Article mis à jour le 12 juin 2019 à 19:22
Ancienne ministre de la culture de mai 2017 à octobre 2018, Françoise Nyssen l’assure, cet ouvrage n’est pas un règlement de comptes. Plutôt « une volonté de transmettre » huit mois après son départ non-volontaire du ministère. Et pourtant, en quelques lignes, elle dépeint le Premier ministre Edouard Philippe comme « un homme qui aime les livres, mais il n’est pas sur le sujet de la culture ». Évoquant sa mise à l’écart et son successeur Frank Riester, proche du Premier ministre, elle tente une analyse, sans toutefois risquer la sudation. « Est-ce les petits affrontements que nous avons eus sur la CSG des auteurs ? Souhaitait-il un ministre plus politique ? Je ne sais pas… ».
Mais elle prend moins de précautions à l’heure de tacler la réhabilitation urbaine à Perpignan. Le maire Jean-Marc Pujol n’a d’ailleurs pas tardé à contester son propos « tellement excessif qu’il en devient d’un ridicule inachevé ». Il qualifie « d’invraisemblable donneuse de leçons » celle qui est sous le coup d’une plainte et d’une enquête préliminaire dans le cadre de la rénovation de ses bureaux chez Acte Sud.
♦ « Le tissu urbain et le tissu social détruits »
Rappelant ses années d’études d’urbanisme, elle professe : « Là où les centres urbains sont abandonnés et où on les démolit, comme à Perpignan par exemple, parce qu’ils sont considérés comme insalubres, le tissu urbain, mais aussi le tissu social sont détruits ». Serait-ce donc la transformation du théâtre municipal en amphithéâtre à destination des étudiants de droit qui l’a conduite à annuler sa venue pour Visa pour l’image 2018 ? Michel Pinell, ancien adjoint à la culture, démissionné car en désaccord sur ce même projet, semble le croire.
Ce dernier tweete : « Voilà certainement pourquoi Françoise Nyssen a annulé au tout dernier moment sa venue à Perpignan en septembre dernier ... ». Insérant dans sa publication sur les réseaux sociaux la photo annotée de la page 37 du livre de la Ministre. Un prétexte qui peut laisser pantois au regard des 700 journalistes tués ces dix dernières années dans l’exercice de leur profession. Profession qui a plus que jamais besoin d’être soutenue par ses instances. Comme elle l’est par Jean-François Leroy et l’équipe du Festival International du Photojournalisme…
♦ « Des quartiers gentrifiés » ?
Dans « l’engagement citoyen », son deuxième chapitre, l’ancienne ministre revient sur la tendance à la gentrification* des quartiers populaires. Prenant l’exemple de la ville italienne de Bologne : « J’avais été frappée de voir le travail de rénovation urbaine que menait la mairie communiste. Ils avaient imaginé des opérations « tiroir » pour maintenir les habitants dans leurs quartiers ». Cette réhabilitation des centres anciens de Bologne fait encore aujourd’hui figure d’exemple dans le domaine. Voir à ce sujet le projet de fin d’études soutenu à l’université de Tours.
Le cas du quartier Saint-Jacques est-il comparable ? Gangréné par les trafics, où la mixité sociale n’est qu’un simple concept sans aucune réalité, le cas de Bologne est-il transposable dans une commune où budgets contraints et difficultés économiques sont légion ?
La ministre ne comprend pas pourquoi le point de la mixité est « à ce point négligé ». Mais qui voudrait s’installer dans un quartier hors du temps, hors de la société française ? Où même l’école, certes aux horaires et programmes aménagés, a le plus grand mal à jouer son rôle d’insertion sociale ?
Son credo ? « Pourquoi démolir, lorsqu’on peut partir des bases existantes pour imaginer autre chose ? ». La ministre conclut sa tirade sur la rénovation urbaine en égratignant Perpignan et son équipe municipale. « La manière dont on pense et dont on construit les bâtiments, aura une incidence sur la vie des gens qui l’habiteront ».
Une vision transposable au quartier Saint-Jacques avec ses rues étroites qui ne voient que rarement les rayons du soleil ? Manquant de lieux de convivialité ou de parcs aménagés qui influent sur la vie de la communauté. Un quartier fermé sur lui-même avec ses propres règles. Régi par quelques familles et subventionné à grand coup de minima sociaux.
♦ Nota Bene
*La gentrification est un terme américain couramment utilisé pour évoquer l’embourgeoisement d’un quartier. En clair, il s’agit du fait qu’un quartier populaire voit progressivement sa population remplacée par une catégorie de personnes socialement plus aisée.
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