Article mis à jour le 23 avril 2020 à 12:44
Suite à la crise épidémique liée au coronavirus, de nombreuses entreprises se retrouvent dans l’impossibilité de maintenir leur activité. Dans ce contexte, le gouvernement a présenté un projet de loi ordinaire pour faire face à l’épidémie le 18 mars 2020 ; projet qui a définitivement été adopté par le Parlement le 22 mars 2020. Le gouvernement est depuis habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de 3 mois à compter du 24 mars 2020, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi.
Par Jocelyn ZIEGLER et Victorien DE FARIA, élèves avocats à l’École de Formation du Barreau de Paris. Adapté pour Made In Perpignan.
♦ Un arsenal législatif désormais à la disposition du gouvernement
Dans ce cadre, toute mesure peut être prise pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du coronavirus et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation. En matière sociale, pour tenir compte de la situation d’urgence sanitaire et des mesures de confinement en vigueur, la loi prévoit des dérogations temporaires aux règles actuelles ; dont certaines ont fait l’objet de précisions par voie d’ordonnances du 26 mars 2020. Par ailleurs, le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, assouplit les conditions du dispositif d’activité partielle.
En outre, la loi n°2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020, prévoit la garantie de l’État de 300 milliards d’euros pour les prêts aux entreprises, le financement massif du chômage partiel, le fonds d’urgence pour les petites et moyennes entreprises afin de répondre à la crise économique, crise liée à la propagation du COVID-19.
La ministre du travail, Muriel Pénicaut, a précisé que le chômage partiel touchait plus de 8,7 millions de salariés français, soit plus d’un salarié sur trois concernés par cette mesure. C’est donc un véritable arsenal législatif qui a été mis en place par le gouvernement afin de pallier, dans l’urgence, les risques économiques liés à la pandémie, de surcroît le Code pénal en réprime les abus.
♦ Le dispositif du chômage partiel comme riposte face à la crise économique liée à la propagation du coronavirus
Le dispositif de chômage partiel ou technique est un dispositif qui, en cas de recours à l’activité partielle au sein d’une entreprise, permet aux salariés touchés par une perte de salaire d’être indemnisés par une indemnité.
Rappelons qu’en vertu de l’article R5122-1 du Code du travail, le recours à l’activité partielle est encadré. En effet, il n’est possible que dans les cas suivants :
- Conjoncture économique
- Difficultés d’approvisionnement
- Sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel
- Transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise
- Toute circonstance de caractère exceptionnel
Ce dispositif revêt plusieurs formes ; la diminution de la durée hebdomadaire du travail peut être décidée par l’employeur ou la fermeture de tout ou partie de l’établissement.
Par ailleurs, le dispositif est limité. En effet, l’employeur peut percevoir une allocation d’activité partielle de 1607 heures par salarié pour l’année 2020 ; et ce quelle que soit la branche professionnelle, 100 heures par an et par salarié si l’activité partielle est due à des travaux de modernisation des installations et des bâtiments de l’entreprise. Afin de bénéficier de ce dispositif et obtenir l’allocation de l’État correspondant aux heures dites chômées, l’employeur doit engager des démarches auprès de la Direccte.
♦ L’allocation d’activité partielle versée par l’État à l’entreprise est désormais proportionnelle aux revenus des salariés placés en activité partielle
Elle couvre 70% de la rémunération brute du salarié. Cette allocation est au moins égale au SMIC et est plafonnée à 70 % de 4,5 SMIC. Avec ce nouveau dispositif, le reste à charge pour l’employeur est nul pour tous les salariés dont la rémunération est inférieure à 4,5 SMIC. Ce dispositif concerne potentiellement toutes les entreprises, quel que soit leur effectif.
Dans le contexte de crise sans précédent, la procédure de recours à l’activité partielle a été simplifiée et les délais réduits.
Dorénavant, l’employeur dispose d’un délai de 30 jours pour déposer sa demande d’activité partielle à compter du placement des salariés en activité partielle.
L’avis du Comité social et économique, qui devait auparavant intervenir avant la demande d’activité partielle, peut désormais intervenir a posteriori et être adressée dans un délai de 2 mois après la demande, pour tenir compte des circonstances exceptionnelles. La décision de l’administration est rendue en 48 heures. À défaut de réponse, le silence de l’administration vaut acceptation.
On ne s’exonère donc pas totalement du contrôle du CSE. On passe, tout au plus, d’un contrôle a priori, a un contrôle a posteriori. Il est ainsi fait le choix de mettre en avant une certaine réactivité bienvenue des administrations ; tout en maintenant un encadrement par un contrôle qui sera exercé tôt au tard. Se posera à ce moment la question des sanctions en cas d’abus.
♦ Les sanctions encourues en cas d’abus du dispositif
Le contexte sanitaire et économique difficile auquel sont confrontées les entreprises constitue un terreau fertile dans lequel peuvent germer des comportements délictueux. Dès lors, les fraudes aux revenus de substitution sont naturellement les infractions qui reviennent au premier plan.
Éparses, ces infractions peu connues sont réparties dans divers codes en fonction de l’administration ou de la nature de la prestation fraudée. S’agissant de l’allocation de chômage partiel, l’article 441- 6 alinéa 2 du Code pénal fait office d’article de référence de par sa généralité.
En effet, il dispose en son alinéa 2 :
« Est puni des mêmes peines le fait de fournir sciemment une fausse déclaration ou une déclaration incomplète en vue d’obtenir ou de tenter d’obtenir, de faire obtenir ou de tenter de faire obtenir d’une personne publique, d’un organisme de protection sociale ou d’un organisme chargé d’une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu ».
De plus, s’agissant du chômage partiel, l’article L5124-1 du Code du travail renvoie expressément à l’article 441-6 le soin de réprimer lesdits comportements en ce qu’il énonce :
« Sauf constitution éventuelle du délit d’escroquerie, défini et sanctionné à l’article 313-1, au 5° de l’article 313-2 et à l’article 313-3 du Code pénal, le fait de bénéficier ou de tenter de bénéficier frauduleusement des allocations mentionnées aux articles L. 5122-1 et L. 5123-2 du présent code est puni des peines prévues à l’article 441-6 du Code pénal. Le fait de faire obtenir frauduleusement ou de tenter de faire obtenir frauduleusement ces allocations est puni de la même peine ».
Partant, la fausse déclaration faite à l’administration aux fins d’obtenir un avantage indu est constituée ; tout d’abord par une déclaration faite à l’administration et par le caractère mensonger de cette déclaration. La déclaration doit donc altérer la vérité notamment par l’affirmation de faits erronés et/ou par l’omission de faits exacts.
♦ La volonté de produire une déclaration que l’on sait mensongère mais plus encore…
L’exégèse du texte permet notamment d’affirmer que l’intention se caractérise par la connaissance et la volonté de produire une déclaration que l’on sait mensongère mais plus encore, par la nécessité de démontrer un but, en l’occurrence l’obtention d’un avantage indu.
La fraude au chômage partiel est punie de deux ans d’emprisonnement et 30.000€ d’amendes de surcroît, lorsqu’une escroquerie pourra être caractérisée la peine sera de 5 ans d’emprisonnement et 375.000€ d’amende.
Exit le risque pénal, l’entreprise n’est pas à l’abri de sanctions administratives. En effet, l’autorité compétente peut ordonner pour l’entreprise, l’interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de 5 ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle ; ainsi que le remboursement de l’allocation d’activité partielle.
♦ Le cumul du chômage partiel et du télétravail
Enfin, l’entreprise qui enjoindrait ses salariés placés en chômage partiel à télétravailler s’expose à des poursuites pour travail dissimulé. Les deux situations sont bien évidemment antinomiques et ne permettent en aucun cas un cumul. Rappelons que le salarié en chômage partiel voit son contrat de travail « suspendu » ; une situation incompatible avec le télétravail. Récemment, le ministère du Travail a fait une mise au point concernant cette situation en réaffirmant son impossibilité.
En cas d’activité partielle, le décompte de la durée du travail est de mise. En effet, la situation de travail dissimulé peut être caractérisée parce que le nombre d’heures de travail indiquées sur le bulletin de salaire est inférieur à celui réellement accompli.
La légèreté actuelle des contrôles peut inciter les entreprises à s’affranchir des règles imposées. Les infractions telles que l’escroquerie, la fraude à l’attribution d’une allocation, le travail dissimulé permettent d’ores et déjà d’esquisser un risque pénal patent. Le Président de la République l’a rappelé lors de son allocution du lundi 13 avril 2020, tout abus sera sévèrement sanctionné.
Solidarité et entraide, telles sont les valeurs intrinsèques du dispositif mis en place. Les dénaturer pour réaliser du profit serait prendre un risque inconsidéré, afin de réaliser un profit peu considérable.
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