Alors que Michel Barnier a érigé la santé mentale en grande cause nationale pour 2025, plusieurs études soulignent une dégradation alarmante du bien-être chez les jeunes. Selon une enquête nationale publiée le 9 avril 2024, un adolescent sur sept présente un risque élevé de dépression, un phénomène particulièrement marqué chez les jeunes filles. Photo illustration © Unsplash / Ben Blennerhassett.
À la fin des années 90, Marc connaît de gros problèmes avec sa fille aînée. L’adolescente de 17 ans traverse une grosse dépression. « À l’époque, je ne savais pas comment m’en sortir, j’étais seul à l’élever », entame-t-il. Au gré de ses recherches, Marc finit par trouver l’adresse de l’Unafam (Union Nationale de Famille et Amis Malades). Cette association est présente dans chaque département de France. Créée il y a 60 ans, elle est destinée aux familles dont les proches souffrent de troubles psychiques ou psychologiques.
« C’est toute la cellule familiale qui est impactée »
Alors que l’état de sa fille se dégrade, Marc se rend à la permanence de cette association. « J’étais le seul papa au milieu de beaucoup de mamans », sourit-il. À l’époque, les proches des personnes atteintes de troubles psychiques ne sont pas conviés aux réunions. Conséquences, les parents comme Marc sont désespérément en quête d’informations. « Je cherchais des réponses à mes questions », raconte le père de famille, confronté au silence des professionnels de santé.
Marc découvre alors un monde inconnu : celui de la psychiatrie. Il se souvient du témoignage poignant de ces mamans dont l’enfant est schizophrène ou bipolaire. « Il y avait un manque d’accompagnement terrible… Et puis, la maladie fait parfois tache d’huile dans une famille. Il y a des personnes qui s’éloignent. Comment s’en sortir, surtout quand on doit s’occuper du reste de la fratrie ? C’est toute la cellule familiale qui est impactée. »
Pour ce papa, la souffrance réside dans la solitude. « J’étais seul. J’avais envie de parler, d’échanger, de rencontrer… » Cette solitude touche également les patients qui se retrouvent livrés à eux-mêmes. « Beaucoup ne sont pas entourés par leur famille », souligne-t-il. D’autant plus qu’à l’époque, il existe très peu de structures en complémentarité du soin. Aujourd’hui, malgré des avancés dans les mentalités, le tabou autour de la dépression et des maladies mentales persiste, empêchant encore nombre de familles de recevoir le soutien dont elles ont besoin.
« Petit à petit, j’ai senti venir la dépression »
Enfermée dans sa chambre, sa fille Jeanne* ne sort plus. Ou seulement la nuit, pour manger. « Elle a commencé à faire des crises de boulimie », confie Marc. « Je l’encourageais le matin pour se lever, s’habiller, se préparer. Je l’accompagnais devant le lycée, pour lui éviter de prendre le bus et d’être en retard. » Mais Jeanne ne peut pas sortir de la voiture, quelque chose l’en empêche, c’est plus fort qu’elle. Marc s’interroge, que faut-il faire ? À quelle porte frapper pour que sa fille aille mieux ? Pour comprendre ce qu’elle traverse.
« Petit à petit, j’ai senti venir la dépression », raconte-t-il. Le père de Jeanne se remémore ce voyage scolaire organisé par l’école. La joie sur le visage des adolescents qui montent dans le car bagages en main. Jeanne, elle, semble triste et en retrait. Peu à peu, elle s’enferme dans un mutisme. « Heureusement, elle a accepté de voir un médecin », souligne Marc.
« Au bout de quelques semaines, il m’a dit qu’il ne pouvait pas aller plus loin et qu’il fallait que Jeanne soit hospitalisée. C’est une des rares informations que j’ai eues. Il y a 25 ans, les psychiatres étaient muets comme des carpes ! Ils ne communiquaient pas du tout », déplore-t-il. Le psychiatre propose un séjour en clinique à l’adolescente, qui est admise à la clinique de Théza pour trois semaines.
Favoriser les échanges autour des troubles psychiques
Marc continue de s’investir à l’Unafam, malgré ses journées de travail bien remplies. À tel point qu’on lui propose un poste de trésorier. « Je n’avais aucune expérience et j’avais horreur des chiffres », raconte le père de famille. Il finit néanmoins par accepter le poste, sans savoir qu’un jour il sera à la tête de l’association. En effet, l’état de santé de la présidente s’aggrave. Si Marc ne reprend pas les rênes, l’Unafam cessera d’exister.
Tout juste nommé président, il découvre un projet porté par un collectif d’usagers de la psychiatrie. L’association La Maison Bleue, anciennement « Destination avenir », fonctionne comme un lieu ressource pour les personnes bipolaires, schizophrènes ou atteintes de dépression sévère, permettant une réhabilitation sociale par le biais d’ateliers artistiques, sportifs et de moments conviviaux. « C’était la première association de ce type dans les Pyrénées-Orientales », affirme Marc. « Avant les années 2000, il n’y avait rien du tout à l’initiative des personnes malades. »
À l’époque, l’association organise une fois par mois un repas au restaurant. Marc a l’idée de proposer aux familles de l’Unafam une rencontre avec les membres de « Destination Avenir ». Une soirée devenue un rituel, permettant de favoriser les échanges autour des troubles psychiques. Aujourd’hui, alors que les difficultés perdurent autour de la prévention et du parcours de soins, l’Unafam propose une écoute et un soutien aux familles.
*prénom d’emprunt
Made In Perpignan est un média local, sans publicité, appartenant à ses journalistes. Chaque jour, nous enquêtons, vérifions et racontons les réalités sociales, économiques et environnementales des Pyrénées-Orientales.
Cette information locale a un coût. Et pour qu’elle reste accessible à toutes et tous, sans barrière ni influence, nous avons besoin de votre soutien. Faire un don, c’est permettre à une presse libre de continuer à exister, ici, sur notre territoire.
- Santé mentale chez les jeunes : À Perpignan, Marc raconte la dépression de sa fille - 4 juillet 2025
- La Cour des comptes rend son verdict sur la gestion du Département des Pyrénées-Orientales - 2 juillet 2025
- Urgences saturées : Le dispositif « Hôpital en tension » déclenché à Perpignan - 1 juillet 2025