fbpx
Aller au contenu

Pyrénées-Orientales, un mystérieux donateur restitue une pièce de cette abbaye

Pyrénées-Orientales, un mystérieux donateur restitue une pièce de cette abbaye

Article mis à jour le 3 décembre 2024 à 13:12

Samedi 30 novembre 2024, l’abbaye Saint-Michel de Cuxa a reçu un cadeau de Noël avant l’heure. Durant les heures de fermeture du monument, un mystérieux bienfaiteur a restitué un fragment sculpté datant du XIIe siècle, issu de la « tribune-jubé ». Photo © Idriss Bigou Gilles / Hans Lucas.

D’un coup d’œil expert, il n’aura fallu que quelques minutes au conservateur général du patrimoine, Olivier Poisson, pour certifier la véracité de l’objet. « Ce bloc de 25 centimètres a été déposé à l’entrée de l’abbaye, le long de l’espace vert qui conduit au monastère », nous explique-t-il. « C’est une personne se rendant à la messe qui l’a découvert. »

Un ancien fragment retrouvé devant l’abbaye de Saint-Michel de Cuxa

« On connaît assez bien la physionomie d’ensemble de la tribune, qui est une sorte de façade reposant sur des voûtes, à l’intérieur de l’église. Elle comprend trois grandes arcades avec un certain nombre de bas-reliefs », nous décrit Olivier Poisson. « Il faut imaginer que cette façade comptait trois grandes arcades et qu’au sommet, vous aviez sans doute une douzaine d’arcades plus petites. La courbure de ce bloc nous fait penser qu’il s’agit de l’une d’entre elles. »

Le décor du fragment, très caractéristique, a aussi aiguillé le spécialiste. « Ce sont des sortes de fleurs à quatre pétales. C’est un décor que l’on retrouve au prieuré de Serrabona, abritant une tribune qui n’a jamais été détruite. »  

Mais comment un tel fragment a-t-il pu s’égarer si longtemps ? L’abbaye de Cuxa comprend au XIIe siècle deux ensembles sculptés majeurs : le cloître et la tribune-jubé. Au XVIe, la tribune-jubé est démolie à la faveur d’un réaménagement de l’église. Les moines en conservent les éléments, qu’ils réutilisent dans plusieurs ensembles décoratifs comme la porte extérieure du monastère.

Les blocs sculptés de l’abbaye dispersés dans les Pyrénées-Orientales

À la Révolution française, l’abbaye est démantelée et ses bâtiments vendus. Ils tombent peu à peu en ruines, et les éléments sculptés du cloître et de la tribune, en marbre rose, sont récupérés ou dispersés dans la région. Aujourd’hui encore, la localisation de beaucoup d’entre eux reste inconnue.

Pour le conserveur général du patrimoine, il n’est pas rare de retrouver certains de ces éléments, même trois siècles plus tard ! « Suite à la vente de l‘abbaye en 1790, de nombreuses personnes ont récupéré ces pierres parce qu’elles les trouvaient jolies. Il est possible que des habitants de Prades ou d’ailleurs, aient des fragments de la sorte dans leur jardin, sans même le savoir… » Pour preuve, il y a quelque temps, l’association culturelle de Cuxa a récupéré deux pièces détenues par des particuliers à Los Masos et Taurinya. 

Un gigantesque puzzle à résoudre 

Au début du XXème siècle, le sculpteur américain, George Grey Barnard, achète plus de trente chapiteaux du cloître et tous les fragments qu’il peut trouver à Prades ou à Cuxa même. Il constitue alors le musée Cloisters, à New York, où l’on peut voir aujourd’hui un cloître de Cuxa reconstitué, en plus petit.

De 1950 à 1955, la récupération de 35 autres chapiteaux, sur place et dans les environs permet de reconstituer le cloître incomplet, visible à Cuxa. À cette époque, impossible de distinguer les chapiteaux provenant du cloître ou de la tribune-jubé, ils ont malheureusement été mélangés.

Depuis huit ans, une partie de l’édifice subit d’importants travaux. « Il s’agit de bâtiments quasiment en ruine, sans plancher et sans ouverture… », décrit le conservateur. Cette restauration permettra à long terme de redéployer le parcours de visite d’une manière plus logique, et surtout, de le rendre accessible aux personnes à mobilité réduite.

Dans le cadre de ce chantier, il est aussi prévu de reconstituer la façade de la fameuse tribune du XIIe siècle, dont de nombreux fragments ont été conservés. « Nous aurons également une copie du fragment qui se trouve à New York », souligne Olivier Poisson. Si l’identité du donateur reste une énigme, le spécialiste du patrimoine espère susciter d’autres vocations. En effet, l‘apparition de nouveaux fragments résoudrait un peu plus ce gigantesque puzzle.

Participez au choix des thèmes sur Made In Perpignan

Envie de lire d'autres articles de ce genre ?

Comme vous avez apprécié cet article ...

Partagez le avec vos connaissances

Célia Lespinasse