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L’École 42 Perpignan passe la barre des 500 étudiants : contre toute attente, les débouchés sont locaux

L’école informatique sans cours ni professeur vient de voir passer son 500e étudiant à Perpignan. Au propre étonnement de la direction, 96 % des emplois décrochés le sont sur les Pyrénées-Orientales.

Trônant au sommet des Dames de France à Perpignan, l’École 42 entame sa quatrième année d’existence. Un OVNI qui a fait l’objet de toutes les appréhensions, avant de s’intégrer dans le territoire, avec de nombreux partenariats et de l’évènementiel avec des entreprises locales.

Marie Payré, directrice communication et administration, fait un point d’étape sur cette formation atypique. « La moitié des étudiants viennent des Pyrénées-Orientales » rappelle-t-elle.

Les bases du système fondé par Xavier Niel restent les mêmes. Une école gratuite mais sélective, avec des jeux en ligne qui écrèment 10 % des quelque 3000 candidats pour chaque promo de Perpignan. Puis nouvelle sélection avec un mois d’exercices intensifs, appelé « la piscine », où l’on cravache parfois plus de quinze heures par jour et où il faut gérer son sommeil pour finir à temps. Environ 40 % des candidats de la piscine seront enfin admis. Ils enchaînent avec deux ans d’études, incluant un stage en entreprise. Pas de professeurs, uniquement une série de projets à boucler en jonglant entre autonomie et entraide.

Un public féminin encore difficile à atteindre

Si l’on croise tous les âges, avec beaucoup de reconversions, la féminisation dans le codage est encore un vœu pieux, avec seulement 10 % de femmes. Selon Marie Payré, il y a encore du chemin à faire sur les représentations dès le collège. Anastasia a 37 ans, elle est entrée à l’École 42 dès la première piscine.

« C’est vrai qu’on n’a pas beaucoup de filles. Dans notre promotion il y en avait une vingtaine mais seule la moitié est restée. Comme on est peu nombreuses on se porte un peu plus d’attention mutuelle. »

Anastasia fait partie de la minorité féminine de l’École 42.

Autre frein dans les représentations, le codage est vu comme un métier mathématique alors qu’il s’agit d’algorithmie. Pour Antoine Cabaille, directeur technique, « c’est un langage avec une syntaxe, une logique. On est plus proche de l’apprentissage d’une langue étrangère. »

96 % d’emplois sur les Pyrénées-Orientales, avec des premiers contrats à plus de 2000 euros

Mais le plus étonnant, c’est que ceux qui s’accrochent n’ont pas besoin d’être mobiles. Le taux d’embauche est de 100 %, dont 96 % dans les Pyrénées-Orientales.

« Ce sont souvent des créations de poste » explique Marie Payré. Des dizaines d’entreprises locales cherchent aujourd’hui des développeurs pour mieux prendre les virages du numérique.

On retrouve ainsi des élèves chez le développeur 900K à Matemale, chez le fournisseur d’électricité Llum, dans les industries comme Sterimed à Amélie-les-Bains, Diam Bouchage à Céret…

Ce sont aussi des services publics : préfecture, mairie, CAF, CNRS à Banyuls-sur-Mer. Sans compter tous ceux qui créent ou rejoignent des start-up. On retrouve ainsi Korben qui fabrique des automate de nettoyage et d’accueil, ou des initiatives plus atypiques, comme Festicars qui propose du covoiturage pour les festivals, une start-up destinée à garer les planeurs dans les aérodromes. Ou encore l’étonnant DupesLab qui permet de trouver l’équivalent de produits de luxe en moins cher.

Marie Payré, directrice communication, et Antoine Cabaille, directeur technique.

Les premiers contrats sont souvent signés à plus de 2000 euros net, avec des perspectives bien supérieures. Pour autant, l’École 42 ne peut se reposer sur ses lauriers. Elle envisage d’élargir ses partenaires à l’ensemble de la région pour anticiper un éventuel ralentissement du marché local. Le langage de programmation, jusqu’alors limité au C et C++, intègre désormais le Python utilisé par l’essentiel des entreprises.

Quand l’intelligence artificielle bouleverse l’univers des développeurs

Mais surtout, l’École 42 a pris de plein fouet le boom de l’intelligence artificielle, capable de fournir du code « tout prêt » sur demande, au risque de faire perdre des compétences aux développeurs. Pour Antoine Cabaille, après un temps d’incertitude et des craintes de tricheries, l’école s’est adaptée.

« Il faut qu’ils maîtrisent le sujet technique, et là ils peuvent utiliser l’IA. Mais ils vont vite ce rendre compte que ce qu’elle va générer n’est pas d’ultra qualité. »

En effet, les résultats seraient truffés d’erreurs et le gain de temps n’est pas si évident. En revanche, les métiers de l’IA séduisent les jeunes. Avec la cybersécurité, c’est la tendance du moment, plutôt que les jeux vidéo ou la blockchain comme auparavant.

Anastasia, en fin de premier cursus, s’oriente vers des spécialisations sur applications mobiles et l’architecture de base de données. Elle est en stage dans l’entreprise de robotique Korben à Perpignan. « Je suis très fière d’être arrivée là » assure-t-elle. Elle n’avait jamais codé avant son entrée à l’École 42. Elle se souvient de la piscine comme d’un mois particulièrement éprouvant. « Je n’avais pas d’expérience, c’est compliqué. Il y a des journées où on ne comprend rien, c’est beaucoup de nouvelles informations d’un coup. »

« J’ai commencé la ‘piscine’ sans aucune notion »

Pierre-Alexandre Ravet est lui de la toute dernière promotion. Cela fait seulement un mois qu’il a terminé la piscine et intégré le tronc commun. Quadragénaire, il formait des enseignants à Perpignan avant de se reconvertir. « Je n’avais jamais codé, mais j’ai vu mon frère le faire et ça m’a fasciné. J’ai commencé la piscine sans avoir aucune notion. Il n’y a aucune instruction. Sur l’ordinateur, je vois qu’il fallait ouvrir le terminal. Je ne savais même pas ce qu’était un terminal. Alors j’ai charbonné. Je crois que j’ai fait en moyenne 90 heures par semaine. C’est 7 jours sur 7. »

Pierre-Alexandre, heureux d’avoir intégré la toute dernière promotion à Perpignan.

Lui aussi est revenu de l’IA. « Une fois, j’ai utilisé Chat GPT pour trouver une erreur dans un code qui ne compilait pas. Non seulement il ne l’a pas corrigé mais il m’a créé de nouvelles erreurs. » Pierre-Alexandre aimerait se diriger vers la cybersécurité et la cryptographie, et trouver de l’embauche en local.

« Ce qui me plaît, c’est ce que je ne comprends pas. Une fois que j’ai compris, il me faut autre chose. C’est une espèce de boulimie intellectuelle. »

En attendant la prochaine promotion, l’École 42 continue de s’ancrer dans les Pyrénées-Orientales. Elle y propose des « discovery », qui sont des initiations au code informatique, versions simplifiées des piscines. Et du 12 au 14 décembre, elle organise au musée de Tautavel un « hackathon » ouvert à tous où les codeurs pourront se saisir de la base de données archéologique pour proposer des pistes de présentation et de classement. Une 42 de moins en moins parisienne, de plus en plus catalane.

 

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