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Gaël Turine à Perpignan : Les États-Unis rongés par la drogue du zombie

Interview de Gaël Turine

Dans le cadre du festival Visa pour l’Image Perpignan, le photojournaliste Gaël Turine présente « Les ravages de la tranq ». Focus sur la crise des opioïdes aux États-Unis. Une exposition visible jusqu’au 15 septembre 2024, dans la chapelle du Tiers-Ordre.

La tranq, aussi surnommée drogue du zombie ou xylazine, est consommée avec d’autres opioïdes comme le fentanyl. 50 fois plus puissante que l’héroïne et 100 fois plus que la morphine, cette drogue de synthèse a déjà tué 650 000 personnes depuis 1996. Un piège mortel et addictif qui s’est refermé sur la ville de Philadelphie, inondant les rues du quartier de Kensington tel un raz-de-marée.

« On ne sait jamais ce qui se cache dans une drogue de synthèse »

Pour les trafiquants, plus besoin de cultiver du pavot ou des feuilles de coca comme pour l’opium ou la cocaïne. Aujourd’hui, le fentanyl est directement fabriqué dans des laboratoires clandestins, grâce à des produits chimiques relativement faciles à obtenir. 

Gaël Turine est photojournaliste depuis une trentaine d’années. Muni de son appareil photo, il a arpenté Kensington, ce quartier considéré comme l’un des plus dangereux des États-Unis. Là-bas, règne un degré de violence physique et psychique difficilement égalable. « Les journalistes ne sont pas les bienvenus », affirme-t-il. « Mais chaque sujet impose au photographe de s’adapter. Ma stratégie a été de me mettre en one-to-one avec chacune des personnes que j’ai photographiées. » Le temps d’un cliché, Gaël Turine parvient à créer une bulle préservée du chaos.

Le photojournaliste a su instaurer un lien de confiance avec les toxicomanes de Kensington engagés dans un processus de témoignage. « La plupart des personnes que j’ai rencontrées sont tombées accros à la tranq sans savoir qu’elles touchaient à ça », révèle-t-il. « Ce sont des consommateurs floués et conscients de leur addiction, souffrant d’un sentiment d’injustice.« 

En effet, la première prise s’effectue souvent à l’insu du consommateur dans un mélange à la formulation opaque. « On ne sait jamais ce qui se cache dans une drogue de synthèse, la tranq peut par exemple se glisser dans l’ecstasy, consommée dans toutes les boîtes de France. » 

Un taux d’overdose sans précédent

Sur les clichés, la misère humaine transparaît. Cette drogue provoque des plaies putrides jamais vues jusqu’ici, avec un taux d’overdose absolument phénoménal. « Je reste persuadé qu’il est nécessaire de documenter des situations comme celles-ci, d’autant plus lorsque c’est destiné à un public européen. À l’époque, il n’y avait pas encore la moindre trace de tranq sur le continent, d’où l’importance de prévenir et d’informer. »  

Un marché juteux

« Les dealers cherchent à produire toujours moins cher pour s’assurer d’une consommation de masse », révèle Gaël Turine. La xylazine est un sédatif pour animaux. Mélangé au fentanyl, cet anesthésiant permet de décupler et prolonger l’effet des opioïdes. Avec cinq dollars en poche, il est possible de se procurer une dose. « Un consommateur a un taux d’injection qui varie entre cinq et sept doses par jour. Sachant qu’en plus, il y a des stratégies de fidélisation avec des doses gratuites. C’est pour dire à quel point le marché est juteux. »

La police, elle, semble complètement dépassée face à des cartels aux moyens bien supérieurs. « Si un laboratoire est démantelé, il y en a trois autres qui s’ouvrent. Pour un dealer arrêté, il y en a 10 nouveaux qui débarquent. Les forces de l’ordre ont le sentiment de se battre contre le vent. » En attendant, dans les rues de Kensington jonchées de déchets, les toxicomanes continuent d’errer comme des fantômes.

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Valentin Arnal