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Le tourisme à mi-saison dans les Pyrénées-Orientales : un laborieux mois de juillet

Avant même les habituelles statistiques estivales, le bilan à mi-parcours de la fréquentation touristique des Pyrénées-Orientales pointe de sérieuses difficultés. Pour le président de l’UMIH 66 Brice Sannac, après une belle dynamique en juin « tout s’est cassé la gueule » au mois de juillet. De son côté, Emmanuel Stern, responsable de la Villa Duflot à Perpignan, se veut plus mesuré.

« Nous étions plutôt contents fin juin » explique Brice Sannac, le président du syndicat de l’hôtellerie et de la restauration UMIH 66. Taux d’occupation corrects, restauration traditionnelle sur la même lancée, pour des résultats semblables aux meilleurs mois de juin. Mais tout aurait basculé ensuite…

« On avait de bons prévisionnels de réservation pour le mois de juillet et jusqu’au 12 juillet, on avait des espoirs. Et tout s’est cassé la gueule. La réservation de dernière minute n’est pas arrivée. »

Pour Brice Sannac, c’est avant tout un problème de pouvoir d’achat des Français, décorrelé des prix proposés. Pour les touristes préférant des destinations low cost, les tarifs pratiqués par les acteurs du locaux du tourisme seraient, aujourd’hui, difficilement acceptables, même si incompressibles selon Brice Sannac. « J’entends des voix qui disent que les restaurants sont trop chers. Je crois que ceux qui parlent n’ont jamais dû avoir une entreprise ! »

Difficile de baisser les prix quand on est encore dans la « dette Covid »

Malgré une stratégie de montée en gamme, les saisons de plus en plus courtes ne permettraient plus aux établissements de rentrer dans leurs frais ? « On n’est pas en Bretagne ou au Pays basque où il y a du monde toute l’année », précise Brice Sannac. Et c’est bien là un des enjeux pour les années à venir. Pas simple d’après le président du syndicat au regard du coût du travail, face à l’Espagne entre autres. Une autre inquiétude financière réside dans la « dette Covid ». Traduction, les fameux prêts garantis par l’Etat qui pèsent lourd dans les trésoreries, et qui représenteraient 25 % du chiffre d’affaires à rembourser sur 5 ans.

« Cela fait 5 % par an, et c’est justement la marge moyenne d’un restaurant. Cela signifie que pendant cinq ans les établissements remboursent l’équivalent de leur rentabilité. »

Chaque jour, d’après l’UMIH, 28 établissements du secteur mettent la clé sous la porte en France. « Dans le département, ça ne meurt pas en plein été, mais à la fin de la saison. »

« Avec « Pays catalan », vous envoyez les gens sur la Costa Brava »

Pour Brice Sannac, la communication autour du territoire est une question primordiale. Un secteur incapable de se positionner entre tourisme de masse et tourisme de luxe et où le tourisme vert n’apporte pas une rentabilité suffisante. Selon le président du syndicat. « Quand le bord de mer n’est pas plein, l’arrière-pays ne se remplit pas non plus. »

« On a longtemps dit que le tourisme n’était pas délocalisable. C’est vrai pour nos outils de production et nos employés. En revanche, les clients, eux, sont bien délocalisables ! »

Dans les Pyrénées-Orientales, les hôteliers et les restaurateurs manquent toujours de bras

Par ailleurs, pour Brice Sannac, l’offre touristique des Pyrénées-Orientales, contrairement à celle du Pays Basque ou de la Bretagne, subirait trop de bashing, sécheresse, chaleur…

Brice Sannac garde également une dent contre les affiches dans le métro parisien avec la mention « Pays catalan ». « Avec Pays catalan, vous envoyez les gens sur la Costa Brava. Il y a une marque qui a été décidée, qui s’appelle Pyrénées-Méditerranée. Il n’y a qu’un seul endroit dans le monde où les Pyrénées rencontrent la Méditerranée, c’est chez nous. »

Ainsi, en Pays catalan, les touristes ne sauraient pas distinguer la côte française ou l’espagnole ? À titre de comparaison, la dénomination Pays Basque, à cheval aussi entre la France et l’Espagne, fait consensus et ne semble guère perturber les touristes.

Des clients pas moins nombreux, mais plus volatiles

Emmanuel Stern, responsable de la Villa Duflot à Perpignan apporte une nuance à l’analyse de Brice Sannac. Il évoque lui aussi un très bon mois de juin, avec une hausse record de 7 % de la fréquentation. Il s’agit à la fois des séminaristes et de retraités venus, entre autres, du nord de l’Europe. « On a beaucoup de Hollandais, de Suisses, de Belges… » Emmanuel Stern détaille ensuite un mois de juillet qui démarre avec un peu de retard sur son établissement, mais reste néanmoins en progression de 6 % par rapport à l’an passé.

« On a décidé d’être raisonnables sur les prix depuis juillet 2024. J’ai l’impression que ça paye, nous avons choisi de ne pas augmenter nos tarifs. »

Le patron de la Villa Duflot rappelle l’effet d’aubaine post-Covid, avec des augmentations de tarifs injustifiables aujourd’hui. « La fête des prix est finie. » À la place, Emmanuel Stern imagine un système de pourboire à l’américaine, fiscalement intéressant, qui viendrait atténuer les problèmes de personnel et de marges.

Un phénomène qui s’accélère : l’annulation gratuite de dernière minute

Enfin le secteur vit cette nouvelle tendance qui explose avec les plateformes de type Booking : la fameuse annulation gratuite.

« On a 50 à 80 % d’annulations sur les séjours Booking qui sont pris à plus de quatre mois à l’avance. Par contre pas d’annulation quand c’est pris dans les deux mois. » En clair les gens se permettent de réserver et de changer d’avis pour une autre destination à la dernière minute. « Les clients sont de plus en plus mobiles. »

Pour Emmanuel Stern, la fréquentation n’a pas nécessairement diminué en volume, elle est juste devenue volatile et imprévisible. « Je ne vois pas de décrochage économique dans notre pays, » rassure-t-il.

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Philippe Becker