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Dépression post-partum : « Je criais au secours mais personne ne m’entendait »

Dépression post-partum : "Je criais au secours mais personne ne m'entendait"

Article mis à jour le 9 décembre 2024 à 14:22

En France, une mère sur six et un père sur vingt sont touchés par la dépression post-partum, un trouble encore trop souvent invisibilisé et sous-diagnostiqué. Dans les Pyrénées-Orientales, la polyclinique Méditerranée de Perpignan a ouvert un hôpital de jour dédié au traitement et à la prévention de cette maladie. Photo illustration © Alexander Grey / Unsplash.

En 2023, sur 2 100 patientes qui ont accouché à la maternité, 236 ont été reçues au sein de ce service. Un quart d’entre elles présentait une souffrance psychique pouvant générer un trouble du post-partum. Le tabou persistant autour de cette maladie empêche encore beaucoup de familles de recevoir le soutien et les soins dont elles ont besoin. Témoignages.

Qu’est-ce que la dépression post-partum ?

« Il faut faire la différence entre le baby blues et le trouble du post-partum », souligne Sylvia Aubert, sage-femme au sein de la polyclinique Méditerranée. D’après la soignante, le baby blues touche 50 % des mamans. « C’est un état passager qui dure quelques jours : on est fatiguée et un peu submergée… La dépression post-partum, elle, arrive un peu plus tard, environ six à huit semaines après l’accouchement. »

Un trouble qui s’installe sur la durée. « La maman se sent dépassée, épuisée. La plupart du temps, elle est dans l’incapacité à pouvoir s’occuper correctement du bébé et ne prend plus de plaisir à lui donner les soins. Elle ressent également une grande anxiété », énumère la maïeuticienne, qui nous précise que le post-partum touche près de 15% des femmes.

En 2016, Vanessa donne naissance à son deuxième enfant. Un heureux événement qui tourne au cauchemar. Alors qu’elle vient d’accoucher, un sentiment d’angoisse très fort traverse la jeune maman. « J’avais comme une oppression thoracique, du mal à respirer. Je n’arrivais plus à trouver le sommeil », se remémore-t-elle. « Sur le coup, je pensais que c’était le poids des responsabilités… Quand on vient d’avoir un bébé, on a peur qu’il lui arrive quelque chose. »

Mais les jours suivants se transforment vite en calvaire. « J’en ai parlé au personnel soignant, on m’a répondu que ça allait passer », souligne Vanessa. Si la dépression post-partum a des symptômes, une durée et une gravité la distinguant nettement de l’état transitoire du baby-blues, des lacunes persistent, retardant souvent le repérage mais aussi la prise en charge de cette maladie.

« J’ai ressenti un sentiment de culpabilité par rapport à ma fille, dès le début. Je me suis dit que je devrais être heureuse, mais je n’y arrivais pas. Je n’ai pas pu profiter des premiers moments de sa vie… Certains proches me disaient que j’avais tout pour être heureuse, ils ne comprenaient pas », glisse-t-elle.

« J’avais des idées noires, je m’imaginais faire du mal à ma fille »

Alors qu’elle quitte la maternité avec son bébé, son état se dégrade. L’angoisse grandit, Vanessa ne mange plus, ne dort plus et perd peu à peu le goût de la vie. « J’avais des idées noires, je m’imaginais faire du mal à ma fille », nous confie-t-elle. Au bout d’un mois, la situation devient chaotique. « Ça a eu des conséquences sur notre vie de couple, au final je ne dormais plus non plus », assure Jonathan, son compagnon. « Elle était transformée, je ne la reconnaissais plus. »

Les phobies d’impulsion sont propres à la dépression post-partum. Vanessa s’imagine jeter son bébé dans les escaliers, une pensée morbide qui tourne en boucle dans sa tête. « C’est très rare que les personnes souffrant de ce trouble passent à l’acte », rassure Sylvia Aubert. « Mais cela peut devenir une obsession qui gâche la vie. Certaines mamans s’interdisent de sortir ou de se retrouver seule avec leur bébé. » Une peur inavouable, et pourtant courante.

« Je suis allée voir plusieurs médecins, à chaque fois, on me disait que ça allait passer… », Vanessa décrit deux mois d’errance médicale, pendant lesquels elle est au plus mal. Si une sage-femme et une infirmière se rendent régulièrement au domicile du couple, d’après la maman, c’est le bien-être de l’enfant qui est privilégié. « Je criais au secours mais personne ne m’entendait. »

Durant cette période compliquée, alors que son conjoint reprend le travail, Vanessa continue de s’occuper de sa fille et de son fils aîné. « Je faisais tout comme un robot, par automatisme. Dès que je m’arrêtais, j’avais des idées noires, je cogitais et ça n’allait pas du tout. » Au quotidien, Jonathan fait de son mieux pour épauler sa femme. Il avoue à demi-mot qu’il n’existe pas de recette magique.

« Je pense que le diagnostic est arrivé trop tard », regrette le père de famille. « On lui a prescrit des médicaments, sans la pédagogie qui allait avec, son état se détériorait beaucoup. Plus le temps passait, plus je sombrais avec elle. » Jonathan finit par faire interner sa femme en hôpital psychiatrique. « Je me souviens m’être écroulé », lâche-t-il, la gorge nouée.

Le suicide est la première cause de mortalité maternelle

« On m’a fait sortir au bout d’une semaine, j’ai pu me reposer mais le problème était loin d’être réglé », affirme Vanessa. Hospitalisée sans son bébé, elle commence un traitement à base d’antidépresseur et d’anxiolytique. À force d’acharnement, le couple est enfin orienté vers une spécialiste de la dépression post-partum. C’est cette pédopsychiatre qui mettra des mots sur le mal-être de Vanessa. Grâce à un traitement adapté, la jeune femme se remet peu à peu sur pied.

Selon une enquête menée par Biogen, 7 Français sur 10 estiment que la santé mentale reste encore taboue. La dépression post-partum est loin d’être une pathologie connue des personnes concernées par la maternité. Toujours selon cette étude, seule la moitié des mères (51 %) et des pères (46 %) considèrent avoir été suffisamment informés sur cette maladie.

Parmi les raisons permettant d’expliquer ce manquement, l’absence d’évocation de cette pathologie lors du parcours périnatal est largement mise en avant. En effet, pour 85% des femmes interrogées, le sujet reste encore trop peu abordé lors des différents rendez-vous médicaux.

À l’époque, Jonathan et Vanessa avaient pris des cours de préparation à l’accouchement. « Nous n’avons jamais évoqué ce sujet avec la sage-femme », confirme le père de famille. Si encore aujourd’hui, trop peu de prévention est faite autour de la dépression post-partum, cette maladie cause chaque année la mort de nombreuses femmes. D’après Sylvia Aubert, le suicide reste même la première cause de mortalité maternelle, devant les maladies cardiovasculaires.

Dépression post-partum : quel suivi dans les Pyrénées-Orientales ?

À Perpignan, un hôpital de jour dédié à la dépression du post-partum a ouvert ses portes pour prévenir et diagnostiquer ce trouble. « Un rendez-vous est fixé par la clinique, un mois après l’accouchement », nous explique Sylvia Aubert. « Les mamans réalisent alors un petit parcours avec quatre intervenants. » De façon individuelle ou avec leur conjoint, ces femmes rencontrent d’abord une sage-femme. L’occasion de revenir sur l’accouchement, si elles le souhaitent, et de faire un bilan sur leur état de santé.

L’auxiliaire puéricultrice, elle, va expliquer les premiers soins du nouveau-né à la maman, « les parents arrivent avec leurs questions et leurs craintes, nous adaptons les entretiens en fonction d’eux », assure la sage-femme. Vient ensuite, la diététicienne, qui abordera le volet alimentation pour la maman, comme pour le bébé. Enfin, une psychologue refait le point sur la grossesse, l’accouchement et la nouvelle organisation à la maison.

« Cette quatrième intervention nous permet de déceler des troubles éventuels de la dépression post-partum. Nous sommes-là pour dépister, nous ne faisons pas d’hospitalisation », rappelle la professionnelle. La polyclinique Méditerranée propose aussi un hôpital de jour prénatal, permettant de détecter une éventuelle fragilité durant la grossesse.

« Le but de ces quatre interventions est de dresser une petite synthèse. Lorsque l’on juge qu’une patiente est à risque, elle peut être orientée vers un psychologue en cabinet ou vers l’équipe mobile de psypérinatalité de Thuir. » Ces professionnels peuvent même se déplacer à domicile pour les mamans qui ne seraient pas en capacité de le faire. Dans les Pyrénées-Orientales, plusieurs associations soutiennent aussi les mamans qui viennent d’avoir un bébé, comme Maman Blues et Artémis.

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Célia Lespinasse