Article mis à jour le 20 mai 2025 à 11:24
Du 23 mai au 31 juillet 2025, le centre international du photojournalisme de Perpignan accueille l’exposition « Vies en Transit : Citoyens de l’UE à travers l’Europe ». Dans le cadre du projet Freedom of movement at play, les universités de Murcia, en Espagne, de Naples, en Italie et de Perpignan ont rencontré une centaine de ressortissants européens.
Parmi eux, 30 hommes et femmes, venus des quatre coins de l’Europe, se sont installés dans les Pyrénées-Orientales. Jean-Luc Soret, directeur de l’association Visa pour l’Image, nous présente cette exposition inédite. À noter que les portraits ont été rédigés par les chercheurs de l’Université de Perpignan.
En 1995, la création de l’espace Schengen a permis à tous les ressortissants de l’Union Européenne de circuler librement dans les pays membres. « En se déplaçant sur le territoire européen et en s’installant dans un nouveau pays, ces personnes traversent des frontières territoriales, administratives, sociales, identitaires et langagières », affirme Jean-Luc Soret. Certains se définissent comme des étrangers, des expats, des voyageurs ou des migrants... Dans une série de portraits à la fois visuels et écrits, chacun évoque les raisons qui l’ont poussé à venir en France.
« Dès qu’on remarquait que j’avais l’accent, je me faisais charrier, j’étais pas pris au sérieux »
Avant d’être une exposition de photojournalisme, « Vies en Transit » est avant tout une recherche universitaire basée sur des entretiens vidéos. Dans les Pyrénées-Orientales et ses alentours, une trentaine de personnes ont livré leur parcours. « Les universitaires ont fait l’analyse de leur récit de migration pour mettre en lumière toute la diversité de leurs expériences », nous explique Jean-Luc Soret. Au cours de ces entretiens, Kim, Iulia ou Kalina évoquent leur attachement à la liberté de circulation, aux rencontres interculturelles, à la découverte d’autres modes de vie… Mais aussi les obstacles qu’ils ou elles ont rencontrés à leur arrivée.
Kim fait partie des personnalités qui ont été photographiées. « Dès qu’on remarquait que j’avais l’accent, je me faisais charrier, j’étais pas pris au sérieux », lance-t-il. Âgé de 31 ans, cet Anglais a grandi près de Hammersmith avant de s’installer en France avec sa famille. Ses parents avaient pour habitude de venir passer leurs vacances dans les Pyrénées-Orientales, ils ont fini par s’y installer définitivement en 1999, relate son portrait.
« Kim se heurte à l’apprentissage du français auquel il ne « comprenait absolument rien ». À l’école, il doit faire face à des moments de solitude et de difficulté liées à la barrière linguistique. Au fil des années, son français s’améliore et il apprend à masquer son accent pour mieux passer inaperçu. »
Des parcours de vies atypiques dans les Pyrénées-Orientales
Lorsqu’il débute ses études dans le supérieur, il retourne en Angleterre. « Si ce voyage lui permet de renouer avec ses racines, il se rend compte qu’il ne se sent plus totalement chez lui. À l’université d’Oxford, il ressent une rigidité, des rapports de classe très marqués », révèle Jean-Luc Soret. Cette période le conforte dans son choix de vivre en Catalogne où il apprécie à l’inverse l’ouverture et la convivialité.
« Son discours témoigne d’une observation fine des interactions entre les différents groupes sociaux qui peuplent les Pyrénées-Orientales, tout autant que des efforts qu’il a fournis pour gagner leur confiance, circuler librement parmi eux et trouver sa place. Kim explique être « très intégré avec les gens locaux » et indique qu’il « connaît beaucoup de Catalans », de personnes issues « de la communauté gitane » ainsi que des membres de la diaspora anglaise », analysent les chercheurs de l’université de Perpignan.
Kim se dit chanceux d’avoir été « accepté en France », malgré la sortie de l’Angleterre de l’Union européenne. Pour lui, ce qui compte le plus, c’est d’avoir une culture commune : « Parce qu’au final, je suis européen ».
La chance de circuler librement d’un pays à l’autre
Pour Iulia, « être libre d’aller où tu veux est une richesse immense ». Installée à Saint-Cyprien avec son mari et ses enfants, elle travaille comme gestionnaire de projet à l’Université de Perpignan via Domitia et envisage de passer des concours de la fonction publique. Iulia a grandi dans une petite ville de Transylvanie, en Roumanie.
« À vingt-deux ans, elle cherche son premier emploi à Paris tandis que son conjoint est technicien dans une entreprise de soudage. Elle se souvient alors de ce qu’elle considère comme sa première expérience de racisme lorsque, lors d’un entretien d’embauche pour être hôtesse d’accueil, des activités de ménage lui sont proposées car » ‘les Roumains sont censés bien le faire’ « , raconte-t-elle dans son portrait.
Elle insiste sur la chance qu’elle a eue de pouvoir circuler librement d’un pays à l’autre : « Aujourd’hui, je me sens privilégiée d’avoir pu sortir car je sais qu’il y a des pays où on peut pas le faire si facilement ». « Si sa vie est aujourd’hui en France, Iulia se dit « fière » de ses origines et entend bien partager sa culture avec ses enfants. »
À Perpignan, une exposition sur l’Europe d’aujourd’hui
« Je trouve que ces portraits nous font entrer dans une compréhension sensible de ce que signifie être Européen aujourd’hui. C’est vivre dans un pays a priori où on a beaucoup de points communs au niveau culturel, avec un regard complètement kaléidoscopique », conclut le directeur de l’association Visa pour l’Image.
L’exposition sera accessible chaque jour au centre international du photojournalisme, de 11h à 18h. Un QR code en dessous de chaque portrait permettra également d’accéder à l’interview complète des participants. Autre nouveauté, toute l’exposition est téléchargeable au format PDF. Ainsi, pour une quinzaine d’euros, il est possible de se procurer l’exposition, de l’imprimer et de la coller où on le souhaite, pour la rendre visible dans n’importe quel espace. « Vies en Transit » sera également visible sur téléphone portable, notamment via le compte Instagram du CIP.
Photographes : Céline Gaille, Léonor Lumineau, Georges Bartoli, Justine Rauquelaure, Idriss Bigou-Gilles, Jc Milhet.
Affiche : Virginie Demorget.
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