Article mis à jour le 5 septembre 2025 à 19:32
Dans la commune de Caixas, des villageois se pensaient seuls avec leurs problèmes de connexion, suspendus aux promesses des opérateurs. Peu à peu, les habitants découvrent qu’ils sont près d’une soixantaine à ne plus pouvoir ouvrir un simple mail. Voilà plusieurs mois qu’on leur dit que tout va bien.
- Mise à jour du 4 septembre (16h10) : ajout de la réponse du service communication de l’opérateur Orange.
- Mise à jour du 5 septembre (19h30) : ajout d’un droit de réponse à la demande du Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales (à la suite de l’article).
- Complément d’information du 5 septembre (19h30) : « Les techniciens Orange ont pu remonter le débit internet sur le cuivre sur Caixas ce soir. Les habitants sur le cuivre devraient voir la différence. Iles techniciens retournent en début de semaine prochaine à Caixas pour fiabiliser la réparation. »
Le déploiement de la fibre optique dans les Pyrénées-Orientales touche à sa fin. Comme l’explique Jean Roque, vice-président du Département en charge de la question, 190 000 prises sont déployées sur le réseau Numérique 66, hors agglomération de Perpignan. La moitié de ces prises font déjà l’objet d’un abonnement.
Il reste quelque 10 000 à 15 000 habitations, parmi les plus isolées, à raccorder. En attendant, elles sont priées de maintenir leurs abonnements ADSL qui passe par le cuivre.
Quand même la mairie n’a plus internet
Mais à Caixas, pour les maisons qui n’ont toujours pas reçu la fibre, rien ne va plus. De manière inexplicable, le réseau ADSL a soudain vu son débit chuter au point qu’internet est inutilisable. Voilà de nombreux mois que même la mairie ne parvient plus à se connecter. Peggy Fourcade en est la secrétaire. Elle a bien reçu la box qui doit aller avec la fibre. « Sauf que la fibre n’est pas installée. On a juste des poteaux. L’année dernière j’avais eu quelqu’un du département qui nous avait dit qu’il n’y avait plus d’argent pour continuer les travaux de raccordement. » Les services se tournent vers l’opérateur Orange pour être dépannés en attendant.
« Un technicien devait venir fin juillet. Ça a été reporté au 8 août. Et le 8 août, rien, ils ne nous ont même pas contactés. »
Régulièrement, la mairie recevrait des mails promettant une arrivée imminente de la fibre. Imminence que dément Jean Roque côté Département, assurant qu’aucune date n’est fixée et que les derniers raccordements peuvent s’étaler jusqu’à 2027.
Une partie du village est en zone blanche et le portable ne passe pas non plus. Hors les numéros d’urgence ou faire le choix du réseau satellite d’Elon Musk, le hameau est coupé du monde.
« En tant que secrétaire de mairie on a besoin d’internet. Je crois que je devrais faire du yoga et de la méditation pour ne pas avoir envie de casser mon ordinateur ! Rien que le fait d’ouvrir un mail avec des pièces jointes est impossible. Hier on devait faire une carte de déchetterie, on n’a pas pu télécharger le document à imprimer. »
Caixas est une commune sans coeur de ville, constituée de hameaux sur 15 km. Seul le hameau de Fontcouverte, proche de la route D2, est totalement doté de la fibre optique.
Des poteaux installés, mais aucun câblage dessus
Mais le plus dur pour les habitants plus éloignés de la départementale, c’est le sentiment d’être promené par l’opérateur. Wout Morael habite un mas sur le hameau et a un débit internet devenu très lent. Il a laissé tomber la 4G, trop instable dans le secteur. « C’est un peu bizarre. Notre voisin a la fibre sans problème depuis un an alors qu’il est plus loin de la route. Il y a un poteau au milieu des bois qui n’est pas utilisé. Un autre voisin ne voulait pas de poteau, a exigé que ce soit enterré, et ça a été fait. Mais ils ont arrêté ensuite de mettre des armoires pour la fibre. »
Jean-Paul* habite lui dans des hameaux de Caixas. Il a opté en 2024 pour l’ADSL en attendant la fibre, avec un débit promis à 9 Mo qui était en réalité de 4 Mo, tout juste suffisant pour une utilisation basique. Précieux car à l’intérieur, avec des murs de pierre de 60 cm, la 4G passe difficilement. « Aujourd’hui toutes les démarches se font par internet, l’administration, le compte Améli… Ce sont de vrais besoins, ce n’est pas juste pour regarder Netflix. » Mais arrivé au mois de juillet 2025, le débit chute à 0,5 Mo. « On n’ouvre même pas un mail. On a laissé passer 15 jours, on s’est dit que c’était peut-être l’arrivée de vacanciers qui jouait sur la connexion. » Mais rien ne s’arrange et Jean-Paul contacte Orange une première fois. Les longs échanges téléphoniques avec l’opérateur se succèdent au fil des semaines.
« On vous explique que tout va bien, comme si on mentait. Puis on nous a fait changer la box, puis on nous a promis une sorte de robot magique qui accélère le débit. »
Rien n’y fait, internet reste inutilisable. « A la fin Orange nous a conseillé de résilier en disant qu’on finira de toute façon par être coupés à la fin de l’année car le cuivre sera arrêté. » C’est en appelant la mairie pour confirmer cette information que Jean-Paul découvre que la moitié du village souffre en réalité du même problème. « Tout le monde était au courant. Et pendant tout ce temps je m’étais fait balader, on m’a pris pour un jambon, on m’a fait culpabiliser en insinuant que je ne comprenais pas comment ça marchait. »
Contactés par la rédaction, les services d’Orange insistent sur le fait qu’ils ne sont pas responsables du déploiement de la fibre. « C’est déployé par le Conseil départemental. » Orange reconnaît néanmoins une baisse de débit de l’ADSL depuis le 12 juin 2025.
« Nous avons fait une étude suite à votre demande. Alors sur le cuivre, ça continue de fonctionner, mais il y a une baisse. S’il n’y a qu’une seule personne qui se connecte, il n’y a pas de souci, mais si plusieurs personnes se connectent au même moment, ça ne marche pas bien. C’est une baisse de la qualité du service, mais pas une interruption du service. Pourquoi, ça je ne sais pas. Il y a peut-être quelque chose sur place. Je n’ai pas plus d’éléments. Ce qui est sûr c’est qu’on regarde et qu’on va redonner de la puissance. »
Pour l’élu au Département Jean-Roque, il n’est pas question de retirer le cuivre ou d’en diminuer le débit tant que la fibre n’est pas connectée. Aucune date n’est encore fixée pour Caixas, qui ne pourra voir ses dernières prises arriver que d’ici un an ou deux. A ce jour seules 34 communes des Pyrénées-Orientales, déjà totalement fibrées, auront une coupure technique du cuivre en 2027 et 2028. Les suivantes ne seront concernées que vers 2030.
« Le cuivre n’arrêtera que lorsque la commune sera fibrée à 100 %. Orange a l’engagement de fournir un service de qualité tant que la fibre n’est pas à 100 %. Sur certaines communes ils basculent sur leur projet de satellite mais force est de constater que ça ne marche pas bien. »
Des villages qui résistent et refusent la fibre
Jean Roque évoque d’autres villages dans le département où se posent également des difficultés, mais en partie liées aux habitants eux-mêmes. Il peut s’agir de propriétés privées traversées par les câbles, et qui obligeraient des personnes à élaguer alors qu’elles n’avaient rien demandé. Ce problème, en cours de résolution, se pose par exemple du côté de Py et Mantet. Du côté de Glorianes, la mairie aurait tout simplement refusé la fibre.
« On a notre engagement d’amener la fibre, ils ne veulent pas. Mais si dans deux ans, quand on aura terminé l’opération, ils changent d’avis, ils devront la payer. »
Un secteur proche d’Arles-sur-Tech s’oppose également aux poteaux. Malgré ces dernières difficultés, Jean Roque tient à rappeler un bilan globalement positif du déploiement de la fibre. « On a la moitié des bénéficiaires de prises qui ont basculé sur la fibre, c’est un taux très intéressant surtout qu’on est au début. Cela concerne 190 communes. Nous avons fait travailler depuis cinq ans plus de 80 entreprises, et des sous-traitants. C’est un développement économique qui est à la clé. » Le tout avec une pression sur les opérateurs pour maintenir les tarifs à un niveau proche des précédents abonnements ADSL.
S’agissant des paraboles satellites pour les logements les plus inaccessibles, Jean Roque ne l’envisage qu’en dernier recours. « Peut-être que ça viendra. Le bout du bout, les plus difficiles, on les branchera l’année prochaine. »
*Prénom d’emprunt
Droit de réponse à la demande du Conseil Départemental
Concernant la phrase : « Régulièrement, la mairie recevrait des mails promettant une arrivée imminente de la fibre. Imminence que dément Jean Roque côté Département, assurant qu’aucune date n’est fixée et que les derniers raccordements peuvent s’étaler jusqu’à 2027. »
Il s’agit d’un des chantiers les plus important du Département qui s’élève à 200 M€. Il n’est donc pas question d’un problème budgétaire de la part du Département.
Concernant les poteaux sans câble : Le Département effectue le déploiement de la fibre jusqu’à la limite du domaine privé. Les travaux à effectuer sur la partie privative sont à la charge du propriétaire. Conscient des difficultés de certains propriétaire (élagage des arbres, haies implantées etc..), le Département étudie une adaptation du déploiement avec les entreprises de travaux.
Le déploiement de la fibre optique sur une zone (comme un quartier ou une commune) s’étend en moyenne sur une période de 6 à 18 mois, depuis la phase d’études sur le terrain jusqu’au raccordement effectif des habitations. Une période d’attente peut s’installer, car l’analyse des données collectées et la planification des travaux nécessitent parfois plusieurs semaines ou mois avant que des interventions visibles ne reprennent sur le terrain. Cela explique pourquoi, après un repérage initial, il se peut qu’aucune activité ne soit apparente pendant un certain temps, alors que le projet avance en réalité en arrière-plan.
Concernant le changement de Box de Jean-Paul : Le changement de box sur un déploiement cuivre revêt d’un abonnement ADSL et est proposé par les fournisseurs d’accès internet qui est dans l’obligation d’apporter une continuité de service au travers de cette technologie. En aucun cas, cela est en relation avec le déploiement de la fibre catalane.
Concernant les paraboles : Jean Roque ne l’envisage pas puisque le recours à une parabole dépend d’un abonnement avec un opérateur. Le Département ne peut pas intervenir. Toutefois, la collectivité est allée au-delà de son engagement avec 186 657 prises déployées sur un objectif initial prévu dans le cadre du Plan France Très Haut Débit, de 178 653 prises.
Pour bénéficier d’un abonnement internet fibre, il est indispensable de vérifier l’éligibilité de l’adresse concernée : une offre ne peut en effet être souscrite que si le logement est raccordable. Cette vérification s’effectue simplement via le site numerique66.fr ou les plateformes officielles d’éligibilité.
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