Avec un taux de 4,1 pour 1 000 naissances, la France se classe 23e sur 27 pays en Europe où la mortalité infantile est la plus importante. La Protection maternelle et infantile (PMI) organise des consultations gratuites et des actions médico-sociales de prévention et de suivi. Créé en 1945 à la sortie de la guerre, ce service public est aujourd’hui menacé alors que le taux de mortalité infantile remonte en flèche. Photo d’illustration © Pixabay.
Dans les Pyrénées-Orientales, en mars dernier, les agents de la PMI s’étaient rassemblés devant l’hôtel du Département pour réclamer « un plan de sauvegarde d’urgence ». État des lieux de cet outil de prévention qui offre un suivi de grossesse de qualité à toutes les femmes, y compris les plus précaires.
« Nous sommes là dans l’intérêt de l’enfant »
Marie* exerce depuis plusieurs années en tant qu’infirmière puéricultrice au sein de la PMI des Pyrénées-Orientales. « C’est un métier tourné vers le social, avec des missions de proximité », nous explique-t-elle.
Lors de visites à domicile ou en consultation, Marie veille au bon développement de l’enfant. « Durant la première année de vie, le suivi est régulier. Ce sont des consultations avec un regard clinique, infirmier et médical », assure-t-elle. Au quotidien, l’infirmière puéricultrice travaille en complémentarité avec les sages-femmes. « Nous réalisons aussi le suivi de la grossesse. Il y a un lien qui se crée avec les mamans, une relation de confiance qui s’installe. Cela nous permet aussi de pouvoir prendre en charge des personnes qui ont parfois peur de la PMI. »
En effet, le service PMI a une étiquette qui lui colle à la peau : sa proximité avec les services sociaux. « On parle de protection maternelle et infantile, alors qu’on devrait parler de prévention maternelle et infantile », souligne Marie. « Nous travaillons en confiance avec les parents que nous accompagnons. Le but, c’est de les guider dans leur relation avec leur enfant. » Les professionnels de la PMI veillent au suivi médical de l’enfant, ainsi qu’à son éveil.
Comment fonctionne le service de protection maternelle et infantile ?
En théorie, les sages-femmes de la PMI reçoivent les déclarations de grossesse de leur secteur, contenant des informations clés sur le profil de la mère : âge, pathologies, risques… « Nous contactons chaque famille, quelle que soit sa catégorie socioprofessionnelle », rappelle Marie. Mais concrètement, par manque de moyens humains comme matériels, la PMI est contrainte de prioriser ses actions, précise Matthieu Escudé, responsable du syndicat CGT au conseil départemental.
Dans le livre-enquête « Le scandale des accouchements en France », paru aux éditions Buchet Chastel, les journalistes Sébastien Leurquin et Anthony Cortes décrivent le service PMI « à la croisée du sanitaire et du social » : « Cet organe joue un rôle crucial dans le dépistage précoce des problèmes de santé, des handicaps, et des situations à risque, contribuant ainsi directement à la diminution de la mortalité et de la morbidité infantiles. »
Dans leur ouvrage, les auteurs mentionnent « une baisse de 45 % » des examens de PMI. Les visites à domicile infantiles réalisées par les infirmières puéricultrices sont en chute libre (1 million en 1991 contre 580 000 en 2016). Comme les visites à domicile des sages-femmes, qui ont vu leur nombre baisser de 264 000 en 1995, à 188 000 en 2016. « La pauvreté, elle, n’a pas diminué. En coupant à la hache dans le secteur de la prévention, l’État a donc sciemment décidé de moins protéger les enfants les plus vulnérables », dénoncent les journalistes.
Au fil du temps, un financement insuffisant a conduit à une diminution des moyens, une réduction des effectifs et des ressources. L’institution souffre d’un déclin de popularité et le lien avec certaines familles s’est érodé. « Souvent, quand nous intervenons, il est déjà trop tard. Nous n’arrivons plus à voir toutes les familles comme on le souhaiterait », se désole Marie. « Il y a de moins en moins de suivis de grossesse. » Si la structure a aussi pour mission de faire de la prévention, parfois, les professionnels n’arrivent même pas à joindre les familles. Pourtant, ce travail de prévention est essentiel pour rassurer les jeunes parents et leur présenter le service universel.
Des pathologies décelées plus tardivement
Parmi les tâches attribuées à la PMI, il y a également les dépistages (vue, audition, langage) réalisés en école maternelle. Sur le terrain, Marie et ses collègues constatent que certains enfants ont des troubles du neurodéveloppement. Conséquence de la baisse du nombre des examens précoces, ces pathologies sont décelées plus tardivement.
Frappées par la chute des moyens, les interventions de la PMI au sein des établissements scolaires sont devenues rares. L’enjeu du dépistage à l’école est de repérer les signes d’appel, mais également de co-construire avec les parents une préoccupation commune autour de la santé de l’enfant. Les bilans et les dépistages des enfants de 3 et 4 ans sont une des obligations liées à la compétence du conseil départemental.
« Un bébé né dans le Conflent n’aura pas les mêmes chances qu’un bébé né à Perpignan »
En matière de santé, les disparités territoriales accentuent les inégalités. Les services de la PMI ont bien du mal à remplir leurs postes en milieu rural. « Sur les 14 médecins que compte la PMI des Pyrénées-Orientales, seuls sept postes sont occupés », mentionne Matthieu Escudé.
Dans le Conflent, les médecins en arrêt ne sont pas remplacés. Faute de moyen, les professionnels de la PMI réalisent surtout des consultations infirmières qui ne permettent plus de vacciner les enfants, assure le syndicaliste. Une vingtaine d’infirmières puéricultrices exercent en PMI sur tout le département. Le service compte également 11 sages-femmes et une éducatrice de jeune enfant.
Selon Matthieu Escudé, « un bébé né dans le Conflent n’aura pas les mêmes chances qu’un bébé né à Perpignan », au niveau de son suivi et du soutien apporté aux parents. En France, une mère sur six et un père sur vingt sont touchés par la dépression post-partum. Les infirmières puéricultrices de la PMI y sont sensibilisées. « On essaye d’être vigilantes », assure Marie. « Malheureusement, étant donné que l’on voit de moins en moins de femmes, nous n’avons plus vraiment la possibilité de les accompagner. » Les visites à domicile avaient l’avantage de pouvoir visualiser très rapidement les difficultés des familles.
Une hausse des accouchements inopinés
Avec seulement 450 maternités en service, certaines femmes doivent se déplacer de plus en plus loin pour accoucher. Selon la Drees**, 900 000 femmes, en âge de procréer, habitent à plus de 30 minutes d’une maternité. « Et la part de celles qui habitent à plus de 45 minutes a augmenté de 40 %, depuis le début des années 2000 », appuie Sébastien Leurquin. Plus les déplacements sont longs, plus le risque est avéré pour une maman.
Dans certains territoires, il arrive même que les pompiers soient des sages-femmes. Si bien que les professionnels de la PMI peuvent être amenés à les former aux accouchements inopinés, nous confirme Matthieu Escudé. « Dans le cadre de la formation continue, les pompiers ont décidé cette année de mettre l’accent sur les accouchements inopinés. Localement, le SDIS a fait appel aux compétences internes, notamment de la seule sapeur pompier volontaire infirmière puériculture. »
D’après un rapport d’information publié par le Sénat en 2024, on peut lire que les accouchements inopinés représenteraient environ 6 000 naissances par an. « Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), les accouchements extra-hospitaliers inopinés sont le plus souvent liés à des situations de précarité et se produisent dans de grandes villes, sans que l’éloignement de la maternité soit en cause. »
Finalement, il y a un rapport différent entre ce que les autorités de santé basées à Paris décrètent et la réalité des territoires concernés, étayent Sébastien Leurquin et Anthony Cortes dans leur livre. Pour rappel, un moratoire a été voté à l’Assemblée nationale le 15 mai dernier.
« Partout, on met des rustines, mais jusqu’à quand allons-nous tenir ? », s’inquiète Marie. De son côté, le Département assure « partager les préoccupations des personnels et déplore le manque de moyens dû principalement à un manque de personnel médical, qui entraîne la dégradation du service rendu au public. »
*prénom d’emprunt.
**Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques.
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