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Visa pour l’Image Perpignan, la prise de pouvoir des écrans menace les enfants

À Perpignan, la prise de pouvoir du numérique et des écrans exposée à Visa

Article mis à jour le 5 septembre 2024 à 09:00

Du 31 août au 15 septembre 2024, le photoreportage de Jérôme Gence « Grandir dans la cour des écrans » est exposé à l’église des Dominicains, à Perpignan. Présentée lors du Festival Visa pour l’Image, l’exposition illustre les effets dévastateurs que peuvent avoir les écrans sur les enfants.

Il y a quatre ans, Jérôme Gence se lance dans la photographie, « avant de réaliser ce rêve d’enfant, j’étais data analyst », entame-t-il devant la petite assemblée qui l’écoute religieusement. Ce mardi 3 septembre, le photojournaliste rencontre le public venu découvrir son exposition, qui réunit toutes les générations. Derrière l’objectif, Jérôme Gence immortalise la prise de pouvoir des smartphones et du numérique sur notre société.  

Un adulte consulte son smartphone toutes les six minutes en moyenne

S’il a pris l’habitude de photographier le monde virtuel, après l’explosion du télétravail, Jérôme Gence a choisi de mettre l’accent sur l’impact du numérique sur les enfants et adolescents français. Une tâche ardue pour le photographe qui a dû mettre en confiance les parents : « Vous allez venir chez nous faire des photos de nos enfants ? Mais on ne sait même pas où cela va être publié… », lui a-t-on répété. Ces mêmes parents qui postent les photos de leurs enfants sur leurs réseaux sociaux, potentiellement vues par des milliards de personnes. Selon Jérôme Gence, aujourd’hui, on se méfie davantage de l’appareil photo que du smartphone.

Le photoreporter Jérôme Gence expose son travail à Visa pour l’Image.

Sous les voûtes de l’église des Dominicains, les clichés suspendus dévoilent le quotidien de certains enfants confinés à la maison derrière leurs écrans. Pour beaucoup, on y voit une perte de l’innocence et un appauvrissement de la créativité que Jérôme Gence qualifie « d’industrie de la solitude ». « Dans un monde où nous avons énormément de moyens de communication, les parents sont complètement désarmés. Et paradoxalement, ils n’ont personne à qui parler de leurs problèmes », explique le photojournaliste qui partout constate les mêmes maux.

« J‘aimerais bien éviter de donner un écran à mes enfants, mais le problème, c‘est que les discours sont contradictoires ! Tous leurs copains ont des téléphones, si on interdit l’usage du smartphone, on risque d’exclure notre enfant de son groupe d’amis… », entend parfois le photographe. Selon la psychologue et clinicienne, Sabine Duflo, la question se loge aussi dans l’addiction des adultes, qui consulteraient leur smartphone toutes les six minutes en moyenne. 

« Ils n’ont que la voix pour aider des enfants au bord du suicide »

« Il y a une photo qui m’interpelle, c’est le jeune dans le salon de ses parents, là-bas derrière ! », lance un homme qui s’attarde devant le cliché. Derrière Martin, 13 ans, téléphone en main, on observe une œuvre d’art où posent des femmes dénudées. « Est-ce que vous avez voulu mettre en exergue la vision que certains enfants ont des femmes ? », demande-t-il au photographe. « J’ai souvent entendu : ‘mon gamin est accro à PH’ (Pornhub, ndlr) », confie le photographe. Ce sont des photos difficilement réalisables. Cette photo, c’est aussi un moyen de parler de l’hyper-sexualisation apportée par les écrans », explique Jérôme Gence.

Lors de son reportage, il a eu l’opportunité de se rendre au 3018, le numéro national aidant les enfants victimes de cyberharcèlement. « C‘est la première fois que j’entendais la voix des enfants derrière le combiné », raconte le photographe. « Vous avez des jeunes filles âgées de 11 ans, qui ont été victimes de chantage à la webcam. »

Dans le petit open space, une poignée d’écoutants gèrent pêle-mêle les tentatives de suicide, le cyberharcèlement, le revenge porn et les arnaques dont beaucoup d’adolescents sont victimes. Ce travail de l’ombre est souvent exercé par de jeunes juristes ou des psychologues payés au SMIC. « Ils n’ont que la voix pour aider des enfants au bord du suicide », alerte Jérôme Gence. « Quand le cyberharcèlement est devenu à la mode, tous les médias sont venus dans ce petit open space », explique le photographe qui a cherché à se démarquer en allant à la rencontre des écoutants de nuit, en plein hiver. Sur les clichés, un élan d’humanité transparaît.

« Que pensez-vous de l’expérimentation visant à interdire les téléphones dans les établissements scolaires ? » Le photographe semble sceptique : « C’est comme lorsqu’on vous interdit de fumer dans l’avion. À la sortie, vous fumez trois cigarettes. Je pense que le succès de ces mondes virtuels réside dans ce qu’ils reflètent : les maux du monde réel. »

Les écrans pour rompre avec l’isolement ?

Paradoxalement, le numérique peut aussi devenir une aide dans le cadre de l’apprentissage, ou un soutien dans les hôpitaux. Elijah est atteint d’un cancer et a dû passer plusieurs semaines en chambre stérile. Pour pallier l’isolement, le petit garçon a pu utiliser un robot de téléprésence « Buddy », de l’association Manon Hope. Depuis sa tablette, Elijah pilote à distance le robot installé dans sa maison. Ce dernier se déplace selon les envies du garçonnet et lui permet d’entendre et de voir ce qu’il se passe dans son foyer. Et même d’interagir avec ses proches.

L’exposition se conclut par une ouverture sur le monde. Installée près de la cheminée aux côtés de sa grand-mère, Mando est en train de passer un appel visio à sa mère. « Je suis allé dans ce village reculé dans le Khumbu, au pied de l’Everest. La maman est partie travailler en France en tant que nanny. Depuis 7 ans, elle ne voit sa fille qu’à travers un écran », explique Jérôme Gence. « Un soir, Mando m’a confié que sa maman était un smartphone. » Un peu comme si cette mère éloignée n’avait plus aucune réalité physique. L’image virtuelle avait remplacé la réalité.

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Célia Lespinasse