La Cour des comptes a publié ce vendredi 24 janvier un rapport sur l’aménagement du littoral méditerranéen face aux risques liés à la mer et aux inondations. Les chambres régionales des comptes d’Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Corse ont toutes trois travaillé sur cette étude.
Le rapport de la Cour des comptes estime que « la prévention et la gestion des risques littoraux exercées par l’État au moyen de plans de prévention ne sont pas suffisantes ». François-Xavier Hallé, ingénieur territorial à l’Observatoire littoral de la Cote Rocheuse Catalane (OBS ROC), nous explique les dangers liés à la mer et aux inondations dans notre région.
Le rapport de la Cour des comptes met en avant la vulnérabilité des territoires côtiers. Quelles en sont les causes ?
La vulnérabilité repose sur deux facteurs. En premier, l’exposition aux aléas naturels comme la montée des eaux et les tempêtes. En second, l’augmentation des enjeux humains et matériels. On constate une accentuation de cette vulnérabilité en raison du changement climatique, qui intensifie la fréquence et l’intensité des aléas. C’est un véritable cocktail explosif.
Dans ce rapport, il est mentionné que le système d’assurance connaît d’importants problèmes. Sa situation risquerait même de s’aggraver dans le temps. Comment l’expliquer ?
Le système d’assurance est sous pression. Avec l’augmentation des catastrophes naturelles, les indemnisations coûtent de plus en plus cher, et cela impacte davantage le modèle de la mutualisation. Certaines collectivités ne parviennent plus à s’assurer, ce qui pose un véritable problème à long terme. Un assureur c’est le contraire d’un joueur de poker. Il ne prend jamais de risques inconsidérés ; s’il sait qu’il peut perdre, il ne joue pas.
Malgré les dangers, la Cour des comptes rapporte qu’il y a une explosion du marché immobilier sur la cote méditerranéenne. Comment peut-on l’expliquer ?
Le marché immobilier, c’est une bulle spéculative. Les terrains en bord de mer, bien qu’exposés, continuent de prendre de la valeur. L’envie de vivre au soleil et proche de la mer prend le dessus sur les risques. De plus, ce rapport souligne bien que le marché immobilier est « aveugle » face au danger. C’est vraiment préoccupant.
Notre département pourrait connaître une montée du niveau de la mer. À combien cela est-il estimé d’ici 2050 ?
Selon les travaux du GIEC*, on s’attend à une augmentation de 20 cm du niveau de la mer à Port-Vendres. Pour beaucoup, cette hausse n’est pas vraiment significative sauf que cela modifie la fréquence des tempêtes.
Quels seront les effets et les conséquences des tempêtes ?
Une tempête qui vient frapper le littoral à 20 centimètres de plus, elle prendra beaucoup plus d’énergie, et fera forcément plus de dégâts. Et ça, c’est difficile aujourd’hui de vous dire à quelle vitesse ça va se passer.
Y a-t-il une estimation du coût de l’adaptation à ces changements climatique ?
Le Cerema* a mené une enquête d’évaluation nationale pour évaluer ces coûts. En 2019, une première estimation déterminait un coût d’environ 8 milliards d’euros à l’échelle de la France, sans prendre en compte l’élévation future du niveau de la mer.
En 2024, l’organisme a produit une seconde analyse en prenant en compte le niveau de la mer estimé à un mètre de plus à horizon 2100. Des projections climatiques évaluent à +3 ou +4 degrés la hausse des températures. La surface impactée sera donc plus importante. Il faut ensuite plus de logements, plus d’entreprises, plus de voiries et la facture s’envole à plusieurs dizaines de milliards d’euros.
La crise climatique pourrait devenir un problème sociétal ?
L’aménagement du territoire ne concerne pas uniquement l’environnement ou l’urbanisme. La pression foncière peut engendrer des tensions sociales, des difficultés d’accès au logement ou encore des transformations profondes des modes de vie.
L’incertitude ne réside pas dans les phénomènes naturels, que nous connaissons de mieux en mieux, mais dans notre capacité à agir efficacement. Plus nous anticipons, mieux nous préserverons nos territoires et leur avenir.
*GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
*Le Cerema : établissement public relevant du ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, du ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques et du ministère du Logement et de la Rénovation urbaine, accompagne l’État et les collectivités territoriales pour l’élaboration, le déploiement et l’évaluation de politiques publiques d’aménagement et de transport.
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