qui place la France parmi les mauvais élèves en Europe.
Gérard Taillefer se souvient du « plan 13 000 » lancé à la fin des années 80. Depuis, 5 000 nouvelles places de prisons sont sorties de terres en 2009-2010, et notamment le site de Béziers, mais depuis “il ne s’est plus rien passé”, se désole le syndicaliste. Il ajoute : « le monde de la pénitentiaire a été écarté. Personne n’a voulu le regarder. Personne n’a voulu s’en occuper. Et on l’a laissé pourrir la situation. Aujourd’hui, on a peut-être 30 ans de retard de construction ». La France a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme en 2023 pour conditions indignes de détention, signe de l’ampleur du problème soulevé par ces mobilisations.
Un manque de personnel chronique à Perpignan
Récemment, le Directeur de l’administration pénitentiaire (DAP), Sébastien Cauwel, s’est rendu à Perpignan. Les syndicats ont dressé un constat préoccupant pour les personnels et notamment en ce qui concerne les effectifs. De l’avis des deux syndicats, il manque à Perpignan 26 surveillants et surveillantes. Pourtant la prison la plus au sud de l’Hexagone ne manque pas de candidats. Ce sont surtout les départs en retraite non remplacés qui font défaut au moment de la relève. « On arrive aujourd’hui à un point de non-retour parce qu’on ne peut plus assurer la sécurité à l’intérieur de l’établissement », confie Gérard Taillefer.
Pour apaiser les tensions à Perpignan, le DAP aurait proposé de transférer les détenus des Pyrénées-Orientales vers les directions pénitentiaires de l’est. Pour rappel, depuis un an le dispositif « stop écrou » qui consiste à dévier les détenus vers d’autres centres pénitentiaires a été activé près d’une dizaine de fois.
Devant les grilles du centre pénitentiaire, plusieurs familles patientent pour accéder au parloir avec leur proche. Mais l’une des conséquences de la mobilisation des agents est l’annulation des visites. Les mobilisés se défendent, pointant que ces mouvements de protestation « les concernent aussi, parce que ce sont les conditions de vie des détenus, parce qu’il faut savoir que quelqu’un qui est incarcéré aujourd’hui, à son arrivée, il dort par terre sur un matelas ».
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