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Il faut sauver les cerisiers de Céret : un lâcher expérimental de guêpes tueuses de larves

Cerisiers

Le 26 août prochain aura lieu un lâcher animal encore jamais vu dans les Pyrénées-Orientales, sur une parcelle de cerisiers en bordure du Tech. La chambre d’Agriculture, l’INRAE* de Sophia Antipolis et la Sica Centrex, centre expérimental de Torreilles, vont introduire des « ganaspis brasiliensis », des toutes petites guêpes venues du Japon. Leur mission, si elles l’acceptent, venir à bout de la drosophila suzukii, cette mouche qui ravage les vergers catalans. Photo de Une © Gala Iv – Unsplash

La cerise est déjà une production fragile, surtout concentrée autour de Céret. « C’est plutôt en perte de vitesse en termes de nouvelles plantations, » explique Eric Hostalnou, technicien de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. « La cerise est une espèce assez fragile en termes d’aléas climatiques. Une pluie à l’approche de la récolte peut faire éclater les fruits. »

Le problème de la mouche de la cerise, qui attaquait surtout les fruits un peu abîmés, était déjà connu. « On s’en plaignait avant, mais finalement, maintenant, il y a un ravageur d’une autre catégorie. » En effet, il y a une dizaine d’années, un moucheron asiatique débarque en France, appelé drosophila suzukii. Il vient pondre ses œufs dans les fruits sains, qui se gorgent alors de larves. Autant dire qu’ils deviennent invendables. Ce sont surtout les fruits rouges qui sont attaqués, avec mûres, fraises, framboises et bien sûr cerises. Mais quelques dégâts ont aussi été constatés sur les pêches et les abricots.

Les larves naissent quand la cerise est déjà à la vente

Pour bien ajouter au fléau, les asticots ne sortent que plusieurs jours après la récolte, quand les cerises sont déjà en commercialisation. « Cela génère des retours des clients. C’est un problème qu’il faut absolument éradiquer. Même si vous avez 10 ou 15 % de fruits attaqués, cela pénalise toute la palette. »

Selon Eric Hostalnou, non seulement les productions bio peinent à s’en sortir, mais même le conventionnel est dans le marasme. « Des produits qui étaient autorisés il y a dix ou quinze ans, et qui avaient une efficacité, ont été interdits. Dans une situation de forte pression, ce qui reste n’est pas suffisant. »

Au point que le renouvellement des générations ne se fait plus et des exploitations ne trouvent pas repreneur. La production locale de la cerise, qui était déjà en baisse depuis les années 1990 est passée de 990 tonnes en 2010 à 700 tonnes en 2020 puis 640 tonnes en 2023. Avec des années intermédiaires terribles comme 84 tonnes à peine en 2022.

Une guêpe qui pond dans les asticots

Dernier espoir peut-être, ces études menées par l’INRAE à l’institut Agrobiotech. Les chercheurs ont obtenu en 2022 une autorisation exceptionnelle pour introduire un insecte japonais, la guêpe miniature « ganaspis brasiliensis ».

Cet animal parasitoïde va pondre ses œufs dans les larves de la drosophila suzukii. En clair, elle ne va pas tuer la mouche avant les dégâts sur la cerise, mais elle limitera sa population en empêchant les naissances. « Ce n’est pas un effet radical, c’est essayer de trouver un équilibre. »

Expérimentations précédentes en Gironde et dans le Vaucluse © M. Viciriuc – INRAE

La guêpe ne s’attaquerait qu’à la drosophila, ce qui a conduit à l’autorisation de l’introduire sans crainte pour le reste de l’écosystème. Mais encore faut-il que la guêpe se plaise en pays catalan. En effet, les introductions d’insectes auxiliaires se font en général sous serre et par vagues ponctuelles. En plein air et pour une installation pérenne, c’est plus aléatoire. Des premiers lâchers hors région ont été tentés, avec encore peu de retours.

Un pari pour une implantation définitive

Du côté de Céret, c’est sur la zone Oulrich que quelque 200 ganaspis seront disséminées. Les spécialistes comptent sur la présence d’autres fruits, comme les arbouses ou les mûres, pour un maintien de l’animal à l’année.

Des prélèvements réguliers seront envoyés au laboratoire de l’INRAE pour savoir à quel insecte appartiennent les larves… « Si dans neuf mois ou un an, on retrouve des ganaspis, c’est gagné. »

Qui du moucheron ou de la guêpe remportera la lutte ? Il faudra suivre l’expérimentation pour le déterminer…

*INRAE : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

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Philippe Becker