Article mis à jour le 16 septembre 2025 à 16:36
A quoi ressembleraient les rues de Perpignan avec une part moins large laissée aux hommes ? C’est sur le terrain d’une lutte pour la visibilité des femmes, et dans le cadre des journées du matrimoine, que des militantes ont marqué les murs de plaques alternatives ce dimanche 14 septembre.
Imaginées par le réseau HF+ pour l’égalité des hommes et des femmes, les journées du matrimoine fêtent leurs 20 ans cette année. « Cela a été imaginé pour mettre en lumière le manque de visibilité des femmes qui ont fait l’Histoire », explique l’une des militantes présente sur l’opération d’affichage.
Une écrasante majorité de noms masculins dans l’hyper-centre
En effet, selon les militantes, 98 % des noms de rue du centre-ville de Perpignan sont des noms d’hommes, souvent autour de trois catégories, l’armée, la religion ou l’argent. Et parmi les noms féminins restants, il y aurait souvent des noms de saintes ou de personnages fictifs.
« Cela révèle un objectif, une idéologie et qui sont nos héros. » Pour les participants à la campagne d’affichage, la féminisation de la société est davantage portée par la gauche que par la droite.
« Les femmes ne sont jamais mises en majesté au niveau des rues, de l’espace public. Elles ont été soigneusement invisibilisées par les livres d’histoire et notamment d’histoire de l’art. En théâtre, des autrices extrêmement jouées ont disparu de notre héritage. »
« Les enfants qui habitent dans une rue qui porte le nom d’une femme en connaissent au moins une. »
Le mot « matrimoine » lui-même a disparu de l’usage. « Le patrimoine n’existerait pas sans le matrimoine. » Les noms de rues avec des femmes sont simplement collés sous la plaque principale masculine, sans la masquer. L’idée est de proposer un clin d’œil symbolique pour que le passant s’interroge. « On sait que l’espace public est genré », complète un militant. « Les gens, les enfants qui habitent dans une rue qui porte le nom d’une femme en connaissent au moins une. Cela influe sur les imaginaires. »
Doubler le nom des rues amène aussi à s’interroger sur le rôle de ces personnes, dont les patronymes ne servent souvent plus qu’à s’orienter dans la ville.
Pour les journées du matrimoine à Perpignan, ce sont 40 femmes, dont des Catalanes et des Occitanes, qui ont été ajoutées.
« La question du féminisme et celle du régionalisme vont se rejoindre à plein d’endroits. Nommer son territoire devrait avoir un lien plus étroit que la logique toponymique avec des noms d’hommes nationaux ou internationaux qui n’ont jamais mis les pieds dans une ville. »
Des noms que l’on retrouve dans toutes les métropoles, avec cette idée depuis la Révolution de faire nation, renforcée également sous Napoléon puis après-guerre, au détriment parfois du local. Les actions de collage des journées du matrimoine, qui se font dans plusieurs villes de France, ne sont pas autorisées mais sont généralement tolérées. « On est rarement embêté par la police. Les papiers ne restent pas, on n’insulte personne. » Malgré tout certains arracheraient ces secondes plaques, agacés par l’opération. « Les femmes, c’est l’avenue, et les mecs sont des impasses », plaisante la militante.
Connaît-on Francesca Bonnemaison, Rosa Sensa ou Paulette Nardal ?
Ainsi la pédagogue Francesca Bonnemaison vient se glisser rue du Maréchal Foch. Une passante s’approche, surprise, et demande des explications. « On a tendance à nous oublier », finit-elle par reconnaître.
Au-delà du manque de femmes, nos colleuses reprochent à la toponymie de nos rues l’effacement de caractéristiques locales. La rue Foch a été autrefois la rue des orangers. « N’achetez jamais un rez-de-chaussée dans une ancienne rue du riu ou du cadereau, qui est l’endroit où l’on recueille les eaux », explique un militant.
« A Nîmes, la rue du cadereau est devenue la rue Pompidou, sauf que les gens sont inondés ! »
Nos activistes reprennent leur pot de colle et leur brosse. La journaliste Paulette Nardal vient surgir rue du lieutenant Pruneta, l’avocate Gisèle Halimi trouve sa place rue Pierre Cartelet et l’enseignante Rosa Sensat se glisse rue François Arago. Le chemin pour retrouver la place des femmes, ou du moins la rue des femmes, est encore long.
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