Article mis à jour le 11 novembre 2024 à 08:29
Le 26 mars dernier, un terrible coup de mer a emporté une partie de la plage à Sainte-Marie-la-Mer. La municipalité s’est vue contrainte de prendre un arrêté pour interdire l’accès au front de mer, entre la plage du Spot et le Restaurant Pica Pica. Depuis ce lundi 13 mai 2024, une opération de réensablement a débuté. Mais peut-on vraiment lutter contre l’érosion ? Photo © Obscat.
Alors que la mer grignote chaque année un peu plus nos côtes sableuses, une course contre la montre est engagée pour préserver le littoral. À Sainte-Marie-la-Mer, les travaux pour recharger la plage en sable devraient se poursuivre jusqu’à la mi-juin, en fonction des conditions météo.
Le manque d’eau participe à l’érosion des littoraux
L’érosion est un déficit sédimentaire qui se traduit par différents phénomènes visibles à l’œil nu ; comme le recul du trait de côte ou les falaises dunaires formées après les tempêtes. La principale cause du manque de sable est l’absence de source sédimentaire. « Le sable arrive des bassins versants et des cours d’eau qui ont de moins en moins de débit. C’est en lien avec les changements climatiques que l’on peut observer ce phénomène. Et particulièrement durant les périodes de sécheresse et en cas de déficit de pluie », souligne Provence Lanzellotti, chargée de mission littoral à l’Obscat*. Sans eau, les sédiments ne peuvent être charriés vers le bord de mer.
L’activité humaine a également eu raison des sédiments. « Nous avons prélevé énormément de sable dans nos rivières, notamment dans le Tech et la Têt », insiste Provence Lanzellotti. En effet, au cours du XXe siècle, des millions de mètres cubes ont été puisés pour construire des routes, des équipements, des stations balnéaires mais aussi des lotissements, jusque dans les années 90. « Tout ça, c’est du manque à gagner pour nos plages. » Rien que pour le Tech, il manquerait l’équivalent de 400 ans de transit sédimentaire selon la spécialiste.
Il y a aussi l’artificialisation des bassins versants et les pertes de terres agricoles. « Les terres dites « fixées » sont moins érodables. C’est l’érosion dans les bassins versants qui est le moteur du déplacement des sédiments vers les plages. Les terres agricoles sont devenues des terres urbanisées, ce qui bloque leur production », regrette l’animatrice à l’Obscat.
Brise-lames, épis, enrochements… des mesures de protection qui ne font plus le poids
Sur nos côtes sableuses le problème de l’érosion est généralisé, les plages résistent sur le stock des années 40. « La grande crue de 1940 avait fait énormément de dégâts. Certains cours d’eau ont même vu leur embouchure déviée de 1 km vers le sud, comme c’est le cas du Tech. Nous avons eu un apport de sédiment important à ce moment-là, sur lequel on vit encore aujourd’hui », explique Provence Lanzellotti. Ce sable va être bloqué à certains endroits, notamment à cause des brise-lames et des jetées portuaires. Si les sédiments ne peuvent plus circuler librement, l’érosion se produit un peu plus loin. C’est le cas au Racou, au village naturiste de Leucate ou à Sainte-Marie centre.
Le Racou, maisons en bord de mer en 2020.
« Nous avons des plages qui peuvent reculer brutalement suite à des tempêtes. Parfois cela peut atteindre 50 cm de perte par an, parfois plus. » Ce qui pose des problèmes de gestion et d’accueil touristique. Les mesures de protection comme les brise-lames, les épis, les enrochements ne font plus le poids. Coûteux en installation et en entretien, des études ont prouvé que ces systèmes sont inefficaces sur la durée. Ces zones urbanisées ou artificialisées ont, au contraire, tendance à accélérer l’érosion. Actuellement, l’idée serait de travailler des solutions dites douces. En clair, il faut accélérer la végétalisation du front de mer pour y retenir le sable.
« À Sainte-Marie, le phénomène d’érosion était un peu écrit »
Des stations balnéaires, comme la partie plage de Sainte-Marie, se sont développées sur l’ancien delta de la Têt, qui était voué à disparaître. « Nous nous sommes installés sur ce sable éphémère, toujours très mobile. Le phénomène d’érosion était un peu écrit », affirme l’animatrice de l’Obscat.
En réalité, pour protéger le littoral, on use principalement de mesures à court terme comme l’utilisation de brise-lames ou de dunes. Des techniques qui « fonctionnent » selon Provence Lanzellotti, mais qui privent les plages voisines en sable. En cas de coups de mer, comme celui du mois de mars dernier, tout le sable est emporté. La meilleure option reste le réaménagement pérenne du front de mer.
À titre de comparaison, entre Sète et Marseillan, 55 millions d’euros ont été investis depuis 2007 pour protéger durablement le site contre l’érosion marine. Entre 2007 et 2012, l’ancienne route a été détruite et une nouvelle a été créée plus loin dans les terres. À partir de 2013, trois techniques de protection maritime ont été associées afin de reconstituer une largeur de plage à 70 mètres, sur la partie la plus fragile entre Sète et les Trois Digues. Un atténuateur de houle ou digue sous-marine a également vu le jour à 350 mètres du rivage.
Dans les Pyrénées-Orientales, beaucoup de plages sont vouées à disparaître
« Lorsqu’on recule les points durs situés trop proches de la mer, comme les routes, les maisons, les emplacements de campings, cela fonctionne », assure Provence Lanzellotti. Dans tous les cas, ces aménagements représentent un investissement lourd pour les collectivités. À Sainte-Marie, il y a eu une série de trois coups de mer très impactants sur les plages. Si certains points ont été touchés, comme la plage centrale, d’autres plages de la commune ont été épargnées et même rechargées par ces mêmes coups de mer. « On appelle ces points des encoches d’érosion. Le peu de sédiments qui arrive à la côte est bloqué par la jetée portuaire et la série de brise-lames et n’arrive plus à alimenter la zone. Les transferts de sable du sud au nord se font mal.
D’un point de vue sédimentaire, les plages d’une commune ne sont pas impactées de la même manière. » À Sainte-Marie nord, où les dunes restent stables, on ne constate pas de signes d’érosion. La position des encoches d’érosion est influencée par les ouvrages construits à proximité. « Nous avons aussi des zones qui sont en érosion car elles contiennent naturellement beaucoup de sable, c’est le cas de Torreilles plage par exemple, où il y a un recul du trait de côte important », affirme Provence Lanzellotti.
Dans les Pyrénées-Orientales, beaucoup de plages sont vouées à disparaître si rien n’est fait. À Sainte-Marie, la plage a été fermée au public. En plus du rechargement de la plage, les services de la mairie et de Perpignan Méditerranée Métropole s’activent pour installer des ganivelles, afin de maintenir le sable. « Ce n’est pas une solution miracle mais cela permet de temporiser. À terme, l’élu de Sainte-Marie a compris qu’il allait devoir réaménager ce secteur. » En effet, la promenade reste très exposée. Il va falloir que le baladoir soit reculé et qu’il soit moins invasif pour la plage. « Le risque principal pour ces communes, au-delà de la gestion de crise, c’est vraiment de perdre sa surface de plage. »
Un littoral méditerranéen morcelé par l’érosion
Dans l’Hérault, la surface des plages naturelles semble intacte. « Les plages reculent mais elles arrivent à faire une translation par l’arrière, c’est une question d’équilibre », assure l’animatrice de l’Obscat. En clair, les plages compensent la perte de sédiments emportés par la mer, par une arrivée de matières par les cours d’eau. Avec l’élévation du niveau marin, le changement climatique et le déficit sédimentaire, si on ne laisse pas les milieux s’équilibrer et évoluer plus librement, le risque est de perdre nos plages, attrait principal pour le secteur touristique.
À Argelès-sur-Mer, sur la réserve du mas Larrieu, la mer peut grignoter jusqu’à trois mètres de côte sableuse chaque année. Si ce chiffre paraît alarmant, il ne faut pas confondre érosion systémique et phénomènes saisonniers. « Il s’agit simplement de bancs de sable qui viennent se coller ou s’éloigner du trait de côte et qui la font bouger. Ce n’est pas nécessairement lié à l’érosion, mais plutôt à un signe de bonne santé d’une plage », avance Provence Lanzellotti.
Les membres de l’Obscat réalisent des mesures du trait de côte deux fois par an sur le littoral. « Nous utilisons un laser à haute portée, en hélicoptère ou en avion. Cela permet de produire une photo aérienne en relief et en altitude. Nous exploitons aussi des archives de l’État et des travaux scientifiques. » Récemment, des chercheurs de l’Université de Perpignan ont mené une étude sur l’évolution du littoral de 1895 jusqu’à nos jours. D’après les résultats, si l’érosion augmente, la hausse n’est pas exponentielle. On constate que notre littoral est très morcelé et qu’il subsiste parfois une différence brutale d’une plage à l’autre.
*L’Obscat est l’observatoire du littoral catalan.
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