Article mis à jour le 8 avril 2024 à 14:55
Mercredi 27 mars 2024, le cinéma Le Castillet projetait le film « Quatre parcours de l’Ukraine à Perpignan ». L’occasion, deux ans plus tard, de faire le point sur l’accueil de ces familles contraintes de fuir la guerre depuis 2022.
Il y a deux ans, la Russie débutait son « opération spéciale » en attaquant l’Ukraine. Comme conséquence inévitable, un exode considérable de la population ukrainienne. Selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, fin 2023, près de 6,4 millions d’Ukrainiens sont recensés en Europe. Un peuple contraint à la mobilité, avec des familles qui se retrouvent au fil des mois.
En France, le ministère de l’Intérieur annonçait début 2023, 146 117 autorisations provisoires de séjour (APS) délivrées par les préfectures au titre de la protection temporaire. Néanmoins, ces chiffres ne correspondent pas au total d’Ukrainiens déplacés présents en France. En effet, seules les personnes majeures se voient délivrer une APS.
Que s’est-il passé depuis mars 2022 dans les Pyrénées-Orientales ?
Dès le 2 mars 2022, les familles en exil sont arrivées à Perpignan. De Paris à Bruxelles, on s’organise. Le 5 mars 2022, les 27 membres de l’Union européenne signent une convention accordant aux Ukrainiens le statut de « déplacés ». Accompagnée d’une protection temporaire, cette convention leur permet un droit de séjour à durée indéterminée, des aides sociales, financières et un accompagnement en termes de logement, de formation et de travail.
En mai 2022, l’Association Catalane d’Actions et de Liaisons (ACAL) répond à la demande de l’État pour sortir de l’hébergement d’urgence les familles arrivées dans les Pyrénées-Orientales. Avec les associations Solidarité Pyrénées, la Croix-Rouge française et Habiter en terre catalane, des solutions sont trouvées. Accompagnement social et logements en sous-location sont proposés. Une coopération associative rare mais précieuse, dans un contexte d’urgence et de guerre.
À la recherche de propriétaires catalans
Le 27 mars, au cinéma Le Castillet de Perpignan, les quatre associations étaient réunies pour voir, sur grand écran, le fruit de leur travail. À l’initiative du réalisateur Florian Tomasini, quatre familles ukrainiennes ont accueilli des caméras dans leur quotidien. Toutes ont pu bénéficier d’un logement autonome grâce aux collectifs catalans.
Mais les logements se font de plus en plus rares, tout comme les aides apportées par l’État. L’Acal, s’occupant de la coordination entre les quatre associations d’aides au logement, peine à trouver des bailleurs prêts à proposer leurs biens immobiliers. Pourtant, Nathalie Grandillon, propriétaire d’un immeuble à Perpignan, a répondu à l’appel de l’association Habiter en Terre Catalane. « Je ne pouvais pas rester insensible à ce problème. Demain ça peut être nous. On a tous été d’accord dans la famille pour agir à notre petit niveau. Cela ne nous coûte rien et c’est que du positif », nous confie la propriétaire.
Selon les bénévoles, la volonté de s’intégrer est forte et aucun loyer impayé n’est à déplorer. Pour Ihor et Lyza, un couple d’architectes, venus trouver refuge en France avec leurs deux enfants, l’intégration passe par le travail. Ihor a pu retrouver son ancien travail d’architecte tandis que Lyza perfectionne son français. Un apprentissage de la langue plus aisé pour leurs jeunes enfants. « C’est moi qui me fais reprendre à la maison sur mon accent », nous confie, amusée, la maman.
Si certains réfugiés ont eu la chance de se retrouver en logement autonome, d’autres sont contraints d’habiter dans des chambres d’hôtel aux pièces exiguës et regroupant souvent trois générations.
La problématique de l’hébergement dans les Pyrénées-Orientales
Si la convention de 2022 prévoyait un aménagement de 30 familles ukrainiennes dans les Pyrénées-Orientales, le quota a été largement dépassé. « Aujourd’hui on aimerait bien faire plus », nous confie Lilou Khlopkova, chargée de mission Ukraine au sein de l’association Habiter en terre catalane. « J’ai commencé au mois de mai 2022, à partir du moment où l’État nous a confié la mission d’intermédiation locative donc de prendre en charge les familles dans les logements. » Juriste de formation, Lilou propose son aide pour la gestion locative, la traduction de documents administratifs, ou encore lorsqu’il s’agit d’expliquer le système d’aide français.
Au début de la guerre, un élan de solidarité s’est fait ressentir, mais maintenant que l’invasion russe ne fait plus la Une de tous les journaux, cette cohésion s’essouffle. En septembre dernier, l’Acal est contrainte de fermer l’accueil pour les nouveaux arrivants ukrainiens, en raison d’un manque de moyens financiers et fonciers. Jusqu’ici, ce sont 131 familles, soit 282 personnes logées, qui ont été placées dans un logement autonome.
Quel avenir pour ces réfugiés ukrainiens ?
Plus la guerre dure, plus les familles ont tendance à se projeter en France. « Au départ, 80% des familles avec lesquelles je travaillais voulaient repartir en Ukraine. Aujourd’hui, 45% de ces mêmes familles souhaitent rester en France », nous explique Lilou. Cette volonté est en grande partie liée au degré d’intégration et aux perspectives d’avenir en France (maîtrise de l’anglais, carrière, âge).
Pour l’Acal, Solidarité Pyrénées, la Croix-Rouge française et Habiter en terre catalane, deux enjeux restent préoccupants. Sur le plan juridique, l’État n’a signé aucune nouvelle convention. Sur le volet financier, intégrer cette population a un coût. Malgré la bonne volonté et l’avance financière récoltée par ces collectifs, début janvier, la suite s’annonce compliquée sans moyen pour aider un peuple en souffrance.
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