Article mis à jour le 17 juillet 2018 à 12:27
De passage au festival Les Déferlantes, nous avons pu interviewer le phénomène musical de l’année. La sortie de son premier album, déjà disque de platine, a fait l’effet d’une bombe dans le paysage musical français. A seulement 25 ans, l’auteur compositeur interprète qui n’a que la voix pour instrument a conquis le public de Valmy par ses textes forts de sens. Des textes qui « claquent » et évoquent ses « questionnements, ses brûlures », les « choses profondes » qui lui donnent « envie de sortir ses tripes et de les mettre sur la table ». L’accueil réservé à son premier opus prouve qu’il a su toucher le public en faisant de ses mots, les mots de tous. Dans la veine de Jacques Brel par la précision de ses textes ou de Stromae par la modernité de son travail, Eddy de Pretto sera au Mediator le 24 novembre prochain.
La scène, les festivals, entre rituels et apprentissage ?
Pour ceux qui ne connaissaient pas Eddy de Pretto, la surprise est grande de le voir débarquer sur la grande scène des Déferlantes avec son smartphone. Un téléphone, c’est le seul instrument qu’Eddy autorise sur la scène. La volonté « d’une scénographie minimaliste … un lien direct avec le public », sans piano, sans guitare. « Quand j’étais petit, on me disait ne te cache pas derrière ta guitare. On ressent rien ! J’ai toujours vécu l’instrument comme une impasse, quelque chose qui vient bloquer l’interprétation, l’échange avec le public. Et c’est ça que j’ai envie d’aller chercher, sans rien on peut se transmettre des choses et se dire des choses ».
Cette volonté de partager avec le public par une scène épurée s’accompagne d’une présence scénique étudiée. Une technique qu’il a acquise lors de ses cours de théâtre. « la projection sur scène, prendre l’espace. En fait plus les scènes sont grandes, plus j’ai l’impression de me grandir, consciemment et inconsciemment. L’impression de devenir assez suffisamment monstre pour essayer d’attraper tous les gens. Il faut y aller avec une certaine assurance totale et sentir que c’est toi qui va manger les gens plutôt que eux te mangent, surtout sur les grandes scènes ».
Pour Eddy, c’est la première tournée des festivals, l’occasion d’apprendre comment se préparer à « chanter tous les soirs pendant 5-6 dates ». Un travail qui lui demande une certaine rigueur, « j’apprends les limites de ma voix, comment la gérer. Je suis très soucieux de ça, j’ai très peur de perdre ma voix ».
Pour celui qui « a la folle envie d’avoir le contrôle de tout », les rituels d’avant scène sont importants. Celui qui se met à nu face au public trouve dans le fait de prendre sa tenue de scène « un rituel très focalisé, très concentré » pour « s’installer dans quelque chose de plus étoffé, de plus grand ». En festival la difficulté est accrue par des gens qui sont là « qui n’aiment pas ou qui se foutent du projet » Eddy se doit de « les chopper, leur dire, je suis là j’ai envie de vous raconter des choses ! ».
« Quelque chose d’un peu énervé, dire les choses pour se faire comprendre, être de plus en plus précis, à la limite de la violence »
« Cure » sorti en mars 2018 est le fruit de « beaucoup de réflexions interne. Je laisse vraiment les tripes me guider, dans le sens où je me laisse aller à beaucoup d’observation. Et par la suite les phrases viennent comme ça, des choses jolies que je trouve à dire« . Après ce travail d’introspection, Eddy est entré en studio pour approfondir les thèmes : « je creuse, je creuse, je creuse pour arriver à quelque chose de précis ».
Parce qu’il aime vivre « les choses totalement, sans demi mesure » avec le sentiment de ne jamais vouloir « se préserver ». Eddy prend l’exemple du titre « Fête de trop » : « J’ai toujours voulu aller au bout de la fête, aller au delà des limites. Tu vois les limites de soi et tu te rends compte de toutes les questions que cela peut susciter d’être dans le bout de quelque chose. C’est là que je vais piocher les fonds de mes pensées, de mes réflexions sur ce que je suis et comment je vis avec les autres ».
Autocensure, politiquement correct ou faussement provoc’ ?
Eddy s’impose-t-il des limites dans ses textes, des barrières à ne pas dépasser ? Il s’interroge souvent sur le sujet, il aime à dire non : « Je n’ai pas envie de céder à une quelconque censure ou le qu’en dira-t-on ou ce qui est moralement possible ou impossible de le faire de le dire. J’aime justement traiter des sujets, il y a un côté faussement provoc’.
Par exemple un sujet comme la virilité, je me suis jamais dit c’est une question intime en tant qu’homme à laquelle j’ai été confronté… Je ne me suis pas dit oholala mais que vont dire les gens. J’avais foncièrement envie d’en parler et envie de traiter ce truc. Donc non, la réponse est non je n’ai pas envie de céder à ça, et j’espère avoir d’autres sujets à traiter qui soient aussi un peu subversifs ». À propos de la masculinité, il déclarait : « C’est mon expérience personnelle, ce n’est pas une attaque ou une dénonciation. Mais ça se rapproche aussi de mes racines, où l’on montre et on démontre sa masculinité, et on la frappe fort pour dire qu’on est viril et qu’on a des grosses couilles ».
Modèle, porte voix, un rôle qu’il refuse
Quand on l’interroge sur son potentiel rôle de « modèle » ou « d’icône », il répond : « Je ne le vis pas, je ne veux pas le sentir, ça me mettrait beaucoup trop de pression et beaucoup trop ! Non non non, j’essaie de rester le plus loin possible de toute cela. J’essaie de raconter l’infiniment petit, l’infiniment précis de ce qui m’arrive ce que je vis. Mais l’icône, tout ce que ça peut créer, l’idolâtrie, le fanatisme, j’essaie de l’écarter le plus de moi, car je pense que c’est des choses qui peuvent me fragiliser énormément ».
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