Article mis à jour le 2 juin 2025 à 14:45
Dans les Pyrénées-Orientales, où elle réside, Tifany Huot-Marchand nous livre son parcours. Âgée de 31 ans, cette sportive de haut niveau a remporté de nombreuses médailles internationales en short-track. Il y a trois ans, sa vie a basculé après une violente chute qui l’a rendue tétraplégique. Photo d’illustration © Isaac Mitchell / Unsplash.
En mai 2025, elle publie son autobiographie Avec toute mon âme, parue aux éditions En Exergue. Dans ce livre porteur d’espoir, l’ancienne patineuse se confie sur sa reconstruction physique et mentale.
Une vie brisée en une fraction de seconde
« C’est une journée douloureuse que je n’oublierai jamais. C’est aussi la dernière fois que j’ai patiné », entame Tifany, championne de short-track. Encore méconnu en France, le short-track est du patinage de vitesse sur glace. « Le but, c’est de faire la course et de passer la ligne d’arrivée en premier », nous explique la sportive. Une discipline qu’elle découvre totalement par hasard. « Je viens d’un tout petit village du Doubs. Ma voisine faisait du short-track lorsqu’elle était plus jeune. Elle a découvert qu’il y avait un club à Belfort et elle nous a proposé à ma soeur jumelle et moi de les accompagner, elle voulait faire tester cette pratique à ses enfants. »

Pour Tifany et Manon, c’est le coup de coeur. « Il y a cette sensation de glisse, de vitesse, l’inclinaison dans les virages », nous décrit Tifany, les yeux pétillants. « Et puis, ce qui m’animait, c’était la compétition. » Pendant 13 ans, elle pratique ce sport à haut niveau en équipe de France. Tifany participe deux fois aux Jeux Olympiques, à PyeongChang, en 2018, et à Pékin, en 2022.
Un jour de compétition aux Pays-Bas, la patineuse entame un dépassement à l’extérieur pour doubler ses adversaires. L’une d’elles perd appui et emporte Tifany dans sa chute. La jeune femme termine sa course contre la balustrade de la patinoire. Sa tête heurte violemment ses genoux avant de repartir en arrière. Le choc est net, le verdict implacable. La sportive souffre d’une fracture cervicale avec une atteinte au niveau de la moelle épinière.
Un livre pour se reconstruire et témoigner
« Je me souviens absolument de tout », se remémore douloureusement Tifany. Figée, elle comprend tout de suite qu’elle est paralysée. « Je pouvais juste cligner des yeux. » Dans sa tête, les émotions se bousculent. « Beaucoup de peur, de doutes et de questions… », confie-t-elle. Couchée sur la glace, Tifany garde espoir. « J’étais dans le déni. Je me suis dit que j’allais remarcher, courir et repatiner. J’étais très positive, alors que j’étais au plus mal. »
Lorsqu’elle arrive au bloc opératoire, on lui annonce qu’elle ne pourra plus remarcher. C’est sa première blessure, son premier accident. Avant cette terrible chute, Tifany ne s’était même pas foulé une cheville. « Le short-track n’est pas un sport dangereux », affirme-t-elle. Le pire lui est arrivé, voilà tout. Au centre de rééducation de l’hôpital, Tifany recherche des témoignages, des personnes qui ont vécu de près ou de loin la même chose. « J’en ai lu beaucoup, mais je ne trouvais rien qui me correspondait vraiment. » Elle décide alors d’écrire son histoire. Avec sincérité, elle décrit toutes les étapes par lesquelles elle est passée.
« J’ai commencé à écrire à l’hôpital, grâce à la reconnaissance vocale de mon téléphone. En rééducation, j’ai retrouvé un tout petit peu de mobilité dans mes doigts et j’ai écrit sur mon ordinateur. Puis j’ai poursuivi le travail avec un co-auteur qui m’a aidée à structurer mes textes, mes pensées », nous explique-t-elle.
« J’étais inconsolable »
« J’ai vraiment voulu être transparente, à tous les niveaux », confie Tifany, qui évoque, par exemple, les bilans urodynamiques qu’elle a subis, un examen de l’appareil urinaire permettant d’étudier le fonctionnement de la vessie. « Je suis restée hospitalisée quatre mois. Ensuite, j’ai quitté le centre, j’ai continué la rééducation pendant longtemps. » Une période difficile, entre la kinésithérapie, les examens médicaux, les larmes et les victoires. Malgré le pronostic pessimiste du corps médical, Tifany parvient rapidement à se tenir debout. Si au départ elle ne sent pas ses jambes, la patineuse garde espoir et rêve de continuer la compétition.
Short-track à Font-Romeu. © Photo Olivier Brajon / Patinage Magazine.
Malheureusement, les médecins lui annoncent qu’elle ne pourra pas reprendre le short-track, c’est trop risqué. Un coup de massue pour la jeune femme. « J’étais inconsolable. Ma première pensée, ça a été de me dire que j’avais fait tout ça pour rien. Alors que ça m’a sauvé la vie. » Mais Tifany ne renonce pas et se fixe de nouveaux objectifs. Trois mois à peine après sa sortie du centre, elle part en Indonésie pour devenir professeur de yoga. « Ensuite, j’ai traversé les Pyrénées à vélo, avec mon compagnon. L’année suivante, on a traversé les Alpes. J’ai participé à un marathon. » Grâce à tous ces défis et au soutien infaillible de ses proches, elle parvient peu à peu à se reconstruire.
Tifany a même retrouvé les sensations de la glisse sur un lac gelé, dans le Jura. Un moment suspendu qu’elle a partagé aux côtés de sa soeur. « C’était vraiment quelque chose qu’on attendait, autant elle que moi », sourit Tifany. Handicapée à 65%, elle garde de nombreuses séquelles de sa chute. « La rééducation ne cessera jamais, c’est pour la vie », lance la jeune femme.
Une renaissance dans le handisport
Aujourd’hui, Tifany s’impose dans une nouvelle discipline : le paracyclisme. « Je suis passée d’un sport d’hiver à un sport d’été, d’un sport d’intérieur à un sport d’extérieur, mais surtout d’un sport valide à un sport handisport. » Le 16 mai 2025, Tifany participait à sa première coupe du monde de paracyclisme, en Italie. L’adrénaline de la compétition lui avait manqué. « Le 15 juin, on a les Championnats de France, j’espère pouvoir y participer », ambitionne la sportive.
Entre la rééducation et ses entraînements à vélo, elle suit une formation pour devenir préparatrice mentale. « Je veux aider les athlètes à atteindre leurs objectifs. C’est quelque chose qui me tient à coeur. Je veux aider et rendre un peu petit tout ce que le sport m’a apporté. » Si la glace l’a brisée, aujourd’hui elle s’est relevée.
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