Article mis à jour le 21 décembre 2024 à 14:26
Signe de l’importance du sujet « sécheresse », ce 29 novembre autour de la table à Perpignan, plus d’une vingtaine de personnes étaient conviées au « comité stratégique du plan de résilience pour l’eau ». Élus, élues, représentants et représentantes des collectivités locales, les consulaires, directeurs et directrices des agences de l’État, préfet, tous et toutes ont écouté avec attention, Christine Portero-Espert, nommée « Madame Eau » en mai 2024.
La directrice du projet est chargée de coordonner l’ensemble des dispositifs, études ou projets pour lutter contre la sécheresse endémique des Pyrénées-Orientales. Réutilisation des eaux usées, retenues d’eau, traque des fuites d’eau, mise en place de faisabilité des dispositifs, ou tuyau du Rhône, dans ces réunions, il n’y a aucun dogme, ni aucun tabou ont précisé le préfet et Madame eau.
Qu’est ce que le « comité stratégique du plan de résilience pour l’eau » ?
Depuis trois ans, les Pyrénées-Orientales sont en déficit de pluviométrie, un manque d’eau qui a des conséquences lourdes sur toutes les activités humaines, économiques et environnementales du département. Au delà des « il faut, y a qu’a », le comité stratégique du plan de résilience pour l’eau a pour mission de coordonner l’ensemble des projets liés à l’eau ; qu’ils soient portés par des acteurs publics ou privés. L’objectif est aussi de réduire le temps entre le projet et la mise en œuvre effective de l’action. Et aussi de trouver des financements. Si certains pourraient croire qu’il s’agit de gaspillage, qu’ils se rassurent, le comité a vocation à mettre en musique toutes les initiatives en matière de lutte contre la sécheresse. Et doit veiller à lever les freins qu’ils soient financiers ou réglementaires.
Pour résumer, selon le préfet, « le principe de ce plan de résilience, c’est d’être aussi adaptable, d’inventer, de chercher. Ici on regarde tous les projets, nous essayons d’être souples et adaptables. »
REUT dans les Pyrénées-Orientales, un gisement potentiel de 2 Millions de m3 d’eau
Aujourd’hui, le département dispose de deux autorisations pérennes permettant la réutilisation de 32 000 m³ par an, principalement pour l’arrosage des espaces verts et les infrastructures sportives.
En parallèle, trois projets de REUT sont en cours de déploiement. À Saint-Cyprien, le projet porté par la communauté de communes Sud Roussillon vise à substituer un million de m³ d’eau potable par de l’eau recyclée. 40% de l’eau servira à l’usage urbain et 60% à l’usage agricole. Aujourd’hui c’est surtout le réseau pour acheminer l’eau traitée qui fait défaut. Le plan prévoit la création d’un réseau de transfert vers des usages techniques comprenant l’arrosage du golf, les aires de lavage des bateaux ou des voiries. Si le dispositif pour ces usages devrait être opérationnel à l’été 2025, il faudra attendre fin 2025 ou 2026 pour que les terres agricoles soient alimentées.
À Argelès-sur-Mer, les travaux prévoient de substituer 1,2 Millions de M3 d’eau potable par l’eau de la station. Au printemps 2026, 14 km de canaux devraient acheminer l’eau vers 600 hectares de terres agricoles. Le coût total du projet est estimé à 12 M€.
Au-delà des stations d’épuration, les professionnels du bâtiment planchent sur la possibilité de dévier les eaux de douche pour alimenter les chasses d’eau. Sur ce point, c’est surtout le volet réglementaire qui doit évoluer, et Christine Portero-Espert confirme que deux projets sont à l’étude par l’ARS, un établissement touristique et un hébergement collectif. Ce dernier projet permettrait d’économiser 814 m³/an, confirme « Madame eau ».
Idem du côté de l’eau de nettoyage des piscines qui pourraient être réinjectée dans les bassins. Selon Christine Portero-Espert, « cinq établissements de tourisme d’importance sont engagés dans cette démarche ». Une économie potentielle de 17 000 m3 d’eau potable par an.
Haro sur les fuites d’eau et les forages non déclarés
En plus d’économiser l’eau, de la réutiliser, il faut avant tout connaître l’ampleur de la consommation et sécuriser l’approvisionnement. En clair, traquer les forages réalisés sans autorisation, et réparer les fuites sur les canalisations afin qu’un maximum d’eau arrive effectivement au robinet. Et sur ce dernier point, le compte n’y est pas encore. Un grand plan de réparation a été lancé depuis le début de la sécheresse. L’objectif était de passer de 73% d’eau au robinet en 2021, à 85% en 2024. Mais sur certaines communes, et notamment Ille-sur-Têt, en 2021, seul 45% de l’eau puisée arrivait à destination ; le reste se perdait dans le réseau fuyard.
Du côté de la régularisation des forages illégaux, là encore, il y a encore du travail. Mais selon Christine Portero-Espert, le travail avance et sur 730 forages agricoles réalisés sans autorisation, 217 sont à ce jour en attente de régulation.
Selon Nicolas Garcia, président du syndicat des nappes du Roussillon, il manque un groupe de travail dédié justement à la connaissance et donc aux besoins réels en eau. « Si on n’a pas cette connaissance, notre plan est foireux dès le départ », estime l’élu. Il nous faut un outil qui mesure la consommation en temps réel ou au moins à la semaine, prône Nicolas Garcia. Selon ce dernier, aujourd’hui il faut deux ans pour connaître la consommation exacte des m3 consommés. « Avouons que pour lutter contre la sécheresse, c’est compliquée ». Le préfet a annoncé que ce groupe de travail est prévu dès janvier 2025. Du coté des campings,
En 2025, une étude de 18 mois pour analyser la faisabilité du tuyau du Rhône
Sur ce dossier, un expert a été nommé par Agnès Pannier-Runachier, ministre en charge de la transition énergétique. Florent Tarrisse vient en appui sur le projet baptisé Aquadomitia 2 qui consisterait à acheminer une partie de l’eau du Rhône vers les Pyrénées-Orientales. Le spécialiste confirme que l’étude débutera en 2025. « Il s’agit de connaitre précisément les besoins en eau, et surtout les besoins d’export au territoire. Il faudra aussi définir les usages, agricole, eau potable, etc. » Florent Tarrisse rappelle qu’Aquadomitia 1 apporte 65% d’eau pour l’irrigation agricole, 20% à l’alimentation en eau potable, et le reste va au milieu. Aquadomitia 2 devra-t-il respecter cet équilibre ?
« Une fois ces besoins arbitrés, il conviendra de choisir les solutions techniques pour alimenter les territoires, mais également les solutions économiques. Parce que l’eau va être payée à la fin. Et il nous faut trouver des solutions opérationnelles pour que le prix de l’eau soit compatible avec les usages et les activités. Au-delà du volet technique, il y a un sujet juridique, puisque Aquadomitia 1 fait l’objet d’une concession jusqu’en 2050 et le département des Pyrénées-Orientales ne fait pas partie des signataires.
L’ingénieur évalue d’ores et déjà que le projet du tuyau du Rhône pourrait coûter entre 450 et 500 millions d’euros et rappelle qu’il s’est passé huit ans entre le premier rapport et la livraison d’Aquadomitia 1.
- Revue de presse du 19 janvier, ils ont parlé de Perpignan et des Pyrénées-Orientales - 19 janvier 2025
- Combien d’habitants dans les Pyrénées-Orientales ? En 2025, le recensement concerne 67 900 personnes - 18 janvier 2025
- Dans les Pyrénées-Orientales, les victimes de violences conjugales peuvent enfin porter plainte à l’hôpital - 17 janvier 2025