Article mis à jour le 12 août 2024 à 08:22
Alors que l’Océan Viking annonce le débarquement de 373 rescapés sur les côtes italiennes, certaines collectivités et institutions – à l’image de la Région Occitanie ou du Département des Pyrénées-Orientales – s’engagent et soutiennent SOS Méditerranée.
À l’occasion du lancement de la plateforme des collectivités solidaires, la Présidente de la Région Carole Delga, la maire de Paris Anne Hidalgo, et Philippe Grosvalet, président du Département de Loire-Atlantique – tous trois socialistes – ont tenu une conférence de presse avec les responsables de SOS Méditerranée. Pour Chris, bénévole de l’antenne SOS Méditerranée des Pyrénées-Orientales, s’engager auprès de l’association est une évidence : « Je ne veux pas que mes enfants grandissent dans un monde où on laisse mourir les gens en pleine mer alors qu’on pourrait les sauver ».
♦ Le travail de SOS Méditerranée dans les Pyrénées-Orientales
Chris est l’une des vingt bénévoles de l’antenne des Pyrénées-Orientales. Créée en mars 2018, SOS Méditerranée Pyrénées-Orientales fait partie des 17 antennes françaises de SOS Méditerranée. L’un des principaux rôles de l’antenne locale est de sensibiliser les scolaires dans les écoles, collèges, lycées ou à l’université. François Thomas, président de l’association rappelle que SOS Méditerranée a reçu un agrément du Ministère de l’Éducation, et a déjà sensibilisé plus de 40.000 scolaires via ces interventions.
« C’est un volet fondamental pour nous. Il nous paraît primordial d’expliquer la nécessité du sauvetage en mer dès le plus jeune âge. D’autant que nos interventions sont appréciées par les élèves comme par les enseignants ». Des interventions qui s’inscrivent toujours dans un cadre pédagogique déterminé avec l’enseignant en amont de l’intervention.
« Nous expliquons ce qu’est SOS Méditerranée. Pourquoi et quand l’association a été créée ; et comment le sauvetage maritime s’inscrit dans le droit maritime international. Notre association a été tellement criminalisée, qu’il nous semble important de rappeler que nous ne sommes pas les bandits. »
♦ Sensibiliser la jeunesse des Pyrénées-Orientales
Chris précise que les interventions servent aussi à rappeler « pourquoi les personnes quittent leur pays. Pourquoi ces gens fuient l’enfer libyen ». Pour la bénévole de SOS Méditerranée, les enfants réagissent toujours avec beaucoup d’empathie et de sidération. « Ils sont surpris de voir que les États, et l’Europe, ne nous aident pas. Ils sont sidérés devant les drames que vivent ces gens. Surtout quand on détaille le pourcentage de personnes accueillies par rapport à la population européenne. Ils font rapidement la proportion à l’échelle de leur village ; et là ils se rendent compte qu’on est loin de l’invasion à laquelle certains veulent faire croire ».
À titre d’exemple, en 2020, l’association a passé une semaine complète au lycée Picasso de Perpignan ou au lycée Bourquin d’Argelès-sur-Mer. Les bénévoles de l’association organisaient des événements pour recueillir des fonds ou tenaient des stands lors d’évènements festifs alors que cela était encore possible. Chris et l’antenne locale de SOS Méditerranée sont aussi à la recherche de bénévoles « pour développer les initiatives ou encore donner de la visibilité aux actions de l’association ».
♦ La plateforme des collectivités de SOS Méditerranée, pour quoi faire ?
À ce jour, la page dédiée aux collectivités qui soutiennent l’association de sauvetage en mer compile les régions, départements et communes qui aident SOS Méditerranée. Au lancement de la plateforme , 27 collectivités s’engagent ; dont 2 régions (Occitanie et Bretagne), 8 départements dont les Pyrénées-Orientales et 17 communes dont Paris.
Selon Sophie Beau, cofondatrice et directrice de SOS Méditerranée, l’objectif numéro 1 de cette plateforme est de recueillir des fonds. Il s’agit de fédérer les collectivités pour aider une association qui ne reçoit aucun soutien étatique ; ni de la part de l’Europe ni d’aucun de ses membres.
Le sauvetage en mer coûte très cher rappelle François Thomas, président de SOS Méditerranée. L’affrètement d’un bateau comme l’Océan Viking, les équipes en mer, les soins médicaux, la nourriture et le kit de survie nécessite un financement annuel de 8 M€. En 2020, le montant total de soutien apporté par les 27 collectivités avoisinait les 800.000€ ; les dons individuels assurant plus de 90% du budget de l’association.
♦ L’engagement des territoires français
Pour Carole Delga, « cette plateforme est la démonstration qu’à partir de nos territoires, et quelles que soient nos tailles, nous savons mettre en œuvre ce devoir de fraternité indispensable de notre République. Une démonstration de force collective ; parce que l’Europe et les États ne sont pas au rendez-vous. Nous la voulons fraternelle, généreuse et qu’elle ne détourne pas le regard. »
Pour la directrice de SOS Méditerranée, cette plateforme doit également « servir de levier politique ». Sophie Beau d’insister sur le devoir d’assistance inconditionnel en mer comme à terre. « C’est le même devoir d’assistance qui bâtit nos sociétés. Il n’est pas acceptable d’y renoncer ! ».
Département de Loire-Atlantique
Un soutien de 250.000€ en 2020. Une subvention pérennisée annuellement de 200.000€.
Département des Pyrénées-Orientales
Par la voix de sa présidente Hermeline Malherbe, avait fait voter en octobre 2020 une subvention de 25.000 €
Région Occitanie
A voté 75.000€ d’aide pour 2021, 60.000€ en 2020. Par ailleurs, Carole Delga rappelle un budget d’aide à l’accueil des migrants de 1M€ par an.
Ville de Paris
Depuis 2015, Paris a donné, , 260.000€. En 2020, la subvention s’élève à 100.000€. Anne Hidalgo précise que la ville dédie 30M€ pour l’aide aux réfugiés par an, et 80M€ pour les mineurs non accompagnés.
♦ Quid du débarquement des naufragés ?
Pour François Thomas, « la question du débarquement est toujours un souci ». Avant de rappeler : « Le droit maritime est très clair ! Quand il y a des rescapés sur un navire, ils doivent être débarqués dans un lieu sûr le plus rapidement possible. Il appartient aux États d’indiquer un lieu sûr au plus proche ».
Pour mémoire, en juin 2018, l’Aquarius, précédent navire ambulance de SOS Méditerranée avait dû patienter plus d’une semaine – et fait plus de 1.500 kilomètres – avant de débarquer les 630 réfugiés exténués au port espagnol de Valence. Les naufragés récupérés au large des côtes libyennes avaient été refoulés par les autorités italiennes et maltaises ; avant que finalement l’Espagne ouvre son port de Valence.
François Thomas dénonce des difficultés malgré l’accord de Malte signé en 2019. « Cet été, un navire de commerce avait dû attendre plus d’un mois pour pouvoir débarquer des rescapés. Quant à nous, nous devons parfois attendre des jours, voire des semaines. Chaque jour passé est un jour de trop pour ces personnes qui sont traumatisées, et en grande précarité physique et psychologique. Beaucoup de rescapés ont vécu l’enfer libyen. Ils nous disent préférer mourir que survivre en Libye. »
♦ Les témoignages de rescapés de l’Océan Viking sur l’horreur libyenne
Depuis le début de ses opérations en février 2016, SOS Méditerranée a secouru plus de 32.176 personnes avec l’Aquarius puis l’Ocean Viking. Le quart d’entre elles étaient mineures.
Ce 25 janvier, le navire Océan Viking a débarqué 374 personnes secourues de quatre embarcations pneumatiques en détresse lors de trois opérations de sauvetage distinctes dans la zone de recherche et de sauvetage libyenne (dans les eaux internationales). Parmi les rescapés, 165 mineurs dont 131 non accompagnés, et 21 bébés ou enfants entre 0 et 4 ans. Dans ces embarcations de fortune, 48 femmes ont été secourues ; quatre d’entre elles étaient enceintes et 32 voyageaient seules. Pour l’une d’entre elles, Nadine, une évacuation médicale a été demandée afin de prodiguer des soins médicaux d’urgence à terre rendus nécessaires en raison d’une grossesse avancée présentant des risques élevés.
Le communiqué de presse publié à l’issue du débarquement fait état de témoignages rapportant les histoires terribles et d’abus endurés en Libye.
Les responsables de l’Océan Viking rapportent les récits de personnes ayant « tenté la dangereuse traversée en mer ; avant d’être interceptées puis ramenées contre leur gré en Libye, où elles étaient à nouveau entraînées dans cette spirale d’abus ». Parmi les rescapés, à bord se trouvait un jeune homme originaire du Mali gravement blessé par balle au bras. Kylian (le nom a été changé) a en effet été victime de tirs en Libye deux semaines auparavant.
« En Libye, nous étions tou.te.s entassé.e.s dans une maison, nous n’étions pas libres d’aller où nous voulions. J’étais dehors quand les bandits sont arrivés, et je voulais entrer en courant pour prévenir les autres. Quand ils m’ont tiré dessus, je suis tombé par terre. Ils pensaient que j’étais mort, ils m’ont laissé là. Honnêtement, je pensais aussi que j’allais mourir. Cela arrive tout le temps en Libye. Je n’ai été soigné pour cette blessure que quatre heures plus tard : un ami m’a amené voir une Camerounaise qui était médecin et qui m’a accueilli. »
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