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La séparation des Eglises et de l’Etat dans l’œil de la LDH : 120 ans après, que devient la laïcité ?

Article mis à jour le 1 décembre 2025 à 10:33

Le mot laïcité a été presque vidé de son sens tant il a été interprété, récupéré, ou simplement ignoré. Alors que nous allons fêter les 120 ans de la loi de 1905 ce 9 décembre, la Ligue des Droits de l’Homme des Pyrénées-Orientales se penche sur l’évolution de cette valeur républicaine.

Née des suites de l’affaire Dreyfus en 1898, la Ligue des Droits de l’Homme a vite essaimé partout en France, dont les Pyrénées-Orientales. En 1939, elle est montée à 400 000 adhérents. Aujourd’hui, avec seulement 10 000 membres, la LDH s’efforce de poursuivre ses combats. La laïcité est au cœur de ses préoccupations.

« Le combat pour la laïcité fait partie des combats à mener dans ce contexte de changement des idées et de droitisation des esprits » commente le président de la LDH 66, Henri Saurine.

Pour les représentants de la LDH, la laïcité doit demeurer sur l’idée originale très pragmatique de la neutralité de l’État vis-à-vis des cultes et de la liberté de croire et de pratiquer ou non. « Des lois et discours successifs ont amené à modifier cette vision initiale, qui a été instrumentalisée. » Henri Saurine évoque la volonté de l’État de maîtriser ou se servir des cultes, polarisant la société.

La laïcité, prétexte pour cibler une communauté ?

« Le souci des lois qui sont prises, c’est qu’on a le sentiment qu’elles sont prises à sens unique, par rapport à l’islam. » Ce sont aussi des attitudes d’élus qui semblent bousculer les principes de neutralité de 1905, comme l’allumage des bougies de Hanouka par des représentants de l’État ou de collectivités. Sans oublier cette frontière floue entre les cérémonies où l’on participe en tant qu’élu et celles où l’on agit de manière personnelle.

Henri Saurine et Dominique Noguères LDH 66
Henri Saurine et Dominique Noguères, président et vice-présidente de la LDH 66

Pour la LDH, des points de bascule se sont enchaînés suite aux attentats terroristes de 2015 et suite à la loi sur le séparatisme de 2021.

« On a vu apparaître une modification de l’utilisation de la laïcité comme réponse à la radicalisation et aux attentats islamistes. On a agi sur des symptômes au lieu de jouer sur la cause. La loi sur le séparatisme autorise l’État à mettre son nez dans le fonctionnement des associations. »

Pour la LDH, le contrôle des associations est important mais devrait être judiciaire et non soumis à un arbitraire administratif où l’État peut dissoudre ce qui lui déplaît sans passer par un juge et un tribunal.

L’injonction de l’avis tranché

La question du voile revient régulièrement dans les propos traitant de la laïcité, et l’interdiction du port de signes religieux en fonction du lieu et du contexte appelle de plus à plus à choisir un camp sans permettre la nuance. « On est dans une société binaire où il faut être soit d’un côté soit de l’autre. » Le format réseau social n’est pas étranger à cette polarisation. Pour Dominique Noguères, vice-présidente de la LDH 66, il y a « un rabibochage de l’extrême droite avec les Juifs, contre les Musulmans. » Elle dénonce une laïcité à deux vitesses, à Perpignan notamment, avec une complaisance et un appel à la tradition s’agissant du christianisme, comme on a pu le constater avec les processions ou l’affaire de la crèche installée illégalement dans le hall de la mairie.

« Nous ne sommes pas contre la crèche, c’est seulement le lieu où elle est posée, un lieu public qui peut accueillir des gens de toutes confessions, qui pose problème. La crèche serait très bien à la cathédrale. Tous les ans, on a des recours administratifs sur la mise en place de la crèche, ça n’empêche pas de recommencer. »

Pour Henri Saurine, cet appel à la tradition ancestrale est fantasmé. « La France judéo-chrétienne n’existe pas et n’a jamais existé. Il faut revenir aux guerres de religion où les Juifs étaient persécutés. D’où l’intérêt de faire appel à l’Histoire et de ne pas oublier ce qui s’est passé. » Pour Dominique Noguères et Henri Saurine, il existe une utilisation de la laïcité comme prétexte à un racisme. « Ce n’est plus contre les Juifs, mais contre les Musulmans. Il y a clairement une communauté qui est visée à Perpignan. Le débat est aussi pollué par la situation politique, la position vis-à-vis d’Israël. « 

À travers conférences et commissions, la LDH continue de sensibiliser et de rappeler la vision de 1905, constitutionnalisée en 1946 et consolidée en 1958. La question de la laïcité pèse toujours davantage sur l’actualité.

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