Depuis janvier 2025, la réforme du Revenu de solidarité active s’applique à l’ensemble du territoire, depuis, les contestations se multiplient au niveau national.
Dans les Pyrénées-Orientales — dont le taux de chômage, à 12,1 % au quatrième trimestre 2024, demeure le plus élevé de France métropolitaine — la direction locale de France Travail défend une approche qu’elle juge « bienveillante » qui serait, in fine, plus efficace. Mais les chiffres, les tensions syndicales et les témoignages nuancent ce tableau.
Des moyens à la hauteur de l’afflux massif de nouveaux inscrits à France Travail ?
11 322 : c’est le nombre de nouveaux inscrits à France Travail dans les Pyrénées Orientales depuis l’étendue de la réforme du RSA à tout le territoire, en janvier dernier. Ces bénéficiaires du RSA, jusqu’ici non-inscrits à France Travail, sont désormais enregistrés d’office. A savoir que dans ce nombre se retrouvent également les conjoints et les enfants majeurs des bénéficiaires du RSA, puisque c’est tout leur foyer qui se retrouve comptabilisé.
Le 1er avril 2025, une intersyndicale regroupant la CGT, la CFTC, la FSU, Sud et le STC a alerté sur les conséquences concrètes de la réforme pour les agents de France Travail. L’arrivée soudaine de plus de deux millions de nouveaux inscrits dans toute la France a provoqué une « désorganisation massive », selon Francine Royon (CGT). Entretiens à rallonge, erreurs d’orientation, questionnaires mal conçus, surcharge de dossiers : les syndicats évoquent une « pagaille pas possible » et un pilotage improvisé, avec des décrets publiés à la veille de la réforme.
Selon Anne Danycan, directrice départementale de France Travail, le mouvement de grève a été suivi par quelques agents et agentes des Pyrénées-Orientales. Pour la responsable, « le fort taux de chômage du département fait que les collaborateurs mettent beaucoup d’énergie dans l’accompagnement et la levée des freins au projet professionnel ». En clair, les effectifs ne seraient pas à la hauteur du nombre de demandeurs d’emploi. Sans nullement mentionner la surcharge de travail, la directrice accueillera volontiers les « moyens supplémentaires » qui devraient bientôt arriver et qui permettront « d’alléger les portefeuilles des collaborateurs ».
L’étendue de la réforme du RSA, c’est quoi ?
Les nouvelles modalités du RSA, expérimentées partiellement en 2023 et 2024, s’étendent à l’ensemble du territoire français depuis janvier 2025. Chaque personne percevant le RSA est désormais inscrite d’office à France Travail et doit signer un contrat d’engagement précisant ses objectifs d’insertion sociale et professionnelle.
Après réception d’un courrier de confirmation d’inscription, le bénéficiaire selon son profil est orienté vers un organisme référent – Conseil départemental, collectivité, mission locale… Pour les nouveaux inscrits, cette étape de diagnostic est primordiale, elle permet d’établir l’existence de freins à la recherche d’emploi. « [Les raisons de] ces freins vont être écoutées, accompagnées et résolues avec une assistante sociale ou un conseiller d’insertion», explique la directrice.
« La plupart des [11 322 nouveaux inscrits des Pyrénées-Orientales] nous étaient inconnues puisque le travailleur social qui les avaient rencontrés avait estimé que le bénéficiaire du RSA était dans une situation de précarité qui ne justifiait pas la recherche d’emploi », explique Anne Danycan. Leur situation va être réévaluée.
Au 4ᵉ trimestre 2024, le département comptait 33 320 demandeurs d’emploi en catégorie A*. En attente de la signature de leur contrat d’engagement, ces nouveaux inscrits sont temporairement classés dans la catégorie G. Selon leur profil, ils sont ensuite ventilés vers une catégorie et un accompagnement est mis en place. Si certains sont trop éloignés de l’emploi, ils seront classés en catégorie F, dédiée aux personnes relevant d’un parcours « social » et pour lesquelles les freins au retour à l’emploi sont considérés comme trop importants.
Le contrat d’engagement, un « coach de parcours »
Anne Danycan tient à en démystifier la rigueur du contrat d’engagement. « Si une personne nous dit qu’elle n’arrive pas à chercher d’emploi parce qu’elle a des problèmes de santé, nous lui donnons une liste d’organismes, nous l’aidons à prendre rendez-vous. Ça peut être aussi des problèmes de solitude, de violence, un besoin de soutien psychologique », explique-t-elle. Parmi les « freins au retour à l’emploi », se retrouvent aussi l’instabilité de logement, les difficultés d’accès aux droits, au système bancaire, à faire garder ses enfants … « L’idée du contrat, c’est de formaliser les actions et d’être plutôt un coach de parcours pour mobiliser ».
Si les règles du contrat d’engagement se veulent claires, leur application est donc soumise à l’appréciation du conseiller France Travail. Une souplesse rassurante pour la directrice, mais certains accusent cette réforme de vouloir sanctionner plus qu’accompagner les demandeurs d’emploi.
Une prise en charge étalée dans le temps et « dans la dentelle »
Anne Danycan est confiante et se veut décidément rassurante. « Toutes les personnes ne vont pas être vues en un jour » : le contrat d’engagement est censé être mis en place sur une durée de trois ans.
La directrice tient également à rappeler que « le contrat d’engagement, ce n’est absolument pas 15 heures d’activité professionnelle, c’est 15h de mise en mouvement, en fonction de la situation de la personne » : mise en situation professionnelle, formation… Certains allocataires du RSA en sont exemptés, en fonction de leur état – avéré – de santé, de leur handicap ou de leur situation de parent isolé n’ayant pas de solution de garde pour un enfant de moins de 12 ans.
La présidente de Conseil départemental peut décider la suspension, en tout ou partie et pour une durée qu’il fixe, du versement du RSA lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire refuse d’élaborer ou d’actualiser son contrat d’engagement ou ne respecte pas tout ou partie des obligations énoncées dans son contrat. A savoir que d’après Anne Danycan, « si la personne a vraiment des freins sociaux, elle n’a pas d’obligation à s’actualiser. Son actualisation est faite automatiquement ».
L’inquiétude et l’incompréhension face à la réforme : le nécessaire rôle d’intermédiaire des opérateurs
Le CNLE, la CFDT et le collectif Alerte pointent le risque d’une hausse du non-recours, avec des personnes renonçant à leurs droits par crainte ou incompréhension. La complexité administrative, la multiplication des interlocuteurs et les sanctions automatiques peuvent créer une spirale de découragement.
« Nous avons formé les travailleurs des maisons France Service qui sont en grande proximité avec des usagers éloignés, en montagne ou sur le littoral ». Pour la directrice départementale, si les bénéficiaires sont connus des opérateurs, ils rejoindront un système qui les tirera nécessairement vers le haut.
Quid des personnes qui passeraient entre les mailles du filet ? Pour Anne Danycan, il existe beaucoup de solutions pour l’éviter. « Venir nous voir, nous envoyer un mail, aller en Maison France Service si on en a une à côté de chez soi, téléphoner, faire un courrier… Nos accueils sont ouverts tous les jours, l’après-midi et le matin sans rendez-vous ».
*La catégorie A correspond aux demandeurs d’emploi tenus d’effectuer des actes positifs de recherche d’emploi et sans emploi au cours du mois.
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