Article mis à jour le 7 janvier 2020 à 12:16
Dans la quasi-indifférence des médias français se joue de l’autre côté des Pyrénées un imbroglio politique et judiciaire. Le tout sur fond d’investiture de Pedro Sànchez et de destitution de Quim Torra.
Le débat d’investiture du socialiste Pedro Sànchez bat son plein aux Cortes, Assemblée nationale espagnole. Et le soutien de la gauche indépendantiste catalane est crucial. Or la commission électorale espagnole a destitué le président catalan de son mandat de député. Cette destitution intervient alors que Quim Torra a fait appel de sa condamnation pour désobéissance. L’appel suspendant la sanction, Quim Torra restait président jusqu’au procès en appel.
Or la commission, composée entre autres de magistrats du tribunal suprême, en a jugé autrement. Pour contrer cette décision pour le moins inédite, la Généralitat a confirmé par vote Quim Torra à sa présidence. Ce lundi 6 janvier, plusieurs maires des Pyrénées-Orientales, ont, à l’initiative du maire de Perpignan, Jean-Marc Pujol, pris position contre cette tentative de destitution. Le sénateur François Calvet, également présent, confiait « sa forte émotion en pensant à ces prisonniers politiques ».
♦ La gauche indépendantiste catalane s’abstient et demande un accord politique « sit and talk »
La gauche indépendantiste catalane, Esquerra Républicana Catalane, a signé un accord avec les cadres du Parti socialiste espagnol pour ne pas s’opposer à l’investiture. Mais ses 13 députés élus en novembre dernier se sont abstenus lors du premier tour du vote. Logiquement, les députés socialistes et Podemos ont voté en faveur de celui qui est Premier ministre depuis juin 2018. Quand les partis de droite, d’extrême droite et Ciudadanos ont voté contre. Le second vote d’investiture qui interviendra mardi 7 janvier, devrait, si aucun deputé ne change d’avis, voir élu Pedro Sanchez, Premier ministre par une seule voix d’avance. En effet, l’investiture nécessite 176 voix au premier tour. Si ce nombre n’est pas atteint, la procédure change au second tour. Elle requiert alors la majorité des voix exprimées.
Chef du groupe ERC à l’assemblée espagnole, Gabriel Rufian a justifié à la tribune l’abstention de son groupe. Selon lui, cette abstention symbolise la volonté d’enfin renouer le dialogue autour de la crise catalane. Parmi les revendications des indépendantistes catalans, l’amnistie pour les 9 personnalités catalanes emprisonnées, et la possibilité d’une consultation.
Pour Gabriél Rufian, il faut remettre le débat politique au centre et sortir de la judiciarisation pour « sit and talk« . Ce slogan est apparu en octobre 2019, au lendemain de la sentence qualifiée de particulièrement sévère à l’égard des élus et personnalités accusées de sédition pour avoir organisé le référendum catalan le 1er octobre 2017.
♦ Junta Electoral Central – De la destitution de Quim Torra au refus d’immunité parlementaire pour l’Eurodéputé Oriol Junqueras
Le 19 décembre dernier …
Le Tribunal supérieur de Catalogne a condamné Quim Torra à 1 an et demi d’inéligibilité. Les juges l’accusant de désobéissance pour avoir, en pleine campagne électorale, conservé sur le fronton d’un bâtiment public une banderole en soutien « aux prisonniers politiques ». Quim Torra a choisi de faire appel ce qui, de fait, suspendait la sanction.
C’était sans compter sur la demande faite auprès de la Junta Electoral Central par le Parti Populaire, Vox, et Ciudadanos. Les partis respectivement de droite, d’extrême droite et du centre droit. Ceux qui se placent en ardents défenseurs de l’unité de l’Espagne ont sollicité les 13 juges de la Junta Electoral Central. Sept magistrats se sont prononcés en faveur de la destitution. Quand les six autres juges ont estimé que la juridiction n’était pas compétente en la matière.
La réponse de Quim Torra élu depuis le 21 décembre 2017 a été immédiate. Il a convoqué en assemblée extraordinaire des élus catalans pour leur soumettre une résolution le confirmant en tant que député et président de la Généralitat. Dans son discours précédent le vote, Quim Torra accusait la Junta Electoral Central de fomenter un « coup d’État ».
Dans le même temps, aux Cortes à Madrid…
Le leader de l’extrême droite, Santiago Abascal, exigeait du Tribunal Suprême « l’emprisonnement immédiat » de Quim Torra pour « sédition et rebellion ». Pour rappel, la sentence en première instance avait uniquement pour motif la désobéissance pour avoir conservé au fronton de l’assemblée catalane une banderole.
La Junta Electoral Central a également refusé ce 4 janvier le statut de député européen. Décision en totale contraction avec l’arrêté de la Cour européenne de justice du 19 décembre 2019. L’arrêté de la Cour de justice reconnaissait l’immunité électorale d’Oriol Jonqueras suite à son élection de mai 2019 en tant que député européen.
Une concomitance suspecte ?
Selon certains commentateurs, ces deux décisions judiciaires de la JEC pourraient bien avoir pour motivation une volonté de faire pression politiquement sur les indépendantistes catalans siégeant aux Cortes afin qu’ils votent contre l’investiture de Pedro Sanchez.
♦ « Nous n’avons pas le droit de nous taire ! «
Les élus des Pyrénées-Orientales sont unanimes, ils ne veulent pas faire ingérence sur le sujet de fond de l’indépendance catalane. Mais ils souhaitent marquer « une forme de solidarité ». Et en tant qu’Européens, ils se permettent « une forme de critique ».
Pour le maire de Perpignan, le sujet est aussi à propos des normes européennes. « Je ne vois pas comment on pourrait s’empêcher de parler, tout en faisant attention à ne pas interférer sur des sujets juridiques. Même si je note qu’il y a eu des fois dans l’histoire où heureusement certaines personnes n’ont pas respecté la norme juridique. De Gaulle n’a pas respecté la loi le 18 juin ! Les résistants n’ont pas respecté les lois ! ».
François Calvet confiait quant à lui sa forte émotion en pensant à ces personnes emprisonnées pour leurs idées. Le sénateur déclarait avoir demandé l’autorisation du Sénat pour pouvoir, en tant que sénateur français, aller visiter les personnalités catalanes emprisonnées. « Si jamais nous n’obtenions pas cette autorisation », prévient-il, « nous irons devant l’une des prisons pour marquer notre désapprobation ».
Les maires de Saleilles, de Prats-de-Mollo, de Fenouillet, de Saint-André et de Pezilla-de-la-rivière étaient également présents à cette conférence de presse.
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