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« Ça n’a absolument rien d’écologique » : La Coalition Viure et des écrivains-militants s’unissent contre l’agrivoltaïsme

Agrivoltaïsme dans les Pyrénées-Orientales, entre inaugurations et tensions

Sylvie Bitterlin et Clément Osé, auteurs du livre Les Marchands de Soleil : Face à la machine photovoltaïque, faisaient halte ce 16 avril au Nautilus pour faire la promotion de leur ouvrage. L’occasion d’ouvrir le débat sur l’impact environnemental de l’agrivoltaïsme dans les Pyrénées-Orientales. Des membres de la Coalition Viure et de la Confédération paysanne en ont dressé un portrait particulièrement critique.

« On doit pouvoir dire son mot et s’opposer à ces projets », déclare Valentine Lescot, porte-parole de la Coalition Viure, un regroupement d’associations de protection de l’environnement dans les Pyrénées-Orientales. Les auteurs et le groupe ont un point commun : leur indignation face à l’ampleur des installations photovoltaïques dans le paysage.

Une accélération notable agrivoltaïsme 

Face à une trentaine de personnes, la coalition dresse le portrait des parcs photovoltaïques des Pyrénées-Orientales. « Depuis deux ans, il y a une multiplication des projets de panneaux photovoltaïques sur des zones naturelles et forestières », déplore Valentine Lescot. La militante met directement en cause la loi APER de 2024. Cette législation permet d’accélérer l’installation de productions d’énergies renouvelables, notamment en facilitant les démarches administratives. Des propos confirmés par un document du Groupe National de Surveillance des Arbres (GNSA).

Un constat partagé par Valérie, membre de la Confédération paysanne. « Ce qui se développe le plus dans le département, c’est l’agrivoltaïsme », ajoute-t-elle. Ce procédé consiste à installer des panneaux solaires sur des terrains agricoles. Daniel Bouix, membre de la coalition, dénonce un “mépris du monde paysan”. Ce dernier explique que les sociétés rachètent les parcelles bien au-dessus des prix du marché, provoquant une inflation des terrains agricoles.

Interrogé, Sun’Agri, l’un des leaders de l’agrivoltaïsme dans les Pyrénées-Orientales, n’a pas répondu à nos questions. Cependant, ils déclarent sur leur site internet : « La «bulle» de loyers démesurés multiplie le prix des terres agricoles (x10 ou plus). Mais ces projets à loyer élevé sont généralement des projets photovoltaïques classiques et non de l’agrivoltaïsme ».

Vers une mer de panneaux photovoltaïques

« On voit un paysage qui est complètement déformé », déplore Valérie. Avec le passage des engins de chantier, les chemins d’accès sont détériorés. Se pose aussi la question de l’attractivité du territoire. « Qui va avoir envie d’aller se promener au milieu des panneaux ? », s’interroge Valérie.

Pourtant, Sun’Agri justifie que « les structures doivent être intégrées dans le paysage de façon harmonieuse, notamment grâce à des haies paysagères et locales ».

Pour installer un parc photovoltaïque, plusieurs hectares sont nécessaires. « Pour produire un mégawatt-crête*, il faut entre un et trois hectares de panneaux », précise Daniel. D’après ses propres calculs, suivant le plan d’Emmanuel Macron visant à produire cent gigawatts de solaire en 2050, « cela entraînerait entre environ 90 et 200 000 hectares au total » de panneaux photovoltaïques de tout type en France.

Un chiffre qui a interpellé un participant. Mettant en parallèle les 400 000 hectares des Pyrénées-Orientales, il déclare : « Ce n’est jamais que la moitié d’un département. Et si on répartit un peu partout dans les endroits ensoleillés dans ce pays, est-ce que ce calcul est vraiment si mauvais que cela, si on veut la décarbonation et la souveraineté énergétique ? »

Quelles conséquences sur la biodiversité ? 

Une fois installés, les panneaux peuvent créer des nuisances tant pour les humains que pour la biodiversité. La flore se trouvant en dessous ne repousse que partiellement, en raison de la chaleur dégagée et du compactage de la terre dû au passage des machines.

AGRIVOLTAISME FOURQUES CONSULTATION SUN AGRI

“Il y a des chasseurs, qui me disaient qu’il y avait les sangliers, les chevreuils, qui venaient dans le village parce que les animaux sont perdus”, déplore Daniel. Les parcs étant clôturés, cela complique la circulation des mammifères. Ces derniers peuvent aussi être perturbés par les nuisances liées au chantier : bruits, vibrations, abattages des arbres,…

« Trois études indépendantes récentes menées sur trois cultures et sites Sun’Agri montrent que les persiennes n’ont pas d’impact négatif sur la majorité des espèces observées », explique la société.

Une fabrication pas si verte ?

La fabrication des panneaux est aussi remise en cause. Le passage au four à haute température pendant plusieurs heures la rend énergivore. Une fois fabriqués, les panneaux vont effectuer un long trajet entre la Chine et la France. « Ça n’a absolument rien d’écologique », regrette Valérie. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), la majorité des panneaux solaires distribués dans le monde sont produits par la Chine.

« Ces panneaux, à l’heure actuelle, on ne sait pas les recycler », explique-t-elle. Des propos qui seront contredits par une personne présente dans la salle : « C’est recyclable, mais on ne veut pas le recycler ». Cette dernière explique qu’il est possible de recycler des matériaux comme l’aluminium et le cuivre, mais que cela n’est pas pratiqué pour des raisons de rentabilité.

De son côté, le producteur d’énergie durable Engie précise qu’aujourd’hui les panneaux photovoltaïques sont composés jusqu’à 94 % de matériaux recyclables. Idem du côté de Sun’Agri qui déclare que ses installations sont recyclables à 90%.

L’expérience de militants

Daniel et Valérie laissent place à Clément Osé et Sylvie Bitterlin. Tous les deux, auteurs du livre Les Marchands de Soleil : Face à la machine photovoltaïque, partagent leur expérience. Sylvie est une militante du groupe « Elzéard Lure en résistance » qui s’est opposée à l’installation de parcs photovoltaïques dans la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence). L’ouvrage mêle récit réel des actions menées par Sylvie et fiction.

En tournée promotionnelle dans toute la France, le duo a un objectif : « Ce livre est un outil pour les gens qui se mobilisent », explique Clément Osé. C’est d’ailleurs ce que Sylvie Bitterlin exprime oralement en retraçant son militantisme à travers ses différentes actions.

*mégawatt-crête : La puissance nominale d’un panneau solaire photovoltaïque peut s’exprimer en watts « crête » (Wc ou Wp en anglais pour « watt peak ») ou en l’un de ses multiples, les plus courants étant : le kilowatt crête (1 kWc = 103 Wc) le mégawatt crête (1 MWc = 106 Wc)

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