Article mis à jour le 3 septembre 2022 à 19:09
La communauté gitane de Perpignan est l’une des plus ancienne d’Europe, en partie installée dans le quartier Saint-Jacques depuis les années 40. Au style de vie très grégaire, les habitants de l’un des quartiers les plus pauvres de France apparaissent très soudés ; mais aussi particulièrement touchés par des maladies chroniques telles que le diabète ou l’obésité. Ce vendredi 20 mars, il aura fallu 5 décès pour que les habitants de cette île en plein cœur de Perpignan prennent conscience de la dangerosité du Covid-19.
♦ Avec un haut-parleur, la police municipale alerte Saint-Jacques sur les dangers du Coronavirus
Elle effectue un circuit, Place Cassanyes, Place du Puig, et sur les rues étroites habituellement très fréquentées. Les messages sont clairs, nets et précis : « Restez chez vous, le virus est dangereux, il y a déjà eu plusieurs morts ». Comme une lente litanie, le message est répété inlassablement en Français ; mais surtout en Catalan afin que tous puissent mesurer la gravité de la situation.
Un infirmier libéral du secteur constate lui aussi les difficultés de ses patients et de leurs familles à appliquer un confinement strict ; et à mettre en œuvre les gestes barrières. Quant à lui, il veille à respecter un sas de décontamination sur le palier de son appartement à la fin de chacune des tournées.
« Les médecins le disent, des gens meurent, il faut rester à la maison ». Les regards croisés sont inquiets, certains visages emmitouflés dans leur écharpe malgré la douceur printanière.
Les chaises en plastique, celles habituellement occupées par les mamans surveillant leurs enfants qui jouent dans la rue, sont vides. Les mamans, les enfants, les familles restent confinées à la maison.
♦ Des familles se massent aux fenêtres pour voir passer la police municipale et son mégaphone
« Oui, on a peur ; non, on ne sort plus, juste pour faire des courses Madame ». Certains connaissaient la jeune Serena emportée en seulement quelques jours à l’âge de 24 ans. D’autres en ont entendu parler.
Rencontré au détour d’une rue, un homme d’une cinquantaine d’années affublé d’un masque fabrication maison. Il ravitaille sa maman de 75 ans dialysée 3 fois par semaine. « Mon frère de 51 ans l’a attrapé ; il est à l’hôpital, et je ne peux pas aller le voir ».
En chemin, une jeune femme et celle qui pourrait être sa mère engagent la conversation. « Vous savez, nous, on ne sort que pour les courses, mais on n’est pas protégés ». Parce que oui, ici comme partout ailleurs les masques sont réservés au personnel soignant. Une mesure qui ne semble pas être comprise par tout le monde.
♦ Avec le Coronavirus, la vie est à l’arrêt entre les places Cassanyes et Rigaud
La pharmacienne nous confiait l’air dépité : « ils sortent beaucoup, surtout pour nous réclamer thermomètre, gants, gel hydroalcoolique ou masques…. Mais aujourd’hui, ça a l’air plus calme ; on dirait qu’ils ont compris ».
Selon le policier chargé de diffuser le message, le sentiment est le même. « Malheureusement, il aura fallu des décès pour qu’ils se décident à rester chez eux. Le décès de ce matin d’une personnalité importante de l’église évangélique du centre est vu par ces gens très croyants comme un signe ».
Perchée sur sa terrasse, une maman nous dit : « vous savez, ce n’est pas simple pour les enfants, mais avec la terrasse ça va ». Tous semblent résignés à rester chez eux, l’étroitesse des rues permettant même de dialoguer de fenêtre à fenêtre.
Vers 17h, néanmoins, la vie reprenait sur la place Cassanyes. Ichem, vendeur de pâtisseries marocaines nous confiait inquiet, « le soir, ils sortent quand même ». Alors qu’un boucher nous déclarait vouloir, après écoulement de son stock, tirer le rideau par manque de clientèle.
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