Article mis à jour le 4 septembre 2022 à 14:29
Le festival international de photojournaliste de Perpignan a choisi d’exposer une rétrospective sur l’Ukraine signée Sergei Supinsky. Une exposition pour mieux comprendre cette jeune nation ; de sa naissance jusqu’à la guerre lancée par la Russie le 24 février dernier.
« Le 24 février dernier a changé ma vie, la vie de mon pays et je pense celle du monde entier. Depuis le début de cette guerre, je crois que les images le plus importantes sont celles prises à Boutcha, quand on a enlevé les corps des civils tués par les Russes. Ces photos ont été diffusées durant une session des Nations Unies sur un écran immense. C’est pourquoi, je pense que ce sont les images les plus importantes que j’ai prises de toute ma vie ».
« Le pays, qui parle et prie en ukrainien, russe, hongrois ou tatar, regarde tour à tour vers Moscou, Bruxelles et vers lui-même »
Sergei Supinsky est photographe pour l’AFP depuis 20 ans ; il a débuté la photographie à 35 ans dans les années 90. Karim Talbi, rédacteur en chef Europe pour l’AFP décrit le travail de Sergei Supinsky. « Ses clichés de Kiev ou Odessa ont la couleur grise de ces années de liberté mais aussi de privations, entre enfants des rues, statues déboulonnées et abandonnées, premières bagarres à la Rada, l’Assemblée ukrainienne, où la loi s’écrit parfois à coups de poing mais aussi de billets ».
L’Ukraine, la naissance d’une nation
*Les années 2000 sont marquées par la contestation politique. L’Ukraine s’ukrainise, se décommunise. Elle fait l’apprentissage de l’indépendance, de son histoire, notamment la mémoire de la grande famine des années 1930, le « Holodomor » orchestré par Staline, ou de la « Shoah par balles », près d’un million et demi de Juifs ayant été assassinés entre 1941 et 1944. En 2004, le pays connaît un mouvement de contestation sans précédent sur fond de fraudes lors de la présidentielle. Le candidat favorable à Moscou, Viktor Ianoukovitch, est contesté dans la rue par les partisans du réformateur et pro-occidental Viktor Iouchtchenko, victime d’un mystérieux empoisonnement à la dioxine. Au terme d’un troisième tour dans les urnes, Viktor Iouchtchenko est finalement élu. Et il tourne l’Ukraine résolument vers l’ouest après des années où le pays a louvoyé entre Moscou et Bruxelles.
Les années qui suivent sont toutefois celles de la crise politique permanente sous l’œil d’un Kremlin qui œuvre en coulisse et pousse ses pions. Les élections et les fraudes se succèdent. Le 21 novembre 2013, Kiev suspend la signature d’un accord d’association avec l’UE au profit de la coopération avec Moscou. L’annonce jette dans la rue des centaines de milliers de manifestants qui occupent Maïdan, la place de l’Indépendance, pour réclamer le départ de Viktor Ianoukovitch, devenu président quelques années plus tôt. En janvier 2014, la police antiémeute charge violemment, causant les premiers morts et des centaines de blessés. La contestation s’étend en province. En février, des affrontements et des assauts des forces spéciales contre les protestataires du Maïdan font une centaine de morts à Kiev. Viktor Ianoukovitch dénonce une insurrection ; Moscou dénonce une « tentative de coup d’État » et accuse les Occidentaux.
Le 22 février 2012, le président ukrainien est destitué par le Parlement et s’enfuit en Russie. Dans la foulée, l’armée russe annexe la péninsule ukrainienne de Crimée et organise un référendum sur son rattachement à la Russie. (…)
Le 24 février 2022, la Russie déclare vouloir « denazifier » l’Ukraine et lance une offensive militaire
Dix ans plus tard, presque jour après l’annexion de la Crimée, la Russie lance une grande campagne militaire contre l’Ukraine. Dans la capitale ukrainienne, Sergei Supinsky est à pied d’œuvre pour montrer les premières destructions causées par les bombardements russes. Le lendemain, il est au nord et dans l’est de la ville où se déroule la bataille de Kiev. Ses photos témoignent des premiers soldats russes tués en tentant de prendre Kiev. Depuis, Sergei Supinsky n’a pas arrêté de photographier. Six mois et des milliers de morts plus tard, l’Ukraine est toujours le théâtre de la guerre lancée par la Russie.
*Texte qui accompagne l’exposition Visa pour l’Image.
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