Article mis à jour le 27 février 2019 à 21:29
Son nom est indissociable de sa fonction de ministre délégué à l’Égalité des chances entre 2005 et 2007. Azouz Begag est venu à Perpignan à l’invitation de Fouzi Bouhadi, ancien conseiller municipal et aujourd’hui soutien assidu de Clotilde Ripoull candidate aux municipales de 2020. Au programme, visite de collège, rencontre avec des associations du Bas-Vernet et conférence ouverte au public. Outre son poste ministériel, celui qui revendique ses origines modestes a aussi partagé son expérience en tant qu’enseignant et chercheur en sociologie. Propos recueillis en entretien avec Azouz Begag.
♦ La France dans le monde ?
J’ai passé tout le mois de janvier à Cuba. Il n’y a pas Internet alors que c’est à une heure d’avion de Miami ! Voilà un ticket (sortant un ticket cartonné de sa poche) qui donne accès à 1 heure de Wifi. Cela coûte 1€ et vous pouvez l’acheter dans les magasins étatiques. Mais pour cela, tu dois faire la queue pendant 2 heures. Devant les magasins, il y a des revendeurs à la sauvette qui les négocient le double. Comment peuvent faire les cubains qui ne gagnent que 20€ par mois ? Il n‘y a rien, pas de savon, pas de protections pour la féminité… Ils veulent garder les valeurs du socialisme, la générosité… Mais ça ne fonctionne pas, le capitalisme va trop vite.
Et à Haïti alors ? (NDLR le pays le plus pauvre du monde). Si les gens nous entendaient dire qu’à Perpignan des personnes ont faim, ils ne comprendraient pas. En France, il y a des gens qui ne savent pas où vivre, dorment dans leur voiture, dans des cartons. Alors que je connais des centaines de millions d’Africains pour qui l’Eldorado c’est la France !
En parallèle, il ne faut pas oublier que l’on vit dans un pays, où quand on est malade, on va à la pharmacie, à l’hôpital. Et on ne nous demande pas d’abord votre carte de crédit ! C’est l’un des rares pays au monde ou le système de santé est si accueillant et propage partout un sentiment de liberté.
♦ Votre analyse aujourd’hui sur l’état de la France ?
On va tous crever, mais il faut quand même saisir sa chance. Chacun de son côté doit saisir sa chance, et ne doit pas être là à prier autour de l’hôtel de Matignon ou de l’Elysée pour attendre que Dieu le père lui apporte des subventions, du fric, du travail ou de l’avenir !
Quant au mouvement des Gilets Jaunes ? Pour moi, c’est l’éruption cutanée du corps social français, d’œdèmes qui existaient depuis des décennies et qui sont en train de se manifester sous une forme un peu anarchique. Un peu comme le développement des cellules cancéreuses. Les politiques, qui tiennent un rôle de médecin, identifient le degré de curation de cette affaire et recherchent quel traitement est le mieux adapté.
La croissance économique, depuis plusieurs années déjà, tourne autour des 1% et cela ne suffit pas pour créer de l’emploi. Nous sommes donc face à un vrai challenge.
♦ Votre avis sur le grand débat, est-il le remède à cette crise ?
Je ne le crois pas ! Cela me fait penser à Sarkozy et à sa bande qui, en 2007, avaient décidé qu’il fallait lancer un grand débat sur l’identité nationale. Ben voyons, allons-y ! Les Français qui subissaient la crise économique de plein fouet, ont mis sur le compte de la question identitaire, l’islam et les musulmans, tous leurs problèmes. C’était un moment très pénible à vivre, très douloureux, parce que les gens se laissaient aller dans les débats.
Et ça a mené à quoi ? À rien du tout ! Aujourd’hui, tous ceux qui lancèrent ce débat il y a 10 ans, de Guéant, Sarkozy à Hortefeux, sont aujourd’hui poursuivis par la justice française pour grand banditisme politique*. C’est-à-dire que les fauteurs de trouble n’étaient pas ceux que l’on voulait karchériser** dans les banlieues , mais c’était ceux qui étaient à la tête de l’État.
♦ Votre action au sein du gouvernement de Dominique de Villepin ?
Lors de mon passage au ministère, j’avais diffusé l’idée de la charte de la diversité. C’est important quand vous allez chercher du travail et que vous êtes issu d’une minorité. Savoir qu’au moment où vous allez postuler dans une entreprise, l’employeur et l’entreprise se sont engagés dans la non-discrimination. Ce sont seulement vos compétences et la niaque qui vont faire la différence, plus que votre couleur de peau ou vos origines.
C’est comme cela qu’à la SNCF ou dans les grandes entreprises, on voit de plus en plus de « couleurs » et cela devient presque normal. Aussi normal que de voir, qu’à l’Assemblée nationale, on se rapproche de la parité homme-femme.
♦ Demain tous aux urnes ?
Azouz Begag milite pour que le vote en France soit rendu obligatoire. « Tu votes, sinon rien, pas de permis de conduire, pas d’emploi public, pas d’aides sociales ». En décembre dernier, il avait interpellé le président de la République sur twitter.
* Claude Guéant, et Nicolas Sarkozy sont tous les deux mis en examen dans le cadre de l’enquête sur le présumé financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. En mars 2018, Brice Hortefeux a été quant à lui été entendu à propos de cette affaire en audition libre.
** Karchériser, ici Azouz Begag fait référence à cette scène de juin 2005, devenue célèbre où Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur s’était rendu, après le décès d’un enfant de 11 ans, à la cité des 4000 à la Courneuve. Lors de sa rencontre avec la famille du jeune garçon, il leur avait dit : « Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité des 4 000. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé ».
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