Article mis à jour le 15 avril 2024 à 14:07
Dans les Pyrénées-Orientales, les fast-foods poussent comme des champignons. Si le projet d’installation d’un nouveau restaurant McDonald’s à Toulouges fait débat, c’est surtout l’offre de restauration dans les Pyrénées-Orientales qui interroge. Photo © Nicolas Guyonnet / Hans Lucas.
L’installation du géant américain dans la commune ne serait-elle qu’une des facettes de la prolifération de ces fournisseurs de hamburgers et autres chicken wings ? Quand des élus et groupes locaux se mobilisent contre ces fers de lance de la restauration rapide.
En 2023, le Figaro réalisait un classement des « 30 villes françaises où la restauration fast-food est la plus implantée » ; Perpignan y frôle le top 10. La cité catalane accueille l’équivalent de 114 fast-foods pour 100 000 habitants. Longtemps réduites aux zones urbaines périphériques, les enseignes de restauration rapides sont désormais présentes en ville, à la mer comme à la montagne. L’occasion d’élargir encore les options d’implantation de ces restaurants, tant appréciés que décriés.
La construction du McDonald’s à Toulouges relance le débat
Le message du Maire de Toulouges est clair, « pas de Mc Do dans ma commune ». Alors que l’enseigne américaine souhaite construire le 17e restaurant du département, le conseil municipal de Toulouges a voté à l’unanimité le 29 mars dernier, une motion contre cette installation. S’il s’agit d’un acte démocratique fort, ce vote n’a pas pourtant pas le même poids juridique. » Cette motion-là n’a pas le pouvoir légal de s’opposer à la construction. » nous précise Nicolas Barthe, maire de Toulouges. Juridiquement donc, seul le permis de construire peut-être refusé « La franchise a déposé depuis quelques jours son permis de construire à l’urbanisme de Toulouges, qui est actuellement analysé et contrôlé.«
L’enseigne a pour projet de s’installer en lieu et place de la jardinerie Nature Innov’, à proximité du stade de Toulouges et non loin du collège. Trop proche de l’offre en restauration rapide déjà existante, pointe Nicolas Barthe. Le maire rappelle que « quatre restaurants McDonalds se trouvent déjà à moins de sept minutes en voiture de Toulouges : Thuir, Saint-Charles, espace commerciale Auchan et Porte d’Espagne.«
Lors d’une réunion entre le franchisé, le responsable du développement économique de McDonald’s, le propriétaire du terrain et le conseil municipal, l’enseigne a aligné ses arguments. En premier lieu, McDo met en avant les créations de postes : une trentaine d’emplois à temps plein serait envisagée. Mais pour Nicolas Barthe, l’argument ne tient pas, tant les options de créations d’emplois sont possibles. « Nous avons le projet de créer une hallerie, fondée sur le circuit court et le bien manger. Ce projet créera aussi des emplois et du dynamisme au centre-ville, d’autant plus que des artisans pourront s’installer autour du lieu. » Mais au-delà de la politique de bien-manger de la commune, Nicolas Barthe insiste, « Toulouges est engagé pour la protection des commerces de proximité ».
Quand le bruit et l’odeur des fast-foods deviennent des nuisances
À la liste des désavantages pointés du doigt par le maire de Toulouges : les nuisances olfactives, sonores et visuelles, mais aussi le risque de flux de circulation accrue. Engagée pour le développement durable, la ville refuse de voir ses bordures de routes et ses chemins envahis de déchets. « Selon les chiffres, un client sur deux commandes chez McDo au drive ou à emporter. C’est-à-dire qu’en plus des potentiels déchets qu’on retrouvera sur les routes, il n’y a pas de plus-value sur la vie de la ville et la dynamisation du centre-ville ».
Pourtant, McDonalds affiche sa volonté de « dynamiser » et d’agir sur la vie des communes et des habitants. Contacté par téléphone, l’attaché de presse liste les avantages d’un restaurant pour les citoyens. « C’est un lieu de vie sept jours sur sept. » Le communiquant de rappeler que les restaurants de l’enseignement étaient « les dernières lumières du soir », et qu’ils étaient aussi « les partenariats avec les associations de jeunes».
Souvent approchée et sollicitée par des porteurs de projets dans les petites communes, McDonald’s se vante d’ouvrir chaque année une trentaine de restaurants. « L’installation d’un McDonald’s, c’est 40 à 50 emplois directs et indirects à temps plein et des retombées fiscales » précise le chargé de com. L’enseigne avance aussi l’argument des 75% de produits issus de l’agriculture française. Localement, le géant américain commercialise les produits d’une enseigne des Pyrénées-Orientales. Florette Food service est le fournisseur principal de salades pour l’enseigne. Mais pour le conseil municipal de Toulouges, l’argument économique de McDonald’s, n’y changera rien.
« Autant de fast-foods que de restaurants traditionnels à Perpignan »
En mars 2023, l’enseigne Popeyes annonçait son installation à Perpignan, dans le quartier du Castillet. Si l’ouverture de ce nouveau restaurant de poulets frits est synonyme de créations d’emplois au cœur de Perpignan, elle inquiète surtout les pourfendeurs de la malbouffe dans le département.
Le CHU de Montpellier et l’Institut National de la Santé de et la Recherche Médicale (INSERM), ont mené une enquête à l’initiative de la ligue contre l’obésité. En 25 ans, les chiffres ont été multipliés par quatre chez les 18-24 ans, et par trois chez les 25-34 ans. Le mouvement catalan #Agissons s’est exprimé et a qualifié ces nombreuses ouvertures d’un « problème de santé publique ». « On a déjà un taux d’obésité au-dessus de la moyenne nationale, 20% de la population est touchée par l’obésité dans les Pyrénées-Orientales, c’est cinq points de plus que la moyenne. », déplore Joan Nou, vice-président du collectif.
Mais pourquoi les enseignes de restauration rapide veulent-elles s’installer dans les Pyrénées-Orientales ? Pour Joan Nou, la pauvreté est un vecteur de l’installation des restaurants fast-food : « C’est la pauvreté qui crée le problème, et plus il y en a plus on est incités à manger là-dedans. Il y a autant de fast-foods que de restaurants traditionnels à Perpignan. »
Si des tentatives d’enrayer l’augmentation de la consommation de junk food au niveau national ont été proposées, près de 20 ans plus tard, rien n’empêche les fast-foods de s’installer aux abords des collèges et lycées. Un problème de taille pour le vice-président du collectif #Agissons : « Les fast-foods savent où se placer, ils s’installent à proximité des établissements scolaires et dans les Pyrénées-Orientales ça ne pose aucun problème. » Les Pyrénées-Orientales accueilleront-ils un 17e McDonald’s, une goutte d’eau dans l’océan de fast-foods dans le département ?