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Théâtre de l’Archipel – Crime et Châtiment … chronique d’une pauvreté

Article mis à jour le 8 octobre 2018 à 16:03

Un crime, un châtiment, un « Colombo », une famille pauvre de Russie qui mise tout sur son aîné, une misère omniprésente, le tout dans une obscurité qui nous prend aux tripes. Récit d’un vendredi soir au Théâtre de l’Archipel (TDA). 3 représentations de la pièce adaptée du roman de Dostoïevski sont encore prévues à Perpignan, ces 9, 10 et 11 octobre. Une pièce universelle et intemporelle que l’on pourrait aisément transposer aux favelas de Rio ou aux ghettos Johannesbourg.

Une légère appréhension nous étreint à l’idée de ne pas pouvoir suivre l’exigence de cette pièce adaptée du roman par Nicolas Oton. La salle du Carré en « format » 300 places, la scène plongée dans le noir, nous laisse entrevoir une mise en scène minimaliste. Effectivement, quand les lumières des gradins s’estompent pour éclairer la scène, cette dernière est quasi vide. Seuls quelques points lumineux savamment positionnés ont vocation à planter le décor et les personnages.
Notamment Rodion Romanovitch Raskolnikov alias Rodia, le fils prodigue en qui reposent tous les espoirs de sa mère Poulkheria et sa soeur Dounia. Un étudiant pauvre et désoeuvré, vivant dans le mensonge, qui commettra l’irréparable. La descente aux enfers d’un personnage torturé par son double crime et rongé par les remords.

♦ Le texte théâtral et sa représentation au programme du bac de français

Une quinzaine d’élèves en classe de 1ère scientifique au lycée Arago étaient parmi le public. Leur enseignante de Français Mme Dupin nous confie : « Le lycée Arago, avec une participation symbolique de 7€, une pièce de théâtre par an aux lycéens. Nous avons choisi Crime et Châtiment ». Après la représentation, Elisa nous confie : « certes c’est un peu moins accessible que Molière, mais nous sommes rentrés facilement dans la pièce ». Parmi les élèves, certains expérimentaient pour la première fois le théâtre. Quelques-uns avouent « avoir décroché par moments », mais dans l’ensemble, ils se sont fait happer par les personnages, le jeu d’acteur, la mise en scène et le côté très réaliste. Ils ont également bien perçu l’omniprésence de la pauvreté, de la saleté et la violence de la vie décrite dans l’oeuvre originelle de Fédor Dostoïevski. Kewan s’est même senti « très mal à l’aise au début » à cause des hurlements poussés par Frédéric Borie qui interprète Rodia. Un personnage à la psychologie complexe et dont l’évolution a intéressé ce jeune public.

♦ « Ce qui me fascine c’est la façon dont Dostoïevski dépeint un certain pan de la société » dixit Nicolas Oton

Nicolas Oton est un artiste accompagné par L’Archipel, scène nationale de Perpignan, et le spectacle a été accueilli en résidence au Centre dramatique national de Montpellier.

La première idée de Dostoïevski en écrivant Crime et Châtiment était d’évoquer l’alcool, « l’ivrognerie » en lien avec son propre père alcoolique. La misère, la pauvreté, les bas-fonds où il ne reste plus pour l’humain d’autre choix que de descendre encore plus bas. Avec pour seul espoir peut-être d’être « pardonné » ou « jugé » par un dieu clément, et à la fois avec une conscience aigüe et désespérée de son propre abaissement, une lueur de lucidité sur sa propre condition. Mais aussi sur celle de l’humanité entière : ici pas de faux semblants, de ronds de jambe ou d’artifice. La chair crue du monde est livrée dans ses tourments et ses indignités. Pas « d’arrangement » possible, de concession ou de consensus dans le regard de Dostoïevski. Une peinture à la fois psychologique et sociologique. La « misère » n’est pas évoquée de manière globale ou surplombante. L’auteur comprend et décrit minutieusement la chute, la spirale vertigineuse dans laquelle l’homme s’avilit, et qui, par exemple, plonge un personnage comme Marmeladov dans l’extrême humiliation et le poussera à boire jusqu’au dernier rouble l’argent de sa femme, et de sa fille, prostituée.

Crédit photo :  © Marc Ginot

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