Article mis à jour le 16 avril 2024 à 08:24
Sur les présentoirs des pharmacies, à la caisse des supermarchés et sur Internet, les gummies abondent. Si l’on prête de nombreuses vertus à ces compléments alimentaires à la forme et au goût des bonbons acidulés, leurs effets sont loin d’être démontrés. Focus sur l’usage de ce « produit miracle » dans les Pyrénées-Orientales.
Tout droit venues des États-Unis, ces petites boules de gomme auraient bien des pouvoirs. Les compléments alimentaires se démocratisent sous toutes les formes : gélules, solution buvable, gummies… Ces dernières sont désormais produites par la majorité des laboratoires pharmaceutiques. « Renforcer vos défenses immunitaires », « stimuler votre métabolisme » ou encore « améliorer la qualité de votre sommeil », les slogans marketing à l’effigie des gummies ne manquent pas. Très tendance ces dernières années, elles sont commercialisées presque partout.
« Certains patients confondent le bonbon et le médicament »
Mais que sait-on vraiment de leur efficacité ? Nadège est l’une des préparatrices de la pharmacie La Fauceille à Perpignan. « Je pense que certains de nos patients confondent le bonbon et le médicament », alerte la professionnelle, qui semble sceptique. Malgré tout, en officine, les patients reviennent régulièrement renflouer leurs stocks de compléments alimentaires. « Personnellement, je trouve que ce n’est pas une formule très efficace ! Les gummies contiennent beaucoup de sucre et de colorant.«
Si certains les cumulent tantôt pour favoriser leur sommeil, stimuler la croissance de leurs cheveux ou brûler les graisses, ce n’est pas sans danger. « Ils peuvent interagir entre eux. Si vous prenez une gummies qui contient plusieurs vitamines et qu’à côté vous prenez aussi des gélules où on retrouve les mêmes vitamines, il y a un risque de dépasser les doses recommandées », prévient Nadège. Dans sa pharmacie, la jeune femme est souvent sollicitée par la patientèle : « Je recommande les compléments alimentaires, mais pas les gummies. »
La pilule magique pour perdre du poids n’existe toujours pas
Sur les réseaux sociaux, on entend beaucoup parler du Morosil, un complément alimentaire à base de plantes, qui se présente souvent sous forme de gummies.
« Beaucoup d’influenceurs en vantent les mérites, prétendant qu’on peut mincir, sans faire de sport et sans changer son alimentation. C’est complètement faux », avertit une autre pharmacienne à Saleilles. « Nous n’avons pas assez de recul sur les effets de ce produit. On ne le propose pas dans notre pharmacie », conclut-elle.
« S’il y avait une pilule magique pour perdre du poids, ça se saurait ! Je n’y crois pas du tout », sourit Nadège. « Il peut y avoir une aide au niveau de la thermogenèse, on brûle un peu plus de graisse. Certaines plantes ont ce rôle, mais il y a quand même des règles hygièno-diététique à suivre. » Du côté de la pharmacie du centre commercial Aushopping à Perpignan, « on réfléchit » à proposer ce produit à la vente. Produit marketing ou produit miracle, au sein de la profession, les avis divergent.
Les compléments alimentaires peuvent interagir avec un traitement médical
Anaïs est coach en nutrition et intervient à l’association Abas, auprès des jeunes filles souffrant de troubles alimentaires. « Les adolescentes que je reçois en consultation en consomment beaucoup pour le sommeil, sans avis médical la plupart de temps. » Ces gummies contiennent de la mélatonine. « Certaines de mes patientes prennent à côté des antidépresseurs et des anxiolytiques, il faut vraiment faire attention car la mélatonine peut interagir avec de nombreux médicaments. » Sur Internet, les compléments alimentaires à visée amincissante foisonnent. Si leur composition reste obscure, ils pourraient contenir des substances interdites sur le marché en France.
« Sur Amazon on retrouve tout ce qui a été refusé par le médical », explique Anaïs. « Du côté des réseaux sociaux, on entend de tout. On fait la promotion d’un complément alimentaire comme si on vendait une banane. Cela devient hallucinant », s’exaspère la coach en nutrition.
Les influenceurs s’adressent aussi indirectement à des personnes souffrant de TCA, « ils peuvent mettre leur vie en danger », avertit Anaïs. De son côté, en consultation, Anaïs sensibilise les jeunes filles à ces risques. « L’impression de manger plus qu’une autre personne, de ne pas faire les mêmes repas, de ne pas avoir un appétit identique selon les journées… C’est une source d’inquiétude pour beaucoup de mes patientes. Alors que d’un individu à l’autre, les besoins énergétiques sont totalement différents. » Si la coach nutrition recommande aux adolescentes de bloquer ce genre de vidéos, « certaines me disent que c’est un peu comme une drogue et qu’elles finissent par débloquer les storys quelques semaines plus tard. »
« Un aliment super-transformé »
Mais que se cache-t-il vraiment derrière ce packaging étudié des gummies ? Sur la composition inscrite au dos de la boîte, on retrouve : sirop de tapioca, sucre de canne, émulsifiant, aspartame, vitamines… « Ce sont des aliments super-transformés. Il y a des nutriments, mais vraiment en très petite quantité. Les nutriments les plus assimilables par le corps proviennent de la nourriture. Le reste, ce n’est que de la synthèse… », assure Anaïs. Finalement, les gummies ne seraient-ils qu’une sucrerie vendue au prix d’un produit miracle ?
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