Article mis à jour le 14 août 2024 à 14:18
Du 3 au 9 novembre 2024, Juliette Mas s’envolera pour les championnats du monde de para surf, en Californie. À seulement 12 ans, la jeune adolescente s’est hissée à la quatrième place l’année dernière lors de la finale visuel (non voyante).
Licenciée à l’école de surf Méditerranée (Méditerrasurf) de Canet-en-Roussillon, Juliette s’entraîne avec son moniteur et binôme Mehdi Karam pour décrocher le podium. Si participer à cette compétition implique des frais importants, une cagnotte exceptionnelle a été créée afin de soutenir la surfeuse et son coach.
« Ce n’est pas parce que je suis non-voyante que je ne peux pas faire de surf »
Pour Juliette, tout est allé très vite. La jeune surfeuse se remémore la première fois qu’elle est montée sur sa planche : « J’ai commencé le surf il y a un an, en juin 2023. Au début, c’était un loisir. Je voulais juste m’éclater sur les vagues ! », confie-t-elle. « Et puis Mehdi m’a proposé de partir aux championnats du monde. C’était une opportunité unique qui ne se présente pas tous les jours. Je me suis dit que c’était peut-être ma chance ! » Le 3 novembre 2023, Juliette quitte le littoral catalan direction Huntington Beach, près de Los Angeles, pour six jours de compétition. « Je ne visais aucune place. Cette année, c’est sûr que mes objectifs sont plus dessinés », laisse entendre la surfeuse.
C’est à Canet, berceau des champions de para surf, que Juliette s’entraîne quotidiennement dans son école labellisée handisurf. « Il y a moins de vagues l’été mais j’essaie de surfer le plus souvent possible », explique la sportive, qui réalise des sessions de glisse d’une heure et demie. « Moi, ce que j’aime le plus c’est la sensation de glisser sur les vagues, c’est magique ! », sourit-elle. « Cette année, j’ai fait des exercices que je ne faisais pas l’année dernière. Chaque matin, je fais du gainage et trois fois par semaine, je m’entraîne à ramer. »
Mais comment se pratique la glisse en Méditerranée ? « Il peut y avoir de très belles vagues ici », assure Juliette. Les plus importantes font leur apparition en hiver, atteignant parfois jusqu’à 3,5 mètres de hauteur. « On a en moyenne 250 jours de surf par an », révèle Mehdi, qui entraîne ses élèves de Collioure à l’entrée du port de Canet.
Pour Juliette, aveugle de naissance, la pratique du surf est basée sur son ressenti. Grâce au son que produit la vague, la surfeuse devine la taille et la puissance qu’elle peut avoir. « Ce n’est pas parce que je suis non-voyante que je ne peux pas faire de surf », affirme l’adolescente, qui a une formidable marge de progression devant elle. « Il y en a qui diront que la déficience visuelle est un handicap, pour moi, c’est un avantage de surfer avec un ressenti », assure Mehdi. « Juliette a démontré aux enfants, dits valides, qu’il était possible de se lever sur sa planche pour prendre une vague, sans avoir la possibilité de la voir. Je les ai mis dans la même situation, ils ont ramé les yeux fermés, pour ressentir la vague, la sentir pousser et enfin, se tenir droit sur leur planche. Ils ont énormément progressé. »
Le para surf, une discipline qui a pris de l’ampleur ces dernières années
Le moniteur de surf a lui même un parcours exceptionnel. Mehdi découvre le surf derrière l’écran de sa télévision où sont diffusés les exploits de la légende hawaïenne Gerry Lopez. « À l’âge de 12 ou 13 ans, je me suis acheté une planche en polystyrène dans un bureau de tabac et j’ai essayé de surfer avec ça », plaisante-t-il. « J’ai appris à surfer au Maroc avec les anciens. J’y suis resté presque un an et je suis parti à Palavas-les-Flots, où je faisais du bénévolat et de l’encadrement. » Après avoir obtenu son diplôme de moniteur en Bretagne, Mehdi s’installe dans la région.
« À l’époque, il n’y avait que deux écoles et j’avais pour projet de développer le surf méditerranéen. Je suis tombé dans l’handi surf lors des championnats de France de Sup Race, à Collioure. » Une révélation pour le passionné de glisse qui développe le para surf aux côtés de Damien Bes, éducateur sportif en milieu spécialisé. « L’handi surf, ça m’est tombé dessus et quoi que je fasse j’ai l’impression que c’est mon destin. J’ai du coeur et de l’âme à mettre là-dedans », confie le surfeur qui a été confronté au handicap de son frère.
Selon Mehdi, la discipline du para surf a pris énormément d’ampleur ces dernières années. Aujourd’hui, on n’est pas loin de 100 à 200 moniteurs formés. En Méditerranée, nous avons maintenant deux à trois écoles, des clubs qui sont formés en handisurf. Il y a encore quelques années, nous étions les seuls. » En effet, Canet-en-Roussillon hébergeait l’unique école labellisée handisurf dans le bassin méditerranéen.
« Le para surf en compétition a mis un peu plus de temps à décoller. À l’époque, l’équipe de France comptait six surfeurs. Maintenant, on a des championnats du monde pratiquement chaque année ! On s’aperçoit que le surf est un sport que tout le monde peut pratiquer, c’est une discipline qui apporte un bien-être physique et mental », affirme le moniteur, qui espère que la discipline fera son apparition aux Jeux Paralympiques en 2028.
Une cagnotte exceptionnelle lancée pour soutenir Juliette
Si c’est la deuxième fois que Juliette participe aux championnats du monde, la jeune adolescente garde les pieds sur terre. « Cela ne veut pas dire que mon avenir en équipe de France est assuré. Je ne vais pas m’enflammer, cela ne fait qu’un an que j’ai commencé le surf. »
Cette année, une cagnotte exceptionnelle a été lancée pour que Juliette puisse participer aux championnats, accompagnée de ses proches. « Très peu d’argent est délégué à ces sportifs », regrette Nadia Ghali, vice présidente de la fédération française de surf. « Ils ont tous besoin d’un accompagnement individuel car les finances de l’équipe de France ne permettent pas d’assurer un déplacement des binômes et c’est important que Juliette soit dans son élément pour pouvoir performer. » Lors de sa première compétition l’année dernière, Mehdi n’avait pas pu suivre Juliette en Californie. « Je pense que c’est un merveilleux cadeau pour le binôme de pouvoir vivre la compétition avec son athlète », souligne Nadia.
Une contribution qui permettra aussi de couvrir les frais de transport, de nourriture, l’achat d’équipement et les frais de voyage pour Juliette et son coach. « Aujourd’hui, nous avons pu récolter 3 300 euros sur les 5 000 euros espérés. Ils vont pouvoir prendre les billets d’avion ! », se réjouit Nadia. « Chacun peut donner la somme qu’il veut. On a essayé de viser le portefeuille de tout le monde, pour que tout le monde puisse participer à sa hauteur », assure Mehdi. De son côté, Juliette espère bien décrocher sa première médaille.
Pour soutenir Juliette, retrouvez le lien de la cagnotte ici.
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